"J’ai été surpris parce que personne ne s’attendait à cette démission. Mais si on se réfère aux textes de l’Eglise, un Pape peut donner sa démission s’il constate en conscience qu’il ne peut plus bien gouverner l’Eglise. Le Pape Benoît XVI a lui-même dit qu’à cause de sa santé, il ne se sent plus capable de gouverner l’Eglise. Il ne faut pas oublier que c’est une très lourde fonction".
Il n’est pas fréquent de voir un Pape démissionner, surtout que nous avons l’expérience du Pape Jean Paul II qui est allé jusqu’au bout malgré son âge. Pourriez –vous nous dire si vous êtes surpris par la démission du Pape Benoît XVI ?
J’ai été surpris parce que personne ne s’attendait à cette démission. Mais si on se réfère aux textes de l’Eglise, un Pape peut donner sa démission s’il constate en conscience qu’il ne peut plus bien gouverner l’Eglise. Le Pape Benoît XVI a lui-même dit qu’à cause de sa santé, il ne se sent plus capable de gouverner l’Eglise. Il ne faut pas oublier que c’est une très lourde fonction.
Ce qu’il faut retenir est que la démission d’un Pape est une affaire de conscience. Si Jean Paul II était allé jusqu’au bout, c’était tout d’abord une affaire de conscience, pour lui, démissionner était considéré comme une trahison de sa mission. Il a souffert comme Jésus Christ jusqu’à la mort. Tout le monde est donc surpris puisqu’une telle expérience est très rare.
Vous venez de dire que pour le Pape Jean Paul II, démissionner était comme une trahison de sa mission. Le peuple de Dieu ne peut-il pas être découragé, puisque le Christ a porté sa croix jusqu’au bout ?
Les raisons données par le Pape Benoît XVI pour expliquer sa démission sont claires. C’est le même processus qui se passe avec les Evêques. A 75 ans, chaque Evêque doit déposer sa démission, parce qu’à cet âge, on n’a plus assez de forces pour guider les communautés chrétiennes, car on ne peut plus se donner à fond comme lorsqu’on avait 50 ans.
Déjà âgé de 85 ans, il est normal qu’en conscience, il puisse décider de démissionner. Je me souviens que son frère aîné était étonné que Benoît XVI accepte de devenir Pape, parce qu’il savait qu’avec son âge et ses problèmes de santé, cela pouvait être difficile pour lui d’assumer cette haute fonction. Son frère aîné a déclaré ne pas être étonné que cette démission survienne.
Des rumeurs circulent selon lesquelles on aurait poussé le Pape à la démission. Or le Canon 332 §2 du Code de droit canon affirme que la démission d’un Pape est possible. Quel éclairage pouvez-vous apporter à ce sujet ?
Personne ne peut pousser le Pape à la démission. Il n’y a aucune autorité supérieure à celle du Pape dans l’Eglise catholique. Il a pris cette décision difficile en toute liberté.
Après la démission du Saint-Père qu’est ce qui va se passer ?
Comme lui-même l’a annoncé, après sa renonciation qui prend effet à partir du 28 février 2013, l’Eglise va s’organiser pour préparer l’élection de son successeur, et un conclave sera convoqué.
Quelle doit être à présent l’attitude du peuple de Dieu ?
Il s’agit de prier pour un bon choix d’un autre Pape. Dans la vie quotidienne, il faut s’attendre à voir les pasteurs de l’Eglise prendre leur retraite. Actuellement nous sommes quatre Evêques Emérites au Cameroun. Je crois qu’il est juste de donner la place aux plus jeunes, à ceux qui ont la force d’assumer certaines fonctions. Avec la démission du Pape, nous en appelons à la conversion des cœurs.
Comment va-t-on désormais l’appeler, Sa Sainteté, Monseigneur, Eminence ?
On va l’appeler le Pape Emérite, tout comme on appelle les Archevêques les Emérites.
Eminence, allez-vous encore participer au conclave ?
Non, les Cardinaux de plus de 80 ans comme moi, ne participent pas au conclave, mais, sans être là, on est toujours candidat. Les Cardinaux peuvent toujours élire un autre Evêque ou un Cardinal qui est Emérite. La loi de l’Eglise dit que seuls les Cardinaux donnent un Pape à l’Eglise au cas où le siège papal est déclaré vacant. Le candidat choisi peut même être un chrétien, un évêque, pas forcément un Cardinal.
Quelle leçon pour le peuple de Dieu et pour le monde ?
De nombreux chefs d’Etat ont déjà exprimé leur reconnaissance à Benoît XVI. En lui, nous reconnaissons un courage évangélique d’une très grande portée. C’est au nom de l’Evangile que le Pape a donné sa démission. Il vient de donner sa démission pour le bien de l’Eglise. Cela montre que l’on soit Chef d’Etat, ou un fonctionnaire, si on sent qu’on ne peut plus gouverner ou servir, il ne faut pas avoir peur de démissionner, c’est –à dire céder la place aux plus jeunes.
Ce que le Pape a pris comme décision, c’est pour le bien de l’Eglise, il n’y a pas autre raison. Il a dit qu’il va se retirer et continuer de prier pour l’Eglise. C’est une grande leçon d’humilité, car il y a parfois des Evêques qui hésitent à prendre leur retraite, mais, voilà que Benoît XVI lui-même montre l’exemple. Il faut avoir le courage de céder la place aux plus jeunes. Ceux qui ont peur de prendre leur retraite sont peut-être des gens qui ont mal géré, et sont gênés que le successeur découvre leur mauvais travail.
Benoît XVI est un homme de foi, et il a si bien fait de décréter une Année de la foi, parce que dans le monde actuel, la foi ne cesse de décliner. Il a jugé bon d’inviter toute l’Eglise à prier le Seigneur pour qu’il continue à fortifier la foi de l’Eglise, c’est –à-dire la foi de chaque membre, de chaque baptisé. Benoît XVI est aussi un très grand intellectuel, un grand théologien. Je garde de lui, le souvenir d’un pasteur qui écrit simplement, mais très profondément.