Carburants, Ape, Smig … Face au gouvernement, le grand cafouillage

Écrit par  Serge-Lionel Nnanga



Entre les syndicats, des divisions sont perceptibles ; le patronat est accusé de connivence ; la société civile est interdite de manifestation ; les partis politiques se contentent de quelques dénonciations de principe …
 

Le 14 juillet 2014, un arrêté du Premier ministre a créé le Comité de concertation et de suivi du dialogue social. Cet organe tripartite est chargé de « suivre et veiller à la mise en œuvre effective des mesures décidées par le Gouvernement dans le cadre du dialogue social ». Il doit, entre autres misions, recueillir, discuter, examiner et apprécier les revendications des organisations professionnelles ; ou encore proposer des solutions conservatoires aux mouvements de grève en vue notamment de « prévenir les conflits sociaux de toute nature ». Une instance de discussion donc, comme le revendiquaient les syndicats depuis plusieurs années. Mais la création de ce comité, en ce moment précis a quelque chose de stratégique. Car l’institution de ce cadre de dialogue figure parmi les deux principales revendications émises par les syndicats dans le préavis de grève qu’ils ont transmis au gouvernement pour ce 28 juillet. Moins une donc, même si cela constitue aujourd’hui un sujet d’embarras pour les syndicats. « C’est vrai que le comité a été créé mais nous attendons de voir comment il va fonctionner », a par exemple réagit Jean Marie Zambo Amougou, le président confédéral de la Cstc. Pour sa part, l’Ugtc d’Isaac Bissala a adressé au gouvernement un ensemble de revendications qu’elle souhaite voir être discutées au sein du Comité et n’en espère pas moins des mesures à court (une semaine) et à moyen terme (un mois). Mais ces syndicats sauront-ils tenir le front face à un gouvernement qui a déjà présenté quelques preuves de bonne foi en consentant notamment à une hausse des salaires des personnels de la fonction publique ? Cette  interrogation a d’autant plus d’acuité que les coulisses de la 17e session de la commission nationale consultative du travail, tenue les 16 et 17 juillet, ont laissé voir quelques lignes de différenciation qui pourraient plomber les négociations espérées. Sur la question du Smig par exemple, faute d’avoir une position commune, certains syndicats ont accepté le consensus de 36 270 Fcfa, là ou d’autres proposaient 62 000 Fcfa. De même, certaines sources ayant participé à ces travaux ont cru noter une certaine complicité entre le gouvernement et le patronat, lesquels se sont (curieusement ?) tous les deux aligné sur une proposition initiale de 35 000 Fcfa.
 
Passage en force
 
La semaine qui commence ce 21 juillet 2014 pourrait donc s’avérer décisive. Sur le front social, syndicats, patronat, société civile et partis politiques ne semblent ni avoir les mêmes intérêts, ni organiser un front commun. Malgré leurs divisions, les syndicats ont maintenu leur mot d’ordre de grève générale pour le 28 juillet. Si les négociations à s’ouvrir sont susceptibles de changer cette issue, nul ne peut jurer de l’état dans lequel les syndicats y iront. De son côté, le gouvernement poursuit son passage en force.  Après avoir unilatéralement décidé, le 30 juin 2014, de la baisse des subventions des prix de certains produits pétroliers – ce qui a eu pour effet d’en renchérir le coût -, il menace désormais. Le 10 juillet 2014, le sous-préfet de Yaoundé IIIe a signifié à l’activiste Delor Magellan Kamgaing que la manifestation de protestation qu’il souhaitait organiser ne pouvait avoir lieu. « En effet, le lieu choisi pour votre manifestation est à proscrire, en raison de sa situation stratégique. Car d’une part, il s’agit d’un espace ministériel de surcroît à grande circulation ; et d’autre part, la hiérarchie y avait déjà interdit toute manifestation de cette nature », écrit le chef de terre dans sa lettre. Le 16 juillet, c’est au tour du sous-préfet de Yaoundé Ier d’imiter son homologue. « J’ai l’honneur de porter à votre connaissance de ce que, malgré un examen attentif de votre demande, il ne m’a pas été possible d’y réserver une suite favorable pour des raisons de trouble à l’ordre public », écrit l’autorité administrative. Le président de la ligue camerounaise des consommateurs souhaitait en effet organiser un sit-in devant les services du Premier ministre, là où se trouvent également les bureaux de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (Fmi).
A Douala, le gouverneur de la région du Littoral, Joseph Beti Assomo, a convoqué les hommes de médias le 17 juillet pour une communication aux relents de mise en garde. « J’entends des gens qui appellent aux soulèvements, à la casse. Des responsables de médias se cachent derrière les émissions interactives pour ouvrir leurs antennes aux gens qui appellent au soulèvement. On ne joue pas avec la paix sociale », a-t-il notamment dit. Dans certains partis politiques, on se prépare encore. « Le parti a des actions concrètes à mener par rapport à cela. Pour l’instant, nous sommes en brainstorming. Nous lancerons nos actions dès ce mois d’août », affirme par exemple Sosthène Médard Lipot, un cadre du Mrc. Il ajoute par ailleurs qu’une coalition de partis politiques est en train de se mettre en place pour donner du «répondant» au gouvernement.

 
 



21/07/2014
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres