Cameroun,Justice: Des plaintes en cascade contre Paul Biy

Cameroun,Justice: Des plaintes en cascade contre Paul Biya

Biya En Prison:Camer.be"La CPI est une juridiction supranationale chargée de réglementer l'ordre public international. Elle a pour principales attributions, la poursuite et la répression des infractions qualifiées de génocide, crimes de guerre, crimes contre l'humanité, et viols massifs et à grande échelle, etc..."L'article 53 (nouveau) de la loi constitutionnelle du 14 avril 2008 consacre l'irresponsabilité du chef de l'Etat: "Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par l'Assemblée Nationale et le Sénat statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité des quatre cinquièmes des membres les composants. Les actes accomplis par le Président de la République en application des articles 5, 8, 9 et 10 ci-dessus, sont couverts par l'immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l'issue de son mandat".

En d'autres termes, le chef de l'exécutif camerounais ne saurait faire l'objet des poursuites judiciaires pour des actes commis dans l'exercice de ses fonctions, ni pendant, ni après son mandat. Cette disposition légale autorise-t-elle le président de la République à commettre toutes sortes d’exactions durant son magistère ? Même le pire des dictateurs ne pourrait répondre par l'affirmative. Mais alors, un chef d'Etat qui abuse de ses prérogatives face à un peuple qui ne demande qu'à vivre devrait-il être exempt de toute action de justice ? Un peuple qui se sent opprimé devrait-il faire table rase de tous les impairs commis par son régent ?

Des Camerounais de l'étranger, c'est-à-dire vivant à une bonne distance de leur territoire d'origine, n'ont rien trouvé de mieux ces derniers temps que de traîner leur président devant les juridictions nationale et supranationales. Car, estiment-ils, Paul Biya serait ce dictateur qui foule aux pieds les droits de ses concitoyens et n'hésite pas à commettre des bains de sang pour conserver et consolider son pouvoir.

La Météo se propose de faire dans cette édition, le round-up de ces différentes plaintes. A vous de juger leur perspicacité.

Paul Biya serait-il réellement ce tyran ?

A l'heure où le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) commémore le 25e anniversaire de sa création, son président national fait l'objet de nombreuses plaintes pour génocide, crime contre l'humanité, détournements de fonds publics et non respect des dispositions constitutionnelles. Vindicte populaire légitime ou simple cabale judiciaire orientée ? Enquête.

Le Cameroun est reconnu par la communauté internationale comme un îlot de paix niché au cœur d'une Afrique centrale en proie à de nombreux conflits. Du Tchad au Burundi, les conflits se suivent et se multiplient. La sous-région est réputée pour ses multiples crises, parfois en interne, parfois avec les pays voisins. Dans cet environnement où les bruits de bottes rentrent désormais dans le train-train quotidien des populations, seuls le Cameroun et le Gabon n'ont pas connus de révolutions de palais à coup de canon au cours des 28 dernières années. Idriss Deby au Tchad, Sassou Nguesso au Congo, François Bozize en RCA, Obiang Nguéma en Guinée Equatoriale, Kabila père et fils en RDC, Paul Kagame au Rwanda, Pierre Buyoya au Burundi, Edouardo Dos Santos en Angola, ont tous atterri sur les lambris dorés des palais présidentiels grâce à la force des obus. Sur ce, plusieurs analystes s'accordent sur le fait, le pays de Roger Albert Mooh Milla le doit en grande partie à la clairvoyance et au tact du successeur de Ahmadou Ahidjo, son excellence Paul Biya, président de la République du Cameroun depuis le 06 novembre 1982.

