YOUWIN2018

Canada- Cameroun, Soutenance de thèse de Modeste Mba Talla : Lumière sur les mouvements rebelles en RDC

La communauté universitaire camerounaise déterritorialisée de part le monde s’est enrichi tout récemment d’un nouveau membre. Monsieur Mba Talla, a soutenu une thèse de doctorat à l’école d’études politiques de l’université d’Ottawa qui avait pour thème : Émergence, « fragmégration », et perpétuation des rébellions au Congo-RDC (1990-2010) : Une politologie des groupes armés.Devant un parterre des membres de sa famille, d’amis et de collègues Modeste Mba Talla a expliqué à ses examinateurs que ses motivations profondes sur ce sujet étaient de faire la lumière sur le trou noir qu’est la rébellion. L’homme qui est journaliste de formation a fait une recherche de terrain approfondie en RDC a peint un portrait morbide de la guerre qui y fait rage : « Depuis deux décennies, la République démocratique du Congo (RDC), jadis puissance montante en Afrique centrale est devenue la capitale mondiale des groupes armés. Ce pays est traversé par une spirale de violence sans fin.  Une  guerre inachevée : c’est-à-une dire une guerre où il n’y a (ni vainqueurs ni vaincus) qui est aujourd’hui à l’origine d’une grave catastrophe humanitaire qui a déjà fait près de 6.9 millions de morts. Elle devient ainsi la crise la plus meurtrière depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale » a-t-il affirmé d’emblée. Et c’est parce que dans cette crise les mouvements politico-militaires (groupes et milices armées) sont devenus des acteurs centraux qu’il lui paraissait important de faire des logiques d’émergence, les dynamiques de «fragmégration» ainsi que les mécanismes qui concourent à la  perpétuation des mouvements politico-militaires la question centrale  de sa recherche.

Dynamiques conflictuelles

Ainsi pour ce chercheur, les trois principales réponses apportées jusqu’ici à l’éclosion des mouvements rebelles en RDC par la littérature existante que sont l’effondrement de l’État congolais, l’argument identitaire ou alors la situation économique n’expliquent pas suffisamment ce phénomène. Ces trois paramètres si on en croît Modeste, sont des facteurs accélérant, des catalyseurs, mais ils ne sont pas des éléments déclencheurs. Des situations similaires sont d’ailleurs présentes dans d’autres pays africains sans que les rebellions n’éclatent à tout vent. Pour Modeste Mba Talla, la perpétuation des rebellions en RDC est un prolongement des phénomènes d’émergence et de fragmégration s’inscrit en droite ligne dans la relation fondamentalement compétitive et méfiante entre les groupes armés. C’est aussi le lieu d’une longue histoire de tensions et de dynamiques conflictuelles. Tensions et dynamiques qui ont évolué à travers plus d’une décennie de manœuvres politiciennes et de cohabitations imposées par les parrains des rébellions et les acteurs du processus de paix à travers de nombreux accords politiques.

En combinant les théories du constructivisme critique en relations internationales à celles des mouvements sociaux en sociologie politique, le chercheur a découvert que trois principaux facteurs sont à l’origine de l’émergence des rebellions de leur fragmentation et de leur perpétuation. Il s’agit principalement de la militarisation des forces sociales congolaises, l’impossibilité du mouvement régional initié par le tandem rwando-ougandais à remporter une victoire clausewitzienne et l’institutionnalisation d’un partage de pouvoir complexe par la communauté internationale.

Spécialiste de la guerre

En réponse à sa brillante présentation, les membres jury ont salué un travail de haute facture qui contribue grandement à la compréhension de la politique de la violence tout en dévoilant le mystère de l’instabilité politique au Congo. Pour eux, l’architecture conceptuelle de cette recherche est telle qu’elle peut-être utile pour comprendre la gouvernance des milices et des rebellions dans d’autres parties du monde. Tout en reconnaissant que le polémologue (spécialiste de la guerre)  a réussi à travers une approche méthodologique innovatrice à rendre moins complexe un sujet délicat, le jury l’a invité à publier son travail pour participer à la vulgarisation des connaissances dans son champ disciplinaire. Cette mention souligne la portée des conclusions de cette recherche et confirme sa validité externe.

Le directeur de la thèse de Modeste, le Prof. Stephen Brown un spécialiste des questions africaines,  a rappelé que ce travail lui aura pris 7 années académiques soulignant ainsi l’importance de sa recherche de terrain mais mettant aussi en lumière la particularité du PhD en Amérique du Nord. Ce diplôme est en effet différent dans cette partie du globe de ce qui se fait en Europe et en Afrique. En effet alors qu’ailleurs le doctorat est uniquement consacré à la recherche, le PhD c’est d’ailleurs deux années de scolarité de haut niveau au bout desquels, on fait deux examens de synthèse un dans le champ majeur (les relations internationales pour Modeste) et un dans le champ mineur (la politique comparée). Rendu à ce niveau, vous êtes déjà qualifié pour enseigner dans toutes les universités en Amérique du Nord. Modeste Mba Talla est d’ailleurs chargé de cours à l’université d’Ottawa depuis plus de 4 ans maintenant. Contrairement à ce qui se fait ailleurs où malgré la possession d’un doctorat, on est encore appelé à passer un examen d’agrégation. Ensuite, il faut soumettre à un jury un projet de thèse qui doit être validé. Il y a enfin le fastidieux travail de terrain qui s’achève par la rédaction de la thèse et sa soutenance devant un jury qui comprend aussi bien les professeurs de l’université à laquelle on appartient ainsi que tout autre spécialiste de cette question à travers le monde. C’est ce qui explique les détenteurs du PhD comme Modeste Mba Talla n’aiment pas se faire appeler docteur et préfèrent ajouter PhD après leur nom pour marquer la différence. Dans sa vie extra-académique, Modeste est aussi l’un des promoteurs du site internet qui est un portail d’information sur l’Afrique centrale www.icicemac.com bien connu des milieux d’internautes des camerounais de la diaspora et du terroir.