Cameroun : L’urgence d’autres ponts
Cameroun : L’urgence d’autres ponts
Voici une fois de plus mis en exergue le drame qui se noue chaque jour sur l’unique pont du Wouri à Douala, métropole de plus de deux millions d’habitants, poumon économique du Cameroun. Pour mieux en appréhender la complexité et la portée, il est utile de rappeler les faits. Dans l’après-midi du lundi 26 juillet 2010, la détérioration d’une conduite d’eau a ouvert une fissure au niveau de la digue du pont ; la pression de l’eau a soulevé la couche superficielle de la chaussée. Selon les autorités administratives de Douala et les responsables de Camwater, la conduite d’eau en cause a été isolée, l’alimentation en eau devant cependant être assurée à travers une nouvelle conduite posée par les Chinois. Le pont, rassure le préfet du Wouri, n’a pas été endommagé. Toutefois, cet incident a provoqué une panique ayant entraîné un engorgement des piétons sur le pont ainsi que de longs embouteillages sur les voies d’accès.
Les pouvoirs publics et les structures techniques compétentes affirment continuer à travailler en synergie pour mettre en œuvre des solutions appropriées, sans pour autant interrompre la circulation. Le pont sur le Wouri fut construit en 1955. Après des travaux de réhabilitation commencés en 2003, la mise en circulation symbolique fut effectuée en juin 2006. Le coût total des travaux s’est élevé à treize milliards de FCFA. L’opération était cofinancée par l’AFD (Agence française de développement) à hauteur de sept milliards, les autres six milliards étant supportés par l’initiative PPTE et l’Etat camerounais. Bien au-delà des aspects techniques sur la maîtrise de l’ouvrage qui ne pose pas de problème, toute interruption du trafic sur le pont du Wouri entraînerait immédiatement de graves conséquences socio-économiques dont la panique de lundi dernier ne serait qu’un épiphénomène.
Dans une ville industrielle et portuaire dont la croissance de la population est exponentielle, des milliers d’habitants de part et d’autre du Wouri traversent chaque jour le pont à pied, à vélo, en moto ou en voiture. L’intensité du trafic croit chaque année davantage sur cet ouvrage vieux de soixante ans par lequel passe également une voie ferrée. Le pont sur le Wouri est le chemin obligé pour accéder à la zone industrielle de Bonabéri. C’est par lui que passe l’essentiel du trafic lié à la zone industrielle du Sud-Ouest notamment à Limbe, ainsi celle des zones de production agricole et pastorale du Moungo, de l’Ouest voire du Nord-Ouest. En somme, c’est par l’unique pont du Wouri que transite l’essentiel des produits d’une bonne partie du Cameroun, produits bruts ou transformés, importés ou fabriqués à Douala. C’est relever l’importance d’une fluidité permanente de la communication terrestre sur ce pont manifestement en souffrance par le poids de l’âge et l’ampleur du trafic.
Les pouvoirs publics ont certainement pris la mesure de l’étendue et de la complexité des problèmes que pose l’existence de cet unique pont. Ils l’ont exprimé par la voix la plus autorisée. Le président Paul Biya, alors candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2004, dans son discours de campagne à Douala, citait parmi les projets importants à mettre en œuvre dans la métropole économique camerounaise, la construction d’une voie de contournement de Douala et celle d’un deuxième pont sur le Wouri. Il n’est pas exagéré de faire observer que la mise en œuvre de cette grande ambition a pris un retard préjudiciable. Soixante ans après le premier pont, au regard de l’environnement socio-économique et des perspectives publiquement affirmées sur la croissance économique du Cameroun, le Wouri à Douala aura bientôt besoin de voir construire plus qu’un deuxième pont.