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A Paris, il y a 53 ambassades des pays africains contre une seule ambassade américaine, canadienne, chinoise etc. L’Europe des nations est une réalité. Les Etats Unis d’Amérique ou la chine constituent des grandes entités politiques et économiques fiables. L’Afrique quant à elle est parcellisée. Malgré l’existence depuis un demi siècle des cercles concentriques comme la Cemac ou encore l’UEMOA pour ne citer qu’elles, le continent n’a ni un marché commun, ni une politique de libre circulation des biens et des personnes.Dans une interview accordée à La Presse de la Nation (PDN) , Hubert Kamgang  Ingénieur statisticien  et économiste  met le doigt là où cela fait mal.

Les organismes comme la Cemac ou l’Uemoa sont-ils encore fiables ? 

Si tu m’avais parlé  de la CEEAC, la CEDEAO, la SADC etc., à la rigueur je conviendrais que ce sont des organisations authentiquement africaines. A la différence de la Cemac et de l’Uemoa qui sont d’inspiration néo-coloniale.Il n’empêche que elles aussi soient au tant de refus de l’idéal panafricaniste car leurs promoteurs veulent faire un distinguo entre l’intégration économique et politique, or c’est un tout essentiellement politique.

Quoi qu’il en soit voilà  depuis 50 ans que leurs promoteurs tournent en rond. La seule solution est fédérale.Par ailleurs, il n’est pas dit que parce que les Etats ont des frontières terrestres contiguës, leur intégration en serait plus facile. Voila pourquoi selon moi, qu’importe leur situation géographique et leur héritage colonial, les Etats africains qui le veulent peuvent dépasser les embryons actuels pour constituer le noyau dur de l’Afrique des peuples de demain. Techniquement, tout est possible. Le problème est celui de la volonté politique.

Le chef de l’État libyen, le colonel Mouammar Kadhafi, a repris à son compte le projet de création des États-Unis d’Afrique, lors du Sommet extraordinaire de l’OUA tenu à Syrte (Libye) les 08 et 09 septembre 1999. Le Nkrumah nouveau est-il arrivé ? 

Si le colonel Kadhafi veut jouer un rôle de proue dans le panafricanisme dont le but est la construction des États-Unis d’Afrique, il doit faire plus que réunir des Sommets de chefs d’État ; car ces chefs d’État sont pour la plupart opposés à l’unité africaine véritable.L’unité africaine étant et devant être l’affaire des panafricanistes convaincus et convaincants, le guide de la Révolution libyenne doit aider les mouvements panafricanistes authentiques à se consolider, afin de créer les conditions propices à la fondation des États-Unis d’Afrique. Il y a en effet beaucoup de préalables à la création de cette fédération, à commencer par la libération de ceux des États qui sont encore sous le joug du néocolonialisme ; il faut ensuite fixer les critères de convergence démocratique, économique et sociale et tendre vers leur satisfaction ; de sorte que le noyau dur de la fédération soit constitué d’États suffisamment homogènes, toutes conditions qui sont loin d’être une réalité à l’heure actuelle. Si ces préalables ne sont pas remplis, l’unité africaine ne sera qu’un vain mot. 

Vous faites fi des débuts de solution au panafricanisme comme la Cemac par exemple ? 

La Cemac, nouveau nom de l’UDEAC a pour ancêtre l’UDE. Mieux, l’UDE est une survivance de l’Afrique équatoriale française (AEF) et du Cameroun. La Cemac est par conséquent une organisation néocoloniale destinée à intégrer ses Etats membres, non pas entre eux, mais à la France. Tenez, la BEAC qui est l’institut d’émission est un appendice du Trésor français par le biais du compte d’opérations. Le Cameroun, Afrique en miniature dont l’une des paroles de l’hymne est : « de l’Afrique soit fidèle enfant », se doit de sortir de la Françafrique dont la Cemac est le cadre en Afrique Centrale et servir de locomotive pour l’unité Africaine véritable. Je vois aussi le Tchad jouer un rôle important dans l’intégration africaine de par sa position en Afrique centrale.

Peut-t-on alors entrevoir une fusion entre la Cemac et de l’Uemoa ?

Ce sont des jumelles. Ce qui vient d’être dit pour l’une est valable pour l’autre en Afrique de l’Ouest. La fusion ne répond pas à la vraie question qui est celle de l’unité africaine véritable, conformément aux vœux des peuples et à l’idéologie du panafricanisme. 

Il est urgent que le Cameroun et partant d’autres pays dénoncent purement et simplement le traité de coopération et ses annexes avec la France. La conséquence en sera que le Cameroun, n’étant plus membre de la BEAC, créera sa monnaie, ce qui lui permettra de réaliser son miracle économique, à l’instar des dragons et tigres d’Asie du sud et de l’Est.Pendant ce temps, par sa diplomatie, il entrera en contact avec d’autres Etats africains qui le veulent et qui le peuvent, afin qu’ensemble ils fixent les critères de convergence démocratiques et économiques, sociales et autres qui leur permettront d’être assez homogène pour négocier un projet de constitution des Etats Unis d’Afrique. Le noyau de départ constitué de quelques pays africains, qu’importe leur situation géographique sur le continent, sera rejoint au fur et a mesure que d’autres Etats se sentiront prêts… 

Bibliographie:Hubert KAMGANG  est né en 1944 à Batié Cameroun. Ingénieur statisticien économiste. Enseignant de Mathématiques aux Universités de Yaoundé (1972-1980) et de Bangui (1980-1983) ; il a été Directeur du Département des Statistiques et de l’informatique au Secrétariat Général de l’UDEAC (Bangui) de 1980 à1991 ; Candidat à l’élection Présidentielle au Cameroun (1997-2004), il a publié deux ouvrages : « Au-delà de conférence Nationale – Pour les États-Unis d’Afrique, L’Harmattan, Paris 1993. (ISBN : 2-7384-1746-9) ». « Le Cameroun au XXIème siècle – Quitter la CEMAC, puis œuvrer pour une monnaie unique dans le cadre des États-Unis d’Afrique, Éditions Renaissance Africaine, Yaoundé, 2000 (ISBN : 9956-13-000-01) ».