Cameroun,Livre: Enoh Meyomesse, A quand le retour de l'Etat au Cameroun ?
Cameroun,Livre: Enoh Meyomesse, A quand le retour de l'Etat au Cameroun ?
Le gouvernement camerounais, après s’être, pieds et poings, lié au FMI et à la Banque Mondiale pour tenter de sortir le pays du marasme économique dans lequel il l’a, au milieu des années quatre-vingt, plongé, s’est transformé en victime résignée et docile des seigneurs de Washington qui lui ont demandé de tout brader et de reléguer l’Etat au simple rôle de « régulateur », entendez, d’observateur, de la vie économique nationale. Depuis, tout s’est effondré au Cameroun : le chômage a atteint des proportions alarmantes, la vie est devenue excessivement chère, les hôpitaux publics sont devenus payant au même titre que ceux du privé, le réseau routier en terre est devenu, dans plusieurs régions du Cameroun, totalement impraticable – les travaux publics ne s’en occupant plus, désengagement de l’Etat oblige – etc. Pour tout dire, le « retrait de l’Etat », que s’est empressé d’accepter le gouvernement camerounais, s’est traduit par une catastrophe nationale monumentale.
Enoh Meyomesse, dans ce livre, soutient qu’une
autre politique était et demeure possible. Il se base, dans sa
démonstration, sur l’histoire récente des grands pays qui dirigent le
monde, et montre que chez ceux-ci, après que l’Etat ait construit, il
n’a rien abandonné.
(…) Le présent ouvrage n’est ni un traité, ni un manuel d’économie,
destiné aux experts en la matière. Il se veut une réflexion adressée au
grand public, c’est-à-dire, à « Monsieur tout le monde ». En
conséquence, nous ne l’avons pas encombré de statistiques et de
tableaux, car nous estimons que cela l’aurait rendu rébarbatif. Notre
ambition est qu’il soit lu par le plus grand nombre de Camerounais, de
toutes conditions, et de tous niveaux intellectuels, car le sujet qu’il
traite ne concerne pas, uniquement, les agrégés d’économie.
Chapitre I : L’origine du désengagement de l’Etat au Cameroun.
(…)Mais, à vrai dire, nous aurions pu éviter l’effondrement de notre écono-mie, si nous ne nous étions pas lancés, dès les tous premiers gouvernements camerounais, dans une politique de gabegie nationale. En effet, tout avait commencé par le salaire des députés à l’Assemblée législative du Cameroun, en 1957. Celui-ci avait fait pousser des hurlements démentiels à la population, tellement il était scandaleusement élevé. En valeur relative, il était plus élevé que celui … des députés français de l’époque ! Le Premier ministre, lui-même, s’était octroyé un salaire d’un million cinq cents mille francs cfa. Cette somme paraît dérisoire aujourd’hui, mais, pour en mesurer l’extravagance, il faudrait se rappeler qu’une 2CV Citroën, neuve, en 1960, coûtait … 250.000 fca ! Autrement dit, le Premier ministre du Cameroun, pouvait s’offrir, tous les mois, six 2CV neuves ! Ramené à nos jours, une 2CV correspond, valablement, à une 207 Peugeot. Or, la 207 Peugeot coûte 15.000.000 de francs cfa au Cameroun ! Autrement dit, de nouveauté : ceci revient à dire que le Premier ministre du Cameroun, bien avant l’indépendance, percevait déjà un salaire mensuel équivalent, de nos jours, à 15.000.000 de francs cfa x 6, soit 90.000.000 francs cfa !!!
Dans le même temps, faudrait-il rappeler que le salaire moyen des fonctionnaires camerounais de la catégorie « A », à cette époque, n’était que de … 40.000 F cfa !
(…)Lorsque, en 1960, l’écrivain et agronome
français, enseignant à l’Ecole Nationale de la France d’Outre-mer,
ENFOM, à Paris, René Dumont, avait publié son célèbre ouvrage, «
L’Afrique Noire est mal partie », tous les dirigeants africains, chefs
d’Etats comme simples hauts fonctionnaires, l’avaient détesté à mourir.
Dans plusieurs pays africains, à commencer par le Cameroun, cet
intellectuel français avait été interdit de séjour. Il s’était, en
effet, dans ce livre, étonné de la gabegie à laquelle se livraient les
jeunes « élites » africaines, et avait, notamment, critiqué la décision
d’Ahmadou Ahidjo de choisir, comme véhicule de fonction, pour les
membres du gouvernement, les hauts de gamme de la marque Mercedes. Les
autorités camerounaises, épinglées, ont eu beau jeu de lui rétorquer que
si les automobiles françaises avaient continué à être utilisées comme
véhicules officiels, ainsi que cela avait été le cas jusqu’à lors, il
n’aurait certainement pas critiqué la décision du président camerounais,
car jusque-là, c’étaient des automobiles de la firme française Simca
(aujourd’hui disparue), modèles Ariane, Versailles, Chambord et Baulieu,
qui étaient utilisées par les ministres camerounais.
N’empêche. René Dumont avait jeté un pavé dans la marre. Le
problème qu’ il posait était celui du gaspillage des petits sous que
gagnaient péniblement les jeunes Etats africains. Pour sa part, le
gouvernement camerounais, plutôt que de réfléchir à ses propos, s’était
empressé d’interdire, purement et simplement, son livre de vente au
Cameroun et l’avait, lui-même, également, interdit d’entrée chez nous,
il avait alors continué à gaspiller, tranquillement, sans compter, la
maigre richesse nationale. Chaque année, l’Etat a continué à offrir,
ainsi, aux hauts fonctionnaires des véhicules rutilants, à loger ces
privilégiés dans de somptueuses villas meublées entièrement par lui, à
leur offrir jusqu’aux cuisinières et réfrigérateurs, à leur régler leurs
factures de téléphone, à leur offrir des milliers de litres de
carburants pour leurs automobiles, à leur payer régulièrement des
voyages aux quatre coins de la planète, etc.
