Cameroun - Rumeurs de coup d'Etat: Bruits de bottes à Etoudi
YAOUNDE - 20 JUILLET 2010 © FRANÇOIS LASIER | Aurore Plus | |
Le président camerounais a en face la majorité qui
n'a pas voté pour lui. Et aussi la moitié d'une classe politique qui
rêve de le renverser. Scénarios classiques d'un coup d'Etat... |
Paul Biya veut se représenter pour un autre mandat en 2011. La Constitution a été remaniée pour lui ouvrir la voie royale. Dans leur immense majorité, les Camerounais n'ont pas gobé le coup. Le président camerounais a en face la majorité qui n'a pas voté pour lui. Et aussi la moitié d'une classe politique qui rêve de le renverser. Scénarios classiques d'un coup d'Etat...
Trois incidents d'actualité au Cameroun depuis une semaine indiquent que le Cameroun file un très mauvais coton. Les coffres du ministre Essimi Menye sont braqués. En prison, Polycarpe Abah Abah entre en rébellion. Dans la foulée des événements inattendus et inquiétants, un incendie est déclaré à la direction des Impôts, la CRTV de Amadou Vamoulké fait l'objet d'un assaut. Faits troublants s'il s'en trouve. Pour faire un coup d'Etat, on prend possession de la maison de la radio quand on n'a pas encore la télé. Aujourd'hui, la stratégie des amateurs de coups d'Etat s'est compliquée. Une CRTV prise d'assaut ne permet pas de prendre le contrôle de la République. En 1984, pour le fumeux coup d'Etat d'avril. Les boys scouts de la gendarmerie avaient bêtement pensé qu'un coup d'Etat est réglé lorsqu'on a pris possession de la maison de la radio. On a bien vu le résultat des courses. On a tellement bien salé l'addition aux mutins qu'ils ont définitivement perdu l'envie de recommencer.
Mais quelques autres ont remis le coup. Au ministère des Finances. On a braqué les coffres-forts. Pour emporter en billets de banque un pactole valant 1,8 milliard selon des sources. Emporté aussi, sel on les mêmes sources, 12 lingots d'or. Depuis que la monnaie n'est plus garantie par les réserves d'or, on se demande bien pourquoi le ministre des Finances au Cameroun a tenu à garder des lingots d'or dans ses coffres. Le Fmi aussi avait ses réserves d'or. On en a vendu une partie pour sauver l'institution de la faillite.
Au-delà de la rigolade, 1,8 milliard en billets de banque en circulation entre des mains incontrôlées, ça peut devenir dangereux. IL y a là de quoi entretenir une milice de Cobras ou de Ninjas pour une longue guerre. Calculs simples. Avec un milliard de Cfa liquide, on peut entretenir une armée de 1000 tueurs pendant un an. Ils coûtent cent millions par mois à raison de cent mille francs par tête de con. Et mille Ninjas lâchés dans la capitale à Yaoundé, drogués à point, sèment au moins trois mille cadavres chaque jour. Avec près de deux milliards, les drogués ne seront pas mille.
Ils seront deux mille et on comptera au moins six mille cadavres dans la journée. La troupe de la milice est essentiellement constituée de desperados, le petit million de moto-taximen qui n'ont du respect pour rien et qui sont prêts à tuer pour une peccadille, tous les produits de nos universités, des laissés pour compte, qui nourrissent le projet secret d'une vengeance aveugle.
Le responsable de leur sort n'a pas de visage, n'a pas de nom. Ce sera n'importe qui, ce sera tout le monde. On s'en prend à une dame au volant de sa voiture, on casse la Merco d'un monsieur X. La voiture est le signe d'une fortune mal acquise.
Le Cameroun sur une poudrière
Lors des émeutes de février 2008, on l'a vécu à Douala. La police avait perdu ses moyens, les gendarmes subissaient les ordres alors qu'ils sont censés faire respecter l'ordre républicain. Les militaires ne devront venir en renfort que sur le tard, lorsque le mal est fait. Pas à Bakassi, mais à Douala et à Yaoundé.
Paul Biya a amorcé la bombe de la déflagration finale du Cameroun le jour qu'il a eu la mauvaise idée de rectifier la Constitution pour devenir président à vie.
Dès cet instant, il s'est gagné mille ennemis. Toute la communauté internationale, tous les opposants locaux qui pensent que le salut viendra d'ailleurs, tous les alliés objectifs du Rdpc qui pensent que les bilans de Paul Biya sont indéfendables. Avec ces records battus dans le palmarès de la corruption, ces sous-classements dans la lutte contre la pauvreté.
Toutes ces injustices étalées ont nourri des ambitions de coup d'Etat. Il y a les étudiants, privés de bourse, qui ne veulent plus de l'homme du Renouveau. Ils doivent payer cinquante mille balles qu'ils ont tout le mal du monde à rassembler. Dans le même temps, il ya des ministres au gouvernement qui se prennent impunément, sous le nez de tout le monde, cinq ou dix milliards, de quoi largement financer la scolarité de dix mille étudiants sur l'année.
Une ironie pour rigoler. A l'heure de la lutte à outrance contre la corruption, ceux qui ont barboté l'argent de l'Etat qui aurait pu servir à financer les frais d'inscription des enfants à l'université, sont en prison. Ils pensent que c'est injuste. Ils s'en prendront à Paul Biya. Nous y passeront tous. De balles perdues ou de règlements de comptes en règle.
Lorsqu'un pouvoir a pu mettre le citoyen dans une telle situation de péril absolu, Paul Biya devrait se poser la bonne question. Entre rester au pouvoir et semer des morts, et partir pour sauver des vies.
On aimerait retrouver le président camerounais qui a offert sa vie contre un bain de sang en avril 1984. On fera certainement l'économie d'une épreuve de coup d'Etat qui laissera un gros tas de cadavres gratuits sur le carreau.
Mais, comme pour se donner des raisons d'y croire encore: un coup d'Etat est impossible au Cameroun. Avec une telle armée en place, un service des renseignements acquis, l'aventure est vouée à l'échec.