Au lendemain de sa prise de pouvoir, lors de sa toute première visite officielle en France mi février 1983, il déclarait au perron de l'Elysée: " L'UPC, en tant que telle, n'a pas d'existence légale au Cameroun. Je sais qu'il y a des Camerounais qui se réclament de cette appellation. Je dis que, s'ils veulent rentrer au Cameroun, ils peuvent le faire." Pour appuyer ces dires, le nouveau chef d'Etat indiquera au cours d'une réunion du comité central de l'UNC (ancien parti unique) tenue le 22 mars 1983: " les Camerounais résidant à l'étranger peuvent à tout moment rentrer au pays pour participer à l'œuvre de construction nationale dans le stricte respect des lois et des règlements du pays ". Toutes choses qui permettront à de nombreux opposants au régime de son prédécesseur de rentrer en toute tranquillité au pays. Sans la moindre inquiétude. Certains de ces hommes, bannis par Ahidjo, seront conviés par le Renouveau à occuper des postes de responsabilités dans l'administration centrale. Pendant la même réunion du 22 mars 1983, Paul Biya essaye d'introduire les primaires aux élections législatives prévues en mai. Mais les caciques du monolithisme s'opposent à cette révolution. Ce n'était que partie remise. L'ouverture démocratique était en marche. Le 24 mars 1985 à Bamenda, l'UNC est redynamisé et devient le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Des consultations primaires sont introduites au sein du parti unique lors des élections municipales de 1987. Une grande première pour les Camerounais qui, depuis 1966, vivaient sous la forte pression de la pensée unique.

Puis, vint le vent de démocratisation qui souffla en Afrique et en Europe de l'Est avec la chute du mur de Berlin le 09 novembre 1989. Paul Biya, en homme averti et avisé, prononça cette mémorable phrase lors de son discours de clôture du congrès ordinaire du RDPC tenu à Yaoundé au mois de juin 1990: " Attendez-vous à une éventuelle concurrence... " Il ne fallait donc pas être clerc pour savoir que le président de la République balisait le chemin du multipartisme. Et, le 19 décembre 1990, d'importantes lois sur les libertés, parmi lesquelles les libertés d'association, sont promulguées. Début février 1991, les premiers partis politiques sont légalisés. Le 30 octobre 1991, Sadou Hayatou alors Premier ministre ouvre la conférence tripartite gouvernement-partis politiques-société civile, afin de définir un cadre électoral propice à la conjoncture. Les premières législatives de l'ère du multipartisme sont organisées le 1er mars 1992. La représentation nationale devient multicolore avec 4 partis politiques au perchoir, dont 88 députés pour le RDPC, 68 députés pour l'UNDP, 18 députés pour l'UPC et 6 députés pour le MDR. La notion de pluralisme d'idées est également introduite au sein de l'exécutif. Dakolé Daïssala, Issa Tchiroma, Hamadou Moustapha, Augustin Frédéric Kodock, Bava Djingoer, Pierre Souman, Antar Gassagaye, tous membres de l'aile dure de l'opposition font leur entrée au gouvernement. Ce processus va s'avérer irréversible au fil du temps. Paul Biya s'étant résolument tourné vers la consolidation de la paix et de l'unité nationale en composant avec toutes les sensibilités du pays.

Dans un Cameroun riche de sa diversité ethnico religieuse et linguistique, la marche vers cet idéal aura été jonchée d'embûches. Mais, l'homme lion est resté à mi-chemin de tous les extrêmes, frappant du poing sur la table lorsque les circonstances l'exigent, sans toutefois outrepasser ses prérogatives de chef d'Etat. Ceci en bon dirigeant qui a pour seul souci de conduire son peuple au plein épanouissement en assurant, défendant et protégeant l'intérêt national. Il aura donc fallu pour l'homme du Renouveau, de canaliser de temps à autres, les énergies débordantes de certains de ses compatriotes pour qui la dure école de la démocratie n'était pas du tout été facile. Ceux-ci confondant parfois liberté et libertinage. Et, dans cet environnement où le moindre débordement peut conduire à des conséquences incommensurables, n'était-il pas souvent opportun de prendre des mesures fortes afin de ramener la sérénité ? Surtout qu'aux manifestants ayant des causes légitimes à défendre, s'y mêlent parfois des fauteurs de troubles. Des récupérateurs qui s'en servent pour leurs ambitions personnelles. Agir à ce moment précis pour dissuader les "apprentis sorciers" serait-il alors un crime contre l'humanité ? Ceux qui ont perdu leur vie dans ces échauffourées étaient-ils particulièrement visés ? Les forces de maintien l'ordre avaient-elles l'ordre du chef de l'Etat de tuer ? À chacun de juger de la perspicacité de ces plaintes.

