Cameroun. Marafa Hamidou Yaya met le doigt dans la plaie
Paul Biya est-il « l’acteur principal» ?
Dans sa troisième lettre, Marafa Hamidou Yaya met enfin le doigt dans la plaie
Décidé à ne pas «mourir seul», Marafa Hamidou Yaya a, dans une stratégie progressive, mis le doigt dans une plaie dont la purulence est à la mesure de la mauvaise gouvernance, un cancer qui ronge le Cameroun depuis 30 ans. Contrairement à ses deux premières lettres ouvertes au président Biya, le troisième pli de Marafa Hamidou Yaya est directement adressé au peuple camerounais, par celui qui, redoutant des entourloupes politico-judiciaires, revendique « toute la transparence à travers un procès équitable », dans le cas où ce serait pour l’affaire Albatros qu’il est incarcéré. Mais, un train pouvant en cacher un autre, le cas Marafa Hamidou Yaya apparaît pour le moins explosif au regard de cette 3è lettre.
« Qui a peur d’un procès transparent et public ?», s’interroge le prochain nouveau locataire d’une caserne militaire où il est en voie de transfèrement. S’il dit ignorer tout du détournement des fonds destinés aux avions présidentiels, l’auteur de la 3è lettre offre au public quelques pistes de recherches pouvant induire des responsabilités de ceux qui, tapis dans l’ombre, auraient décidé de l’achat d’un aéronef présidentiel et du décaissement de l’argent à cet effet : « pour quelles raisons le ministre de l’économie et des finances a-t-il préféré transférer de l’argent à Gia International plutôt que d’utiliser la solution sécurisée de la ’stand by letter of crédit’ qui était proposée »?, se demande l’ex- ministre d’Etat qui poursuit : « qui a décidé d’utiliser le guichet Snh pour payer les 31 millions de dollars ? ». Autre question de Marafa : « Pourquoi avoir décidé d’acquérir un Boeing 767-300 Vip en lieux et places du Bbj-II, ‘Boeing 737-800’ déjà fabriqué ? » le ministre d’Eta croit savoir que les réponses à ces questions permettraient d’édifier les Camerounais et «prouveront mon innocence dans ce qui semble m’être imputé ».
Selon nos informations et pour essayer de voir clair dans ce dossier, Meva’a Meboutou était ministre des Finances et du budget en 2002, au moment où Atangana Mebara remplace Marafa Hamidou au poste de secrétaire général à la présidence. Meva’a Meboutou a auparavant occupé le poste de ministre de l’Economie et des finances dans le 25è gouvernement de Biya en 2001. Il est présenté comme « la véritable cheville ouvrière de cette affaire, pour avoir ordonné le décaissement des 36 millions de dollars (environ 18 milliards F Cfa ndlr) volatilisés ». Nos sources croient savoir que l’utilisation du guichet Snh est une décision qui a été prise « à partir de la présidence de la République, donc du chef de l’Etat », idem de la décision d’acquérir un Boeing 737-300 Vip en lieux et places du Bbj II déjà construit à l’époque des faits. Marafa semble donc proposer entre les lignes que c’est le chef de l’Etat en personne qui est l’auteur de l’affaire Albatros et des conséquences subséquentes.
La conférence nationale souveraine, commencée dans l’informel depuis les années 90, va-t-elle connaître une brusque accélération du fait de cette terrible affaire Albatros ? On peut tout de même spéculer sur la durée et le temps mis pour que les premiers suspects soient interrogés par la police ou tout simplement arrêtés et écroués. L’achat de l’avion présidentiel est décidé en 2000 et aboutit pratiquement en 2003. A ce propos, écrivant au chef de l’Etat, son ancien ministre de l’At. souligne dans sa première lettre : « Est-il besoin de vous le rappeler, monsieur le président de la République, que c’est moi qui vous ai sollicité, par correspondance en date du 7 mai 2008 à vous adressée, pour être entendu par les instances judiciaires compétentes, afin d’apporter mon témoignage et contribuer à la manifestation de la vérité dans cette scabreuse affaire que vous connaissez mieux que quiconque parce que régulièrement informé de ce processus d’acquisition de votre avion, que vous suiviez au jour le jour ? ». Marafa ajoute: « Vous savez bien que mon incarcération n’a rien à voir avec cette affaire pour laquelle je ne suis coupable d’aucun délit et surtout pas de celui que vous avez instruit que l’on m’impute. J’espère que les débats à venir permettront à nos compatriotes de savoir quel est le rôle joué par tous les intervenants, et cela à tous les niveaux ».