(…) En 1982, avec l’arrivée de Paul Biya au pouvoir, on se
serait attendu, au vu de son discours sur la « rigueur dans la gestion
et la moralisation des comportements », que la situation change. Erreur.
Celle-ci a même plutôt empiré. Les fonctionnaires ont tout bonnement
transformé l’Etat en une sorte d’immense éléphant à dépecer. Les
factures mensuelles de téléphones de domiciles de hauts fonctionnaires
se sont mis à atteindre des montants astronomiques : 40.000.000 francs
cfa, pour un individu bien connu et aujourd’hui général dans l’armée
camerounaise. Du temps où nous étions étudiant à Paris, le domicile de
l’un de nos camarades dont le père était ministre d’Etat, au Cameroun,
avait été transformé en « Radio Yaoundé ». En effet, régulièrement à 20
heures, papa ou maman appelaient, depuis Yaoundé, et posaient le combiné
téléphonique devant un poste de radio, afin que fiston, dans le 17ème
arrondissement à Paris, puisse suivre le journal parlé en direct !!!
Parfois, c’étaient des messes entières qui étaient retransmises, au
téléphone, le dimanche matin !!!
Que dire du scandale des « logements conventionnés », ces logements
construits par des particuliers et qui étaient loués, à des montants
également astronomiques, par l’Etat ? Une misérable baraque de rien du
tout était facilement louée à cinq cents mille francs cfa par mois. Un
nombre incalculable l’était à plus d’un million par mois, et payées
plusieurs années à l’avance.
Chapitre II : Le désastre du désengagement de l’Etat au Cameroun
(…) Une fois que l’Etat, conformément à la
posologie de Washington pour nous sortir de la crise économique, s’est «
désengagé », les conséquences, catastrophiques, de cette décision,
n’ont pas tardé. Aussitôt, le chômage s’est accru dans des proportions
inquiétantes, le service public ne l’est plus demeuré que de nom, et,
enfin, le niveau de vie de la population, quant à lui, s’est, tout
bonnement, effondré.
(…)Depuis que l’Etat s’est, ainsi, « désengagé », malheureusement, les
emplois ne se créent, tout bonnement, plus, dans le secteur privé. Or,
dans tous les pays du monde, c’est le secteur privé qui crée
considérablement plus d’emplois que le secteur public. Aujourd’hui, on
se retrouve de ce fait, dans la situation où des centaines de milliers
de diplômés de différents niveaux sont jetés dans la rue, telles des
ordures ménagères. Ils ne trouvent plus de travail. L’Etat s’est «
désengagé ». Ces jours-ci, le vocabulaire du régime vient de s’enrichir
d’une expression nouvelle : « micro entreprises ». Qu’est-ce que c’est ?
Ce sont de toutes petites entreprises que les Camerounais, sans
emploi, sont invités à créer. C’est quoi une toute petite entreprise ?
Laveur de voitures, bayam-sellam, tenancier de vente à emporter, vendeur
d’ananas épluchés, vendeur de papaye, vendeur de folere, pousseur,
mototaxi (benskineur), vendeur de bois à la sauvette, vendeur d’eau,
quincaillier ambulant, réparateur de chaussures au bord de la chaussée,
vendeur de livre au poteau, coiffeur, call box, etc. En d’autres termes,
le sort que le régime du Renouveau réserve à un licencier de
l’Université est celui-la. Bref, rien du tout…
(…) Le « désengagement » de l’Etat s’est également traduit par la
fin du service public, dès lors que le président de la République, pour
tenter de préserver le niveau de vie des fonctionnaires, les a
autorisés à se lancer dans le commerce et les affaires. Eux-mêmes sont
devenus les propres fournisseurs de leurs administrations. Chaque
fonctionnaire, actuellement, au Cameroun, estime qu’il lui revient de «
croquer », convenablement, le budget qui lui a été alloué pour le
fonctionnement de son service. L’exemple venant d’en haut, les petits
agents, dans les bureaux, pour ce qui les concerne, monnayent,
systématiquement, leurs services. Pour tout dire, les fonctionnaires ont
transformé le service public en service privé.
Chapitre III : Une autre politique est possible.
(…)La question que les
Camerounais se sont bien gardés de se poser est bel et bien la suivante :
comment les autres pays du monde, en situation de crise, ont-ils
procédé ? De là, ils auraient découvert qu’une autre politique était
possible. Bien mieux, celle-ci le demeure toujours.
(…)En Chine populaire, Mao Tsé Toung avait fait de même. Il avait bâti
l’économie de son pays, en se servant de l’Etat, uniquement, la Chine
vivant sous un régime communiste, c’est-à-dire, un régime où il n’existe
pas d’hommes d’affaires, et par voie de conséquence, de secteur privé.
Le 1er octobre 1949, Mao Tsé Toung proclamait la naissance de la
République Populaire de Chine sur les ruines d’un pays dé-vasté par la
longue guerre civile contre le Kouo-Min-Tang, et l’invasion japonaise,
pendant la deuxième guerre mondiale. 15 ans plus tard, à savoir en 1964,
la Chine se dotait de sa bombe atomique. Actuellement, elle est la
seconde puissance économique mondiale. La Chine, non plus, n’a pas «
désengagé » l’Etat.
Prix : 7 euros.
Contact : enoh.meyomesse@gmail.com