Cameroun,Retro, Coup d’Etat manqué du 6 avril 1984: le rôle trouble de la France
Cameroun,Retro, Coup d’Etat manqué du 6 avril 1984: le rôle trouble de la France
Les Gaullistes veulent ramener Ahmadou Ahidjo aux affaires. Les Socialistes (nouvellement arrivés au pouvoir en hexagone) sont dubitatifs quant à la conduite à tenir au Cameroun. Paul Biya devient le roseau d’une relation centenaire.Les vingt-quatre premiers mois de l’accession de Paul Biya à la magistrature suprême auront certainement été parmi les plus difficiles de son “ règne ”. A peine installé au pouvoir, l’homme du 6 novembre 1982 doit faire face à une double adversité. Primo : celle de son “ illustre prédécesseur ”. Secundo : celle de la droite française, dont les réseaux prospèrent encore dans le pré-carré, malgré l’arrivée aux affaires d’un socialiste nommé François Mitterrand. L’apogée de cette adversité sera sans nul doute le coup d’Etat manqué du 6 avril 1984. Après le putsch, les soupçons s’orientent naturellement vers Amadou Ahidjo, et singulièrement vers les ressortissants du grand Nord (aire culturelle de l’ancien chef de l’Etat). Il s’ensuivra une chasse aux sorcières regrettable à l’endroit des Nordistes.
Les rapports produits plus tard par les services de renseignement camerounais permettent pourtant de constater l’implication active de la France dans cette tentative manquée de coup d’Etat. En effet, des soldats français basés au Gabon ont été pris en photo à Yaoundé pendant les heures chaudes du putsch. La présence insolite de ce commando puissamment armé dans la capitale camerounaise aurait pourtant dû susciter la curiosité des observateurs avertis. Elle aurait dû faire l’objet d’un débat public, voire d’un feuilleton judiciaire comparable au procès de Ahmadou Ahidjo. Malheureusement, le rôle trouble de la France dans cet épisode triste de l’histoire du Cameroun reste officiellement inconnu. On ne s’en tient donc qu’à l’officieux. La France a privilégié ses intérêts dans ce coup d’Etat. Les Gaullistes ont voulu ramener leur suppôt (Ahmadou Ahidjo) aux affaires. Car, il se présente alors comme le meilleur à même de défendre leurs intérêts face à un inconnu perçu comme le protégé de François Mitterrand. Cet inconnu ne rassure pas. Surtout qu’il pose des actes susceptibles de menacer les intérêts économiques de la France. En effet, Paul Biya ouvre par exemple la concurrence dans l’industrie tabacole. Mettant ainsi fin à un monopole français (société Bastos) dans ce secteur d’activité.
Pourquoi avoir tu toute la vérité au peuple camerounais ? Certainement par pragmatisme politique. La Françafrique vit ses heures de gloire dans les années 1980. Et puis le rapport de forces ne plaide pas en faveur du président Biya. Il choisit par conséquent la politique du roseau (qui plie mains ne rompt pas). Mais, le père du Renouveau national nourrit une rancune tenace à l’égard de ses “ maîtres ”. Il tente de s’émanciper du pré-carré dans les années d’après coup d’Etat. “ Le Cameroun n’est la chasse gardée de personne ” ou “ Le Cameroun n’ira pas au Fmi ”. Mais, il sera rattrapé par la “ real politik ”. De guerre lasse, Paul Biya préfère regarder de loin la mère patrie. Une indifférence qui l’éloigne aussi de tous ses homologues africains de la Françafrique.