Cameroun : Les trois plaies des Lions Indomptables
Cameroun : Les trois plaies des Lions Indomptables
La débâcle de l’équipe nationale de football camerounaise à la CAN 2010, si elle est difficile à digérer sur le plan sportif, a cependant cela de bon qu’elle permet de faire apparaître au grand jour les maux qui minent les Lions Indomptables, et par extension, le football au Cameroun. Il ne peut y avoir de perspective de guérison que si un diagnostic exact a été posé au préalable.
Il est donc plus que temps d’énumérer sans concession les origines de l’agonie des Lions. En fait, il ya belle lurette qu’elles ont été dûment identifiées, mais il n’était jusqu’ici pas de bon aloi d’en parler, tant cela implique la remise en cause de vaches dites sacrées. Mais tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse. A force d’avoir voulu maintenir le couvercle sur une marmite depuis trop longtemps en ébullition, le point de non retour est atteint et il n’y a pas d’autres solutions que de mettre toutes les cartes sur la table, afin d’interpeller les autorités qui ont en main le destin de l’équipe nationale à moins de quatre mois de la Coupe du monde.
«Le rang ne confère ni privilège, ni pouvoir. Il confère des responsabilités» (Louis Armstrong)
Les causes les plus anciennes et les plus visibles de la situation
délétère qui prévaut au sein de l’équipe nationale camerounaise sont le
comportement et les agissements du nouveau capitaine, Samuel Eto’o
Fils. Imbu de lui-même, assoiffé du pouvoir, Samuel Eto’o, avec
l’arrivée du nouvel entraîneur en 2009, a enfin obtenu ce qu’il a
toujours rêvé d’avoir : le brassard de capitaine. Il n’a jamais digéré
de ne pas avoir les honneurs du capitanat. Obnubilé par cette
perspective, il a d’ailleurs, en dépit de toute réalité, passé son
temps à clamer par monts et par vaux qu’il l’était depuis longtemps :
«Même avant d’avoir le brassard, j’étais déjà capitaine», assène-t-il
aux journalistes abasourdis de Canal+ venus couvrir la Coupe d’Afrique
des Nations en Angola. Suite logique à ses déclarations dégoulinantes
de narcissisme de janvier 2006 : «Quand Samuel Eto’o est dans un
groupe, je veux qu’on sache qu’il est là».
Pour Eto’o, tout est intrigue, manipulation, intimidation et corruption. Tout s’achète, tout se monnaie. Milliardaire, il s’en donne à cœur joie. Il sera rarement pris en flagrant délit de dénigrement frontal de ses partenaires en public, mais il se rattrape en coulisses. Payant des «journalistes» pour qu’ils s’acharnent sur les erreurs de ceux de ses coéquipiers qui peuvent lui faire de l’ombre, il intrigue à tous les niveaux pour écarter ceux qui ne s’effacent pas devant lui. Patrick Mboma est un radin qui ne partageait pas son argent avec les jeunes de l’équipe, Roger Milla un crève-la-faim qui est jaloux parce que lui, Eto’o, a fait plus pour le Cameroun que Milla dont la carrière est finie depuis longtemps alors que la sienne continue, Pierre Womé Nlend un traître à la nation parce qu’il a raté un penalty qu’il lui revenait de tirer, Achille Emana un désordonné à la vie privée agitée qui n’apporte rien de bon, Rigobert Song un vieux sans souffle responsable des défaites même quand il n’est pas sur le terrain, Thomas Nkono un affairiste sans autorité qui a osé trahir des secrets d’alcôve alors qu’il a failli à son devoir en alignant un gardien loin d’être au mieux de sa forme… En veux-tu, en voila. Et la liste est loin d’être exhaustive.
Face à la jeune garde, qui tarde à lui reconnaître le statut de capitaine, il alterne brimades, menaces, frustrations et méthodes d’asservissement. Ceux qui continuent de chercher la présence et les conseils de Rigobert Song sont mis à l’écart ou menacés d’être blackboulés. Très fier d’avoir démocratisé le dévergondage sexuel au sein de l’équipe, il a de facto transformé la tanière en maison de passes, sa première décision forte de capitaine étant de permettre à chaque joueur de faire venir des filles pendant les regroupements pour gérer leur libido. En stage, il passe son temps à énumérer ses exploits (sexuels, financiers, sportifs…) afin de bien convaincre les autres que c’est lui le plus beau, le plus riche, le plus fort… Ce besoin de s’affirmer en coulisses est devenu d’autant plus aigu que sa carrière sportive décline devant les caméras du monde entier. Il donne de l’argent à ceux des jeunes qui, sans en avoir nécessairement les moyens, sont attirés par les artifices luxueux qu’il se plait à leur mettre sous les yeux, pour mieux ensuite exiger obéissance et servilité à toute épreuve.