Plainte en Belgique pour crimes contre l'humanité

Djeukam Tchameni, président du conseil du Collectif national contre l'impunité (CNI) au Cameroun et Dr Kaptué Tabué, responsable de la section belge de cette association, ont déposé une plainte devant les tribunaux belges contre le président Paul Biya, pour infractions graves au droit humanitaire international. C'était le 11 décembre 2001. La plainte était soutenue par l'avocat belge, Georges-Henri Beauthier, avocat qui s'était déjà occupé des plaintes déposées par d'autres plaignants contre le président congolais, Denis Sassou Nguesso, contre l'ancien chef d'Etat tchadien, Hissen Habré, et contre l'ancien chef de la junte ivoirienne, le général Robert Gueï.

En effet, les membres du CNI estiment que le chef d'Etat a une part de responsabilité dans l'affaire des " 09 (neuf) de Bepanda ". Une histoire qui remonte à la nuit du 22 au 23 janvier 2001. Cette nuit-là, des gendarmes du Commandement opérationnel (CO), unité spéciale de gendarmerie créée à Douala pour lutter contre le grand banditisme, avaient enlevé à leurs domiciles neuf jeunes gens. Dans les faits, Marc Etaha (38 ans), Frédéric Ngouffo (34 ans), Chatry Kuété (33 ans), Jean-Roger Tchiwan (33 ans), Eric Chia (32 ans), Charles Kouatou (24 ans), Effician Chia (24 ans), Elysée Kouatou (23 ans) et Fabrice Kuaté (21 ans) avaient été arrêtés par les hommes dirigés par le chef du bureau des recherches et des transmissions de la Légion de gendarmerie du Littoral, le capitaine Jean-Jacques Aba Ndzengué. Pour les forces de l'ordre, il s'agissait d'une bande de malfrats, auteur de plusieurs cambriolages dans la ville de Douala et qui était depuis quelques temps, dans le viseur de la gendarmerie. Leur arrestation avait été possible suite à la plainte d'une certaine Annick Souki, qui les accusait d'avoir dérobé une bouteille de gaz domestique à son domicile. Après leur arrestation, les 9 jeunes gens auraient séjourné dans les services de la légion de gendarmerie du Littoral où ils seraient restés jusqu'au vendredi 26 janvier 2001 en début d'après-midi. Ils auraient été transférés ensuite au poste central du Commandement opérationnel, qui travaillait en collaboration avec le COG, où leurs proches les ont vus pour la dernière fois. Depuis lors, plus de nouvelles. Il se raconte que ces jeunes gens avaient été exécutés dans la banlieue de la ville.

Selon les milieux proches du CNI, l'objectif principal du CO était d'en finir avec les populations de Douala, une ville jugée frondeuse et antipathique au régime Biya. Le CNI est une association camerounaise créée le 16 avril 2001 à Douala. Il rassemble des hommes politiques et des personnalités de la société civile, et, s'est fixé pour objectifs de " recenser tous les crimes de sang impunis commis par les agents de l'Etat contre des citoyens, d'œuvrer pour que les coupables soient jugés et punis par des juridictions nationales ou internationales, pour que les victimes et familles des victimes soient dédommagées ". Seulement, la plainte déposée à Bruxelles restera sans suite. Non seulement le CNI va évoluer en rang dispersé après le goût du lucre ayant divisé les uns et les autres. Le code de procédure pénal belge exclut toute poursuite à l'encontre des chefs d'Etat, de gouvernement ou ministres des affaires étrangères, ainsi que les autres personnes dont l'immunité est reconnue par le droit international ou fondée sur un traité qui lie la Belgique pendant la durée de leur fonction.

