Cameroun - Répression : Abba Aboubakar et Cie présentés au procureur
Cameroun - Répression : Abba Aboubakar et Cie présentés au procureur
La
dizaine d’hommes politiques enlevés le 20 février dernier à Yaoundé a
passé la journée d’hier au parquet du tribunal de grande instance du
Mfoundi – Centre administratif. Ils sont auditionnés pour les motifs de “
manifestation illégale, incitation à la révolte, et rébellion simple ”.
Les infortunés ont regagné leur cellule à la tombée de la nuit.
C’est un peu avant 11 heures hier, 09 mars 2011 que le véhicule de la
police ayant à son bord Abba Aboubakar, Michel Bouba et compagnie est
arrivé devant l’immeuble qui abrite le parquet d’instance près les
tribunaux du Mfoundi. Selon les témoins de la scène, ces hommes
politiques, leaders d’associations et syndicaux, l’air plutôt affaibli,
ont été conduits sous bonne escorte vers les cellules du bâtiment. Sur
les motifs de leur déferrement, aucune information officielle ne filtre.
Le seul mot arraché de la bouche des responsables de ces lieux est
celui d’un greffier préposé dans le hall du parquet. “ Ils sont là pour
des faux trucs politiques. Je n’en sais pas plus ”, lance-t-il en
direction du reporter du Messager.
Mais selon des informations recoupées à bonnes
sources, Abba Aboubakar, Michel Bouba, Patrick Roy, Nyamsi, Bruno
Djibondji , M. Essomba, etc., sont “ suspectés de manifestation
illégale, incitation à la révolte, et rébellion simple ” comme il est
bien mentionnésur le dossier transmis par la direction de la
surveillance du territoire (Dst) au procureur. Les mêmes sources
affirment que c’est faute de cellules adéquates à la Dst, logées à
l’immeuble T. Bella à Yaoundé que les infortunés ont séjourné ces
derniers jours à la direction de la police judiciaire et à sa direction
régionale pour le Centre. Paradoxalement, même devant le parquet, les “
otages ” d’hier considérés désormais comme suspects, puisque déférés
finalement devant le procureur de la République (Pr), n’ont pas droit à
la visite. Pis, d’autres suspects traduits devant le procureur de la
République pour des infractions de droit commun subissent les frais
d’une cohabitation avec ces “ pestiférés ” d’un autre genre. Car, ils ne
peuvent voir leurs parents qui se sont massés devant le parquet. “ Pas
de visite ici ”, prévient un officier de police l’ air menaçant.
Black-out
Des indiscrétions glanées font état de ce que la mesure ainsi prise vise à éviter toute communication entre “ les gardés à vue politiques et le public ”. Ce durcissement explique peut-être pourquoi maître Magloire Mben, l’avocat d’Abba Aboubakar n’est pas visible au parquet. Joint au téléphone, ce dernier confie n’avoir pas appris que son client serait déféré hier. “ C’est vous qui me l’apprenez. Personne ne m’a dit qu’il [Abba Aboubakar, ndlr] serait déféré aujourd’hui [hier, ndlr]. Je vous suggère de vous en remettre à sa femme ”, conseille-t-il. Mais c’est le même black-out du côté de Madame Gisèle Abba Aboubakar. Elle affirme ne pas en savoir plus que l’avocat. “ Je ne sais pas. Quelqu’un que je ne connais pas m’a dit au téléphone qu’on vient de transférer mon mari au parquet.
Mais avant cela, j’ai reçu d’autres coups de fil anonymes. Mes interlocuteurs m’ont dit que je m’agite trop ”, se plaint-elle d’une voix hésitante et chevrotante. Une attitude qui explique peut-être pourquoi le point de presse prévu pour lundi dernier a été repoussé à hier avant d’être purement et simplement annulé. Cependant au parquet, c’est exactement vers 18 heures 30 que le car de couleur bleue-foncée de marque Toyota, plein à craquer, a quitté les lieux en trombe, pour la direction de la Police judiciaire au quartier Elig-Essono.
C’est le même qui les y a amenés le matin. De l’avis de nombreux sympathisants de la cause d’Abba Aboukar et de ses camarades d’infortune qui ont campé devant le parquet durant toute la journée d’hier, ils étaient bien à bord. L’on peut donc subodorer que la dizaine d’hommes politiques impliqués dans cette affaire a passé une autre nuit dans les chambres de sûreté de la Dpj... et non toujours pas bénéficié de la présence d’un avocat. Ont-ils été entendus par le procureur ? Ont-ils été inculpés pour les faits retenus contre eux par la police ? Retourneront-ils au parquet ce jour ? Le mystère reste entier.