Alors, simple affaire de droit commun ou règlement de comptes aux relents politiques ? Difficile pour l’instant, de se prononcer dans une affaire qui ne fait que commencer et qui promet des rebondissements.
Edouard Kingue
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Dans sa troisième lettre… Marafa accable Meva’a Meboutou
Dans cette correspondance, cette fois adressée au peuple camerounais, l’ex secrétaire général de la présidence de la République, ex-ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation s’interroge sur certains choix décisifs de l’ancien ministre de l’économie et des Finances, au sujet des virements bancaires effectués dans le cadre de l’acquisition de l’avion présidentiel.
Le premier épisode de l’acte 1 de l’affaire opposant le ministère public et le gouvernement du Cameroun à un certain nombre d’anciennes personnalités de la République au sujet de l’acquisition d’un avion présidentiel a été bouclé le 03 mai dernier. Ceci, avec l’acquittement par le tribunal de grande instance de Yaoundé centre administratif, de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République Atangana Mebara et deux de ses codétenus pour faits non établis.
En attendant l’ouverture de l’acte 2 qui pourrait l’impliquer, l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation qui, au moment des faits occupait le poste de secrétaire général de la présidence de la République, continue de faire les choux gras de la presse nationale. Du fond de sa cellule de la prison centrale de Kondengui où il est écroué depuis le 16 avril dernier, ce prince de Garoua dans la région du Nord, vient de rendre publique une troisième lettre, dans laquelle il épingle l’ancien ministre de l’Economie et des finances, Michel Meva’a Meboutou.
L’ancien argentier national avait affirmé, lors d’une audience au tribunal de grande instance du Mfoundi, avoir ordonné le déblocage des fonds par la Société nationale des hydrocarbures (Snh) au profit de Gia International, sur ordre du secrétaire général de la présidence de la République, à l’issue d’une rencontre au palais de l’unité. Rencontre à laquelle, avait-il alors précisé, n’avait pas pris part le chef de l’Etat. Il comparaissait alors comme témoin, dans la première partie de cette affaire opposant Atangana Mebara et autres, au ministère public. La préoccupation du parquet était alors de savoir quel document écrit a motivé l’instruction donnée à l’administrateur directeur général de la Snh, pour la mobilisation des fonds. Mais la troisième lettre de Marafa Hamidou Yaya semble démontrer exactement le contraire. Ce d’autant plus que l’ancien Sg/Pr dit n’avoir jamais donné cette instruction à Michel Meva’a Meboutou. « J’ai été informé, une quinzaine de jours après notre réunion relative à l’acquisition du BBj-II, par l’administrateur directeur général de la Camair, et à ma grande surprise, que les trente et un (31) millions de dollars avaient été virés directement dans le compte de Gia international aux Etats-Unis par le ministre de l’Economie et des finances », écrit Marafa Hamidou Yaya dans cette troisième correspondance.
Revenir à la barre
Cet étonnement de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République laisse entrevoir le flou qui a accompagné le processus d’achat de cet avion présidentiel. Ce d’autant plus que plusieurs décisions se prenaient à l’insu du président de séance des réunions ayant précédé le lancement de l’opération. D’où ces multiples interrogations contenues dans la troisième lettre de Marafa. « Pour quelle raison le ministre de l’Economie et des finances a-t-il préféré transférer l’argent de Gia International plutôt que d’utiliser la solution sécurisée de la «stand by letter of credit» qui était proposée ? Qui a décidé d’utiliser le guichet Snh pour payer les trente et un (31) millions de dollars ? » Interroge l’ex-Minadt qui ne comprend toujours pas pourquoi l’on a finalement décidé d’acquérir un boieng 767-300 Vip en lieu et place du BBj-II déjà fabriqué.
Quoi qu’on dise, l’ancien ministre de l’Economie et des finances Michel Meva’a Meboutou, qui a jusqu’ici été entendu comme témoin de l’accusation, pourrait revenir à la barre, cette fois comme accusé, pour apporter des réponses à toutes ces questions soulevées par Marafa Hamidou Yaya.
Joseph Flavien KANKEU