Paul Biya accusé de génocide devant la Cour criminelle internationale

La Southern Cameroons Peoples Organisation (SCAPO), une organisation séparatiste anglophone, a déposé courant 2008, une plainte contre Paul Biya auprès du procureur de la CCI (Cour criminelle internationale). Cette association dont tous les leaders vivent à l'étranger, réclamait l'inculpation du président de la République, ainsi que d'autres dirigeants politiques et militaires de ce pays, pour le génocide commis contre le peuple Bamiléké de 1962 à 1970, et bien d'autres crimes contre l'humanité. La SCAPO prétend avoir mené une enquête qui aurait permis d'établir le fait que le président Paul Biya a joué un rôle très important dans la campagne de génocide des Bamiléké. Car, dès son retour de France en 1962, il a été promu à plusieurs postes de responsabilités. Le réquisitoire des indépendantistes indique: " Chargé de mission à la présidence à l'âge de 28 ans, c'est grâce à l'efficacité dont il a fait preuve dans la gestion du dossier de l'extermination ethnique des Bamiléké qu'il a bénéficié de sa promotion au poste de Secrétaire Général à la Présidence d'Ahidjo, à l'âge de 34 ans, en 1968. Il est ensuite passé au poste de Premier Ministre en 1975, avant de prendre finalement la succession d'Ahmadou Ahidjo en 1982. Cette ascendance vertigineuse qui lui a permis de passer de simple chargé de mission au poste de Président de la République en 20 ans, et à l’âge de 48 ans, était largement en guise de récompense pour le rôle qu'il a joué dans l'extermination ethnique des Bamilékés ". D'autres crimes contre l'humanité sont imputés à l'homme du 06 novembre. Notamment: " Le massacre des nordistes en 1984, suite au coup d'état manqué par les loyalistes du Président Ahmadou Ahidjo. Les charniers du massacre des Maguidas sont localisés à Mbalmayo, à quelques 150 km de Yaoundé... La mort de quelques 2000 villageois du Lac Nyos en 1986, suite à l'essai d'une arme de destruction massive par une puissance étrangère inconnue, mais sur la base d'une autorisation qui leur a été délivrée par Mr. Paul Biya... L'affectation sélective des soldats et gendarmes séropositifs aux camps militaires dans le Southern Cameroons Britannique... Le terrorisme sponsorisé par l'état visant le people du Southern Cameroons Britannique. Durant plusieurs années, ce terrorisme a pris la forme d'arrestations arbitraires, de détentions intempestives, de tortures, et de tueries extrajudiciaires". En déposant cette plainte auprès du procureur de la CCI, la SCAPO était consciente du fait que le Cameroun, bien qu'ayant participé aux travaux de création de la CCI, n'a jamais ratifie le Traité de Rome. Les séparatistes se basaient sur la susceptibilité des Nations unies à ne pas laisser impuni ce qu'ils qualifient de crime contre l'humanité.

Cependant, à la Cour criminelle internationale, cette affaire n'a jamais été inscrite au rôle, Paul Biya n'a jamais été invité à comparaître devant la CCI, ni fait l'objet d'un mandat d'arrêt international. La plainte a été classée sans suite. L'argumentaire des indépendantistes anglophones, vague et approximatif, aurait été battu en brèche par les magistrats de la CCI.

Plainte au parquet de Paris pour détournements.

Mardi 02 février 2010, le Conseil des Camerounais de la diaspora (CCD), une association de Camerounais vivant en France, déposait une plainte contre le président de la République au parquet de Paris. Paul Biya est accusé de " recel de détournements de fonds publics ". Selon les plaignants, le patrimoine constitué par l'homme du 06 novembre depuis son accession à la magistrature suprême pourrait atteindre plusieurs milliards de francs Cfa. Célestin Djamen, le vice-président de cette association soutient qu'il fonde son action sur le fait que: " Si une enquête était ouverte en France, cela permettrait de savoir enfin ce que détient M. Biya, qui vit dans le luxe avec sa famille alors que la pauvreté progresse sans cesse au Cameroun ". Reprenant dans son dossier le contenu du rapport du comité catholique contre la faim et le développement (CCFD) intitulé " Biens mal acquis " et publié fin juin 2009, le CCD argue qu'il existe des pistes pour prouver l'origine frauduleuse de l'argent ayant permis les dépenses mirobolantes du chef d'Etat camerounais. L'association espère que la nationalité camerounaise de ses adhérents permettra d'éviter le sort de la plainte de Transparency International contre Denis Sassou Nguesso, Teodoro Obiang Nguema et le regretté Omar Bongo Ondimba, qui n'avait pas donné lieu à une enquête. Car, avait-on estimé, les plaignants n'avaient pas subi de préjudice direct lié à d'éventuels détournements. " Cette plainte contre M. Biya est le fait d'une association de Camerounais, et non d'une ONG française, nous sommes directement concernés par d'éventuels détournements," explique Robert Waffo Wanto, président du Cdd. De ce fait, ladite association s'attendait à l'ouverture d'une information judiciaire confiée à un juge d'instruction, ou à une enquête préliminaire menée par le parquet. Mais, le 26 février 2010, le Parquet de Paris jugeait irrecevable la plainte du Conseil des Camerounais de la diaspora. La décision de la justice française aurait été motivée par un manque flagrant d'indices des plaignants. Selon certains observateurs, le fait pour les plaignants de n'avoir pas indiqué la nature ces "biens mal acquis" a pu constituer le rejet de ladite plainte. Bien plus, on ne peut pas exhorter le parquet de mener une enquête pour trouver ces biens immobiliers pour la raison qu'on est convaincu qu'ils existent tout simplement.

