Cameroun : Pius Njawé, l’ultime retraite
Cameroun : Pius Njawé, l’ultime retraite
Jamais de mémoire de journaliste, la levée de corps d’un journaliste, n’a fait l’objet de tant de mobilisation comme celui vécu autour des restes du Patron de Free Médias group à Douala, le 05 août 2010. En effet, même ceux qui l’interpellaient, les policiers, « …ont accepté de se mouiller, parce que le corps de celui qui dérangeait le pouvoir en place… ». Comme le remarque un usager du taxi dans lequel je me trouve. En se postant dans les coins de quelques rues de la capitale de la capitale économique. Sous cette pluie qui, à mon sens, saluait elle aussi la mémoire de ce martyr.
C’est que Pius Noumenie Njawé n’écrira plus. Il
n’arpentera plus les escaliers de l’immeuble qui abrite les services du
journal « Le Messager » dont-il était le fondateur et par ailleurs le
directeur de publication. Il ne s’interrogera plus sur la santé du
président de la république, à travers les colonnes de son journal. Il ne
dispensera plus des cours aux étudiants Américains. Il ne sensibilisera
plus les Camerounais sur les accidents de la circulation. C’est
fini. C’est bien fini. Njawé a cassé sa plume.
Et je peux comprendre toute l’émotion des populations de la ville de
Douala ce jour. En tout cas, pas un seul pas sans écouter un
commentaire concernant l’homme. Au campus 02 de l’université de Douala,
des étudiants sont inconsolables. Ceux qui ont eu le privilège
d’effectuer un stage académique au quotidien qu’il dirigeait, me demande
toujours comment procéder pour adresser, eux aussi, leurs condoléances
à la famille Njawé. D’autres par contre, membres de quelques
associations qu’il a encadrées, s’interrogent sur leur avenir.
Mais, une chose est sûre : le tragique destin qui s’est abattu sur toute la presse Africaine ce 12 juillet 2010, ne leur donnera aucune réponse à propos de leurs nombreuses questions. L’ultime retraite s’est annoncée. Et donc, Njawé (ses restes) traverse quelques artères de la ville de Douala pour la dernière fois. Certainement avec beaucoup de fierté. Il ne reviendra plus jamais dans la ville de Douala où il a résidé tout le temps qu’a duré son combat pour le respect des libertés et surtout de la liberté de la presse. Il ne donnera plus d’instructions à ses collaborateurs, relatives au respect du journalisme d’opinion qui lui était chère et lui a valu 126 interpellations et trois séjours dans les cellules infectes de la prison centrale de New Bell. Pius se retire à jamais.
Ce qu’il faut retenir, ce n’est pas cette forte mobilisation observée autour de ses obsèques. Mais, les questionnements qui se multiplient autour de l’avenir de la scène médiatique. Les débats pointus sur la précarité qui caractérise l’environnement par exemple, ne seront plus abordés avec la même clarté. Ce qui est dommage. Cette préoccupation rejoint plusieurs autres. Car, La mobilisation est une chose parmi tant d’autres. Elles auraient pu conduire à plus de sérieux. Mais hélas ! Puisque, Njawé sera inhumé selon le programme officiel, le samedi 07 août à son Babouantou natal. Et la page sera tournée. Pourtant, il revenait aux leaders du secteur de la presse locale, de susciter une autre adhésion autour de l’après Njawé. Et, pour cela, je pense que l’érection d’un monument en sa mémoire serait quelque chose d’intéressant pour la génération future. Surtout que des héros comme lui, le Cameroun n’en a pas eu assez dans le secteur de la presse.
Si Njawé a su animer la scène médiatique jusqu’à sa mort, tout ne devrait pas s’arrêter à ce niveau. Il faut non seulement apporter un soutien à ses œuvres et notamment « le Messager », et faire vivre son talent à tous. Bien qu’il se retire sans avoir préparé la relève ?