Cameroun,Mea culpa :Les exclus de l’école de police implorent la pitié de Paul Biya
Cameroun,Mea culpa :Les exclus de l’école de police implorent la pitié de Paul Biya
Après trois tentatives directes infructueuses, les infortunés écrivent au chef de l’Etat via la presse.Dans un courrier adressé au président de la République le 3 août dernier, un groupe d’élèves policiers exclus de l’Ecole supérieure de police de Yaoundé et du Centre d’instruction et d’application de la police de Mutenguene en avril dernier, sollicitent la «grâce pour notre réintégration dans les centres de formation de la police». Dans un style qui mélange mélancolie et obséquiosité, les nécessiteux font profil bas et ne demandent pas plus que la rédemption du chef suprême des armées face à des actes de contrefaçon qu’ils reconnaissent.
«Nous avons dû réduire nos âges respectifs et
recomposer certains diplômes pour davantage postuler aux concours lancés
par le gouvernement». Selon Alphonse Elouna, un des près de cent
signataires de la lettre, et qui fait partie du groupe restreint qui dit
parler au nom de ses compères, «c’est la précarité et la misère qui
nous ont poussés à commettre ces actes contraires à la loi, parce que
nous avons été rattrapés par la limite d’âge pour plusieurs concours».
Et Marcel Mvondo, un autre, de préciser que «nous avons bel et bien des
compétences, et nous avons régulièrement passé les épreuves écrites et
physiques du concours».
C’est désormais la cause humanitaire que brandissent les «fraudeurs».
Dans la correspondance adressée au chef de l’Etat, il est dit que
«chacun de nous étant fil ou fille d’une famille, nous vous prions de
convenir avec nous que ça fait sensiblement 520 familles camerounaises
qui à travers cette correspondance, sollicitent votre haute indulgence».
Et Marcel Mvondo d’ajouter que «mon père a cédé sa plantation en
location pour m’envoyer à l’école ; et actuellement, mes frères se sont
tous ligués contre moi parce que j’ai confisqué tous les biens de la
famille».
«70% de la formation déjà»
A en croire les nécessiteux, quatre de leurs camarades sont déjà passés de vie à trépas, suite à cette affaire, dont trois par suicide et un qui aurait succombé devant les services de la Délégation générale à la sûreté nationale (Dgsn). Alors qu’un autre est dans la démence. Et c’est ce genre d’incident que les autres veulent faire éviter au chef de l’Etat qu’ils réaffirment être «le père de la Nation et ne peut pas être sourd au cri de ses enfants, quel que soit ce qu’ils ont fait», estime Patrick Melingui. Ils concluent leurs propos en ce que «notre situation est comparable à celle des jeunes camerounais jetés dans la mer et dont l’espoir de secours ne peut venir que de vous». Evaluant le niveau de formation qu’ils ont déjà reçu à près de 70%, ces derniers pensent qu’ils n’ont fondamentalement fait de mal à personne, si ce n’était dans le souci de trouver du travail «comme tout jeune qui ne veut pas basculer dans le mal pour nuire à la société», afin de «pouvoir s’épanouir et participer au développement de notre patrie».
C’est la quatrième lettre que les «fraudeurs» de l’école de police écrivent à Paul Biya, depuis le 5 juin dernier. Les trois premières ont été acheminées via Dhl. Et jamais de feed-back. Au siège de l’entreprise de transport de courrier Dhl, on atteste effectivement du passage des documents, mais une responsable indique que «notre tâche consiste à transporter le courrier jusqu’à l’entrée et la direction de la sécurité présidentielle fait le reste». Pour dire que «nous n’acheminons pas jusqu’au destinataire». Cette fois-ci, ils ont cru passer par la presse. «Nous ne savons pas si les trois précédentes sont parvenues au Chef de l’Etat», se demandent-ils. Entre temps, plusieurs personnalités et institutions de la République ont été saisies, dont la première dame par le même canal que son époux, l’Assemblée nationale, le premier ministre, les ministres des affaires sociales et de la jeunesse, l’archevêque de Yaoundé. En vain. En dehors des messes qui ont été dites pour la cause. Désormais, les infortunés se remettent à la magnanimité du président de la République, dernier recours.