Et comme il fallait s'y attendre, le Conseil camerounais de la diaspora (CCD) a interjeté appel auprès de la cours d'appel de Paris. Pour Robert Waffo Wanto, l'organisation dont il a la charge se réserve le droit de saisir la doyenne des juges d'instruction en se constituant partie civile. " Nous nous réservons par ailleurs le droit de nous constituer partie civile sans délai dès lors que la situation nous l'imposera. La saisine du doyen des juges, Mme Françoise Desset, le pourvoi en cassation et la saisine de la cour européenne de justice étant les différents leviers que nous ne manquerons pas d'actionner au cas où... Il serait peut-être opportun de rappeler que nous savions mieux que quiconque que nous nous engagions dans une procédure qui exige deux caractéristiques; l'endurance et la patience..." précise-t-il. "La bataille ne fait donc que commencer", avance-t-on du coté de Paris.

Chaud devant !

Le CODE saisît la Cour pénale internationale

Dans le cadre de sa campagne internationale de lutte contre l'impunité lancée depuis avril 2009, le Collectif des organisations démocratiques et patriotiques de la diaspora (CODE) a saisi le procureur de la CPI le 08 mars dernier. Ceci pour lui demander d'ouvrir une enquête afin de qualifier les émeutes de février 2008 de crimes contre l'humanité. Le CODE et son conseil Me Selma, dans le document d'accusation, épingle Paul Biya. Selon le quotidien Le Messager, Moïse Essoh Etia, Tene Sop, Franklin Nyamsi et Patrice Ndjoumi pensent qu'il existe des charges suffisantes et précises justifiant l'ouverture d'une enquête par le bureau du procureur. Car trois conditions essentielles sont réunies: "le caractère généralisé de l'attaque des populations civiles; la population civile comme cible; et les faits constituent des actes particulièrement inhumains". L'on se souvient que du 23 au 29 février 2008, une onde de turbulence a traversé plusieurs villes du Cameroun. Samedi 23 février 2008 à la tombée de la nuit, le Social démocratic front (SDF) organise une manifestation le soir contre la modification de la constitution, malgré l'interdiction du gouverneur. La police disperse la manifestation et aurait utilisé des balles réelles. Il y aurait eu un à deux morts, mise à sac d'une station service. Un bus de la SOCATUR est incendié. La journée du 24 se passe dans le calme. Le 25 février, suite à l'augmentation des prix des produits pétroliers, les chauffeurs de taxis observent un arrêt de travail dans une trentaine de villes. Alors que tout se passe relativement dans la discipline à Yaoundé, des affrontements éclatent entre les manifestants et les forces de maintien de l’ordre à Douala. On annonce deux morts à Bessengue et quatre à Bonaberi. Les magasins tenus par les chinois sont pillés. Des stations services sont mises à sac. La mairie de Douala 5e est brûlée. Le 26, les émeutes éclatent à Limbe, Bamenda, Buea et Bafoussam. Un mort est signalé à Bafoussam et un autre à Douala. Tard dans la nuit, les syndicats de taxis et le gouvernement signent un accord au terme duquel le super baissera de 6 FCFA et las autres carburants de 5 FCFA. Les syndicats de taxi appellent leurs adhérents à la reprise du travail dès le 27 février 2008. Les boulangeries et les pharmacies sont placées sous protection militaire à Douala. Le 27 février, alors que l'on s'attend à un retour à l'accalmie, Yaoundé bascule dans la barbarie. Des bandes de jeunes, armées de gourdins et de pierres terrorisent les populations. Le BIR est appelé à rescousse. A Douala, près de 2000 manifestants défilent pour réclamer une baisse des prix des denrées de base. Des manifestants présents sur le pont de Bonaberi sont contraints de se jeter dans le Wouri par la police qui tire à balles réelles. Les bilans font état de dizaines de mort par noyade. Un gamin de 11 ans est tué à Njombé Penja. Le 28, alors qu'un calme précaire s'observe à Douala, on annonce trois morts à l'Ouest. Dans la soirée, le chef d'Etat s'adresse à la nation. Il met en garde ceux qui manipulent les jeunes. L'armée investit les principales artères des grandes villes du Cameroun. A partir du 29, tout revient progressivement à la normale. Selon le bilan officiel, annoncé le 5 mars 2008, par le ministre de la communication, il y aurait eu 24 morts, dont un policier et la police aurait procédé à plus de 1500 interpellations. Le ministre de l'Administration territoriale quant à lui annonce 40 morts. Mais l'ONG " La maison des droits de l'homme ", proche de l'opposition, évoque quant à elle plus de cent morts.

