Candidatures aux législatives: Où sont passées les listes du RDPC ?

DOUALA - 23 JUIL. 2013
© Rodrigue N. TONGUE | Le Messager

La direction du parti au pouvoir a mis sous embargo l’identité des 180 candidats et leurs suppléants investis pour les élections du 30 septembre 2013.

Au fil des échéances électorales locales (municipales, législatives et récemment les sénatoriales), les candidats à la candidature du parti du flambeau, leurs proches, leurs adversaires et les états majors ont développé un geste mécanique. Celui de sauter sur l’édition spéciale du journal L’Action qui publie souvent intégralement la liste des personnes investies ou tout au moins celle des postulants dont les dossiers ont été présentés par la hiérarchie à l’administration ou à l’organe en charge de la gestion des élections. La pratique avait ainsi érigé « L’Action » en support officiel diffusant l’information exacte au milieu du flot d’informations divergentes distillées sur l’identité des élus après la dernière relecture du président national.

Mais rendus, cette année, au 5 e jour [hier, 22 juillet 2013, Ndlr] suivant le dépôt des listes des candidats aux législatives du 30 septembre prochain, les candidats et le reste de la classe politique n’ont pas pu mettre la main sur l’édition tant attendue du journal l’Action (la situation est un peu différente en ce qui concerne les municipales, car certains candidats ont eux-mêmes déposé leurs dossiers de candidature auprès des antennes communales). De même qu’aucune liste n’a été affichée ni mise à la disposition des militants par quelque moyen que ce soit. Pourtant, dans les allées du siège du parti au pouvoir où est logée la rédaction de cet hebdomadaire, tous les cadres rencontrés par Le Messager annonçaient depuis la semaine passée, la publication de ce numéro spécial. Une raison essentielle renforçait leur religion. C’est la publication habituelle de ces listes par le même canal. Bien plus, des journalistes en service depuis de longues années « au journal du Rdpc » signalaient même à leur entourage, la mise sur le marché de l’édition tant réclamée. Mais à chaque fois, les annonces sont restées sans suite. La cause ? La hiérarchie aurait reçu des ordres stricts d’ajourner la publication des investis du parti jusqu’à nouvel ordre.


Rumeur

A l’intérieur de sa technostructure, le Rdpc indique que c’est une option voulue par la « très haute hiérarchie » pour réduire au maximum les querelles que pourraient engendrer les arbitrages opérés au niveau du comité central après les résultats des travaux des commissions locales chargées de présélectionner les candidats. « Le parti est conscient des blessures causées par l’absence des primaires. Il mesure le choc que la publication de la liste des candidats investis peut entraîner avant la cicatrisation de ces plaies. Je comprends donc que l’on garde le mystère sur ces listes. Si celles-ci étaient publiées demain [aujourd’hui, Ndlr] il y aurait moins de secousses dans les états majors que si elles avaient été rendues publiques le lendemain du dépôt des listes », explique un membre titulaire du comité central ayant requis l’anonymat. Cet avis est partagé par de nombreux cadres très proches du secrétaire général du Comité central qui signalent en sus, que chaque candidat investi en a été informé et invité à verser la caution exigée par la loi. Ce qui peut laisser croire que le Rdpc entend retarder au maximum la divulgation de l’identité de ses 180 députés aux législatives.

Ainsi au principal, le parti dominant aurait opté pour le grand secret et au secondaire, il assumerait le fait que par des voies informelles, l’information sur l’identité d’untel ou d’un autre retenu se répande pour préparer les esprits dans les états majors sur ses choix, peut être impopulaires. Mais cette diffusion de l’information par la rumeur peut, d’après l’opposition, permettre également au parti au pouvoir de régler la question des insuffisances dans la composition du dossier. Bernard Mbarga, militant du Mrc croit que tant que les listes ne sont pas publiées, le Rdpc peut manigancer avec Elecam pour changer les suppléants dans la quête du respect des équilibres, ou compléter les pièces manquantes après les délais légaux.

Quoiqu’il en soit, cette « cachoterie » se révèle impopulaire au niveau de la base. De nombreux militants du Rdpc plaident pour une publication rapide de ces listes afin de rompre avec la rumeur qui s’est emparée des états majors. Mais jusqu’au moment où nous mettions sous-presse, hier 22 juillet 2013, le mystère n’avait pas été levé sur l’identité des 180 « élus » de Paul Biya.

Rodrigue N. TONGUE


Focal: Démocratie et transparence

Outre les « grands » principes universels de la démocratie que sont le suffrage universel, le multipartisme, le respect des libertés individuelles et collectives et la séparation des pouvoirs, la donne actuelle prend en compte les questions de gouvernance et donc de gestion transparente parmi les indicateurs de bonne pratique de la démocratie. Si, en renonçant, aux primaires ou la réorganisation de son sommier politique conformément à ses statuts, on peut soupçonner le Rdpc d’avoir quelque peu foulé au pied le principe du surfrage universel dans le choix des représentants, on l’accuserait bien encore -et ce, légitimement- de faire fi des exigences de transparence sans lesquels le Rassemblement… du peuple camerounais ne peut être démocratique.

Le « parti du flambeau ardent », au pouvoir depuis sa création aura donc à la fois privé sa base militante de primaires qui seules lui permettaient de présélectionner ses représentants, mais aussi l’aura empêchée de savoir aussitôt après le fait, qui a été désigné en ces lieux et place pour briguer les sièges de députés. Inutile donc pour cette base de demander à la direction du parti de lui expliquer ses choix… de savoir pourquoi « x » soupçonné d’être impopulaire a été préféré à « y » qui a su se montrer proche des électeurs. Puisque à Akono, Yagoua ou Jakiri, personne ne sait officiellement qui a été retenu par la hiérarchie du parti. Elecam informera… et au nom de « la discipline du parti », tous les militants du « R » seront appelés à accorder leurs suffrages au choix du président national qui aura gardé jusqu’au bout, le mystère sur l’identité des candidats. Eh bien, le Rdpc entend faire la démocratie sans transparence… un paradigme nouveau !

R.N.T.



24/07/2013
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