Mais il y a plus grave. Samuel Eto’o a commis des fautes sportives très lourdes, qu’il a presque réussi à faire oublier, grâce à sa stratégie de communication assez habile. Cependant, les faits sont têtus. En 2005, il préfère déserter l’équipe nationale pour aller s’éclater en boîte de nuit à Paris plutôt que de venir jouer le match de qualification contre le Soudan, occasionnant par là la non participation du Cameroun au Mondial allemand au même titre que le tir au but loupé contre l’Egypte de Pierre Womé Nlend quelques mois plus tard. Que dire du penalty raté qui sort le Cameroun de la CAN 2006, parce qu’en pleine session de tirs au but, il trouvait plus important de s’amuser avec ses adversaires Didier Zokora et Didier Drogba que de se concentrer sur les dernières minutes de jeu ? En décembre 2009, il choisit de participer à un match d’exhibition de l’Inter de Milan à Abu Dhabi, au lieu de se reposer et se mettre à la disposition des Lions en vue de la CAN démarrant 10 jours plus tard en Angola. Il en revient souffrant d’une gêne au genou, due aux changements climatiques survenus entre l’Italie, le Cameroun, les Emirats Arabes Unis, la France et le Kenya, étapes qu’il à cru bon de s’imposer pour satisfaire à son plaisir personnel plutôt qu’à des exigences professionnelles tangibles. La suite est connue. Alors qu’il montrait déjà depuis longtemps des prédispositions d’apprenti Machiavel, c’est avec l’arrivée de Paul Le Guen qu’il peut enfin, en toute impunité, donner libre cours à ses pulsions de capo di tutti capi!
«Le propre de la médiocrité est de se croire supérieure.» (La Rochefoucauld)
Arrivé à la tête de la sélection nationale camerounaise en juillet
2009, le français Paul Marie Le Guen succède à Thomas Nkono, qui
assurait l’intérim suite à la démission de l’Allemand Otto Pfister. La
première décision qu’il prend est d’enlever le brassard de capitaine à
Rigobert Song pour le remettre à Samuel Eto’o, venu faire allégeance à
Paris quelques jours avant l’annonce officielle de la nomination de Le
Guen. Dès cette minute, la capacité technique de Le Guen à diriger les
Lions indomptables est questionnable. En effet, il ne faut pas être
Einstein pour savoir que Samuel Eto’o ne possède aucune des qualités
requises pour occuper cette fonction, bien au contraire : diviseur,
arrogant, individualiste, tape-à-l’œil, désobéissant et se croyant tout
permis, c’est un véritable repoussoir pour n’importe quel aspirant
entraîneur. Pas pour Le Guen, pour le plus grand malheur des Lions. Un
homme qui est capable de se planter à ce point quand il s’agit
d’identifier la personne la mieux à même d’assurer la cohésion de
l’équipe et qui est incapable de faire la différence entre une star et
un leader d’hommes ne mérite pas de se voir confier la gestion de
l’équipe africaine la mieux placée au classement FIFA au moment de son
arrivée. David Beckham celle de l’Angleterre sans en être le primus
inter pares. Roger Milla a été la star de l’équipe du Cameroun sans
qu’on n’ait jamais pensé à lui remettre le brassard ; Lionel Messi est
assurément celle du FC Barcelone sans qu’il vienne à l’idée de Pep
Guardiola de lui confier le capitanat à la place de Carlos Puyol…
Coutumier du fait, il retombe dans ses travers naturels et ne prend pas la peine d’établir une quelconque relation avec les joueurs en dehors de l’attaquant de l’Inter de Milan. Abdiquant de sa fonction, Paul Le Guen sous-traite la gestion de l’équipe à SEF et au très douteux «coordonnateur national» et agent de joueurs et d’entraîneurs Alexandre Ribeiro. Jamais Le Guen n’appelle les joueurs, même pas pour leur expliquer pourquoi il les fera jouer ou non. Symptomatique: c’est par voie de presse que Song apprend qu’il n’est plus capitaine ou que André Bikey découvre qu’il n’est pas sélectionné. Son manque d’autorité légendaire et son inaptitude à construire un relationnel avec l’ensemble de l’équipe sont d’ailleurs les principales raisons de sa mise à la porte des Glasgow Rangers à peine six mois après qu’il ait été engagé. C’est également pour sa gestion défaillante du groupe que les dirigeants du Paris Saint-Germain mettent fin à son contrat en 2009. Pis : Pitoyable manager d’hommes, il n’hésite pas à sacrifier ses joueurs, rejetant la faute des défaites sur eux, pour mieux s’attribuer, sans vergogne et sans avoir l’air d’y toucher, les lauriers des victoires. Flottant comme une laitue de lagune, Paul Le Guen gère son équipe au gré des désirs de Samuel Eto’o, d’Alexandre Ribeiro et de la pression médiatique. Une certaine presse, aux ordres du capitaine, demande la mise au banc de Géremi Njitap et de Rigobert Song ? Aussitôt lu, aussitôt fait. D’autres médias réclament dès le lendemain le retour sur le terrain desdits joueurs ? Comme par magie, les revoilà dans l’équipe. Aucune logique dans ces décisions, juste un manque de stratégie et de conviction à faire passer une girouette pour un pôle de stabilité.