PLAINTE CONTRE PAUL BIYA A CPI: Quelles chances de succès ?

Par correspondance adressée au procureur de la Cour pénale internationale, à travers leur conseil,certains membres du Collectif des organisations démocratiques et patriotiques de la diaspora camerounaise en abrégé CODE, ont demandé à ce dernier de:

· Percevoir leur communication et procéder à un examen préliminaire des informations qu'ils exposent.

· Demander à la République du Cameroun de signer une déclaration d'acceptation.

· Demander l'autorisation à la chambre préliminaire de mener une enquête sur les crimes commis au Cameroun.

Tout d'abord qu'est-ce que c'est que la Cour pénale internationale (CPI) et quelles sont ses attributions ?

La CPI est une juridiction pénale internationale créée par le Traité de Rome du 17 juillet 1998, devenue effective depuis 2002. Le processus de ratification qui se poursuit fait un point de 110 Etats ayant déjà ratifié ledit traité au 1er août 2009. Mais, il faut tout de même noter que les USA, le Cameroun et bien d'autres pays n'ont pas encore ratifié ce traité de Rome.

La CPI est donc une juridiction supranationale chargée de réglementer l'ordre public international. Elle a pour principales attributions, la poursuite et la répression des infractions qualifiées de génocide, crimes de guerre, crimes contre l'humanité, et viols massifs et à grande échelle, etc...

Pour être justiciable de la CPI, il faut en principe être ressortissant d'un Etat membre ayant ratifié le traité de Rome.

Dès lors il serait tentant de croire que, comme le Cameroun n'a pas encore ratifié ce traité, les Camerounais ne sont pas justiciables de la CPI; mais cette affirmation connaît des limites puisque l'article 13 du statut de Rome ouvre une voie au Conseil de sécurité de l'ONU qui, pour contourner l'obligation de ratification, peut saisir le procureur de la Cour pénale Internationale lorsque les infractions qualifiées de crimes contre l'humanité, de génocide ou de crimes de guerre sont perpétrées dans un Etat. C'est le cas du Soudan avec Omar El Béchir sur la question du conflit du mais Darfour. Notons par ailleurs que l'article 16 du même traité permet au Conseil de sécurité de suspendre les poursuites, même déjà engagées devant le procureur de la CPI.

Revenant à la plainte du CODE contre le président Paul Biya à la CPI, de quelles chances de succès dispose-t-elle ?

En réalité. Sans démagogie, ni flagornerie, cette plainte ne pourrait prospérer pour deux raisons fondamentales:

1.- Les faits de février 2008 agités par le CODE ne sauraient être qualifiés de génocide, de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre.

