Cameroun, Litige foncier : Nana Sinkam contre le chef Bangou
Cameroun, Litige foncier : Nana Sinkam contre le chef Bangou
Le fonctionnaire international qui avait refusé un poste de ministre veut immatriculer un terrain dans son village.Nana Sinkam, ce fonctionnaire des institutions internationales qui avait refusé un portefeuille dans le gouvernement de Paul Biya, veut immatriculer un terrain dans son village. En heurtant son chef supérieur.« En exécution des instructions du ministre des Domaines et des affaires foncières et du préfet du département des Hauts plateaux contenues dans leurs correspondances respectives…j’ai l’honneur de vous notifier les copies desdits documents, ainsi que la lettre convocation de ladite commission dont la descente est programmée le 19/10/2010 ».Tels sont les termes de la correspondance que le sous-préfet de l’arrondissement de Bangou (Département des Hauts plateaux), Paul Keumejio, a adressée le 11 octobre dernier à Marcel Tayo ll, chef supérieur Bangou, avec pour objet : « Convocation de la commission aux fins du bornage d’une parcelle du Domaine national sis à Kongtchap-Bangou ». Celui qui demande le bornage de ce terrain n’est pas une personnalité anonyme. Il s’agit de Samuel Nana Sinkam, ce prince Bangou qui aurait pu, il y a une cinquantaine d’années, se retrouver sur le trône royal de son village, mais pour certaines raisons, a choisi de gagner sa vie à l’étranger. Mais il est surtout ce haut fonctionnaire du système des Nations unies qui avait défrayé la chronique au Cameroun il y a une quinzaine d’années, lorsque, revenu au Cameroun pour occuper le ministère délégué au plan que le président de la République, Paul Biya, venait de lui confier, choisit plutôt, contre toute attente, de reprendre son avion pour l’étranger, sans crier gare et sans même prendre fonction. Depuis, il n’a presque plus donné de nouvelle officielle au Cameroun et particulièrement dans le village qui l’a vu naître, Bangou.
A t-il l’intention aujourd’hui de revenir s’installer définitivement sur les terres de ses ancêtres? Peut-être. Mais dans une lettre adressée au ministre des domaines et des affaires foncières, le chef supérieur Bangou vient de formuler une ferme opposition à l’immatriculation du domaine objet de sa convoitise : « la parcelle sur laquelle Sieur Nana Sinkam sollicite le bornage comprend des parcelles que j’avais attribuées à mes frères et sœurs et certains y avaient déjà construit ; par ailleurs, les tombes de certains de mes frères, sœurs et épouses décédés s’y trouvent.. Egalement la tombe de l’une de mes épouses décédée ».
L’affaire qui rebondit aujourd’hui avait déjà fait l’objet d’un premier règlement lorsqu’en 2009, Nana Sinkam avait formulé la demande d’immatriculation du terrain. La première descente sur le site avait rencontré une farouche opposition des villageois et notables qui avaient prestement informé le chef supérieur, tenu à l’écart. Le sous-préfet avait dû convoquer les différentes parties en janvier 2010 afin que chacun fasse valoir ses arguments. Le requérant, absent à cette séance de travail, s’était fait représenter. Son mandataire, du fait de son jeune âge, à en croire le rapport de la commission, n’avait pas pu apporter tous les arguments pour justifier le droit de propriété de son mandant sur le terrain depuis plus e 50 ans, comme le laisse croire l’âge des eucalyptus qui y sont plantés. La commission avait estimé que pour tirer l’affaire au clair, le chef supérieur Bangou et Nana Sinkam devront se présenter physiquement à la prochaine commission. Entre temps, toute exploitation sur le terrain litigieux doit être suspendue.
Une situation potentiellement explosive. Dans la mesure où les occupants qui exploitent le terrain et qui y ont enterré leurs morts sont soumis aux rites que la tradition de ce peuple impose. L’intervention judicieuse de l’administration est urgence ici, afin d’éviter les affrontements sanglants que ce type de litige foncier engendre ces derniers temps en pays bamiléké. Le dernier en date est celui de la chefferie Bamendjou, dans le même département. Avec à la clé des dégâts humains et matériels importants, ainsi que des personnes qui croupissent en prison. Par manque de sens d’anticipation des autorités administratives.