2.- La CPI agit si et seulement si l'Etat indexé reste inactif. Ce qui n'est pas le cas du Cameroun, puisque les évènements malheureux de février 2008 ont été jugés et condamnés par la justice camerounaise depuis l'époque des faits. En définitive nous devons retenir que la CPI n'agit que quand les juridictions nationales restent inactives, et quand les faits relevés sont susceptibles d'être qualifiés de génocide, de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité, etc..; Ce qui apparemment n'est pas le cas du Cameroun, du moins pour les évènements malheureux de février 2008. Notons pour terminer que tous les faits commis avant 2002 ne peuvent être portés devant la CPI.

Pétition contre Biya à l'ONU

Le 24 février 2010, Célestin Bedzigui, en compagnie de Howard Njeck et Marcel Simé, dépose au service du courrier du Secrétariat général des Nations Unies, une pétition pour solliciter l'institution d'une "commission d'enquête internationale, chargée d'établir les faits et circonstances des massacres des populations civiles survenues du 25 au 28 février 2008 au Cameroun". Pour justifier cette démarche, l'ancien vice-président de l'UNDP indique, s'agissant des émeutes de Fevrier 2008: "Le gouvernement du Cameroun avait reconnu un bilan officiel de 40 morts et de plus d'un millier d'arrestations. Ce chiffre est proche du bilan des événements de Soweto en 1975 et a valu que ceux-ci soient universellement qualifiés de massacres". Dans un communiqué commis en réaction à la sortie de René Emmanuel Sadi suite à cette initiative, Célestin Bedzigui ajoute: "Je voudrais relever que les événements de Février 2008 ont fait, en leur temps, l'objet d'un rapport très documenté de l'Observatoire National des Droits Humains, rapport duquel ont été tirés l'essentiel des chiffres sur lesquels est basée la pétition que nous avons introduite à l'ONU". Pour l'ancien membre de la Coordination des partis politiques de l'opposition pendant les villes mortes, il s'agit d'attirer l'attention du conseil de sécurité (CS) des Nations unies, afin de saisir la Cour pénale internationale. En effet, le Cameroun n'ayant pas encore ratifié le traité de Rome, seul le Conseil de sécurité de l'ONU qui, pour contourner l'obligation de ratification, peut saisir le procureur de la Cour pénale Internationale lorsque les infractions qualifiées de crimes contre l'humanité, de génocide ou de crimes de guerre sont perpétrées dans un Etat. C'en avait été le cas pour Omar El Béchir du Soudan.

Seulement, il se raconte dans certains milieux politiques de Yaoundé que l'exilé volontaire aux Etats-Unis aurait tout simplement doublé les membres du CODE dans cette démarche. "Mis au parfum des nombreuses réunions secrètes que tenait le CODE à Bruxelles depuis quelques temps, Célestin Bedzigui s'empresse de déposer à l'ONU, le 24 février dernier, une pâle copie de la pétition concoctée par des experts réunis à Bruxelles à la demande du CODE" indique l'hebdomadaire La Nouvelle. En effet, ajoute le journal de Jacques Blaise Mvié: "Tout serait parti d'une réunion tenue à Washington DC le 9 janvier 2010. L'objectif de celle-ci était de créer un nouveau front du CODE aux Etats-Unis, plus précisément à Washington. Célestin Bedzigui qui participe à la dite réunion est mis au parfum de l'intense travail de conception de stratégie qu'avait déjà effectué en Europe (Londres, Paris et l'institution d'une Commission Bruxelles) la bande à Brice Nitcheu. Surtout, il apprend dans la foulée qu'entre autres, une réunion importante du CODE va se tenir à Bruxelles le 14 février 2010. Au cours de celle-ci, il est question de donner une réponse d'experts du droit pénal international à la question suivante: Paul Biya peut-il être poursuivi pour crime contre l'humanité ? ". Pour conclure, on affirme que l'exilé volontaire ne serait même pas le rédacteur de ladite pétition.

© La Météo : Dossier rassemblé par Jean Calvin Ovono ,Collaboration Abdoulaye Ado


05/04/2010
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