En sus de son manque de discernement et de savoir-faire, Le Guen, véritable mercenaire financier dont les états de service ne justifient pas sa désignation en tant que coach du Cameroun, fait montre d’un dilettantisme flagrant dans l’exécution de la mission qui lui a été confiée. Le Guen voit l’Afrique d’une façon méprisante. Il préfère faire ses piges sur Canal plutôt que parcourir les stades pour observer les joueurs camerounais évoluant en Europe ou dénicher les talents locaux. Dernière frasque en date : le 24 février dernier, il sèche le rassemblement des entraîneurs des équipes nationales qualifiées convoqués à Sun City pour un séminaire de préparation à la Coupe du Monde, choisissant plutôt de commenter le match de Champions League Inter de Milan contre Chelsea. Il impose son acolyte Yves Colleu, au curriculum inexistant, comme entraîneur adjoint de l’équipe nationale, poste que ce dernier met surtout à profit pour laisser libre cours à ses pulsions sexuelles incontrôlables, comme en attestent les différents comptes rendus des journalistes et fonctionnaires présents lors des déplacements de l’équipe nationale.
Véritable funambule de la faute lourde, Paul Le Guen ne se distingue pas seulement par sa gestion hasardeuse et immorale de l’équipe nationale, mais également par l’irrévérence dont il fait preuve à l’égard du peuple camerounais tout entier. Il a ainsi annoncé tout de go que la Coupe d’Afrique des Nations n’était pas un objectif majeur pour lui. Puis, pour justifier la préparation bâclée des Lions indomptables, réduite à 5 jours alors que la FIFA mettait une période de 14 jours à la disposition des équipes qualifiées pour la CAN, Paul Le Guen a tranquillement expliqué qu’il a tenu compte des desideratas des clubs européens qui rechignaient à libérer leurs joueurs. Laissant en plan les journalistes camerounais couvrant la CAN, il s’est rendu auprès des ses collègues de Canal+ pour donner des interviews. En revenant d’Angola, il a, lors d’une conférence de presse, dit aux Camerounais de cesser de rêver en imaginant que leur équipe nationale pourrait aller loin au Mondial. «Et pourtant, les Lions indomptables ont déjà fait d’admirables exploits à la Coupe du monde : en 1982, ils ont tenu en échec l’Italie, qui a finalement remporté le trophée. En 1990, ils ont dominé et failli sortir l’Angleterre en quart de finale. Venir dire à ces Camerounais, vingt ans plus tard, qu’ils rêvent en visant mieux est, quelque part, insupportable», dixit Jean Baptiste Placca, chroniqueur sur RFI. En plein commentaire du match Inter-Chelsea il y a quelques jours, il a affirmé en live n’être pas entièrement focalisé sur la Coupe du Monde. Les mots ont un sens et pourtant, jusqu’ici, tout cela est demeuré sans conséquence.
Mais qu’est qui peut donc justifier qu’il ne soit pas mis fin aux dérives de Paul Le Guen et de Samuel Eto’o Fils ? Il est évident qu’ils n’ont pu prospérer avec autant de célérité sans la protection d’un homme, installé par les textes en vigueur au Cameroun, au sommet de la hiérarchie des Lions : le ministre des Sports et de l’Education Physique.
«Celui qui accepte le mal sans lutter contre lui coopère avec lui» (Martin Luther King)
Son nom est Michel Zoah, il a été nommé à son poste le 30 juin 2009 et
il est le troisième membre de la trinité fatale qui tire inexorablement
les Lions au plus profond de l’abîme. L’on pourrait penser que, du fait
qu’il ait été nommé assez récemment, il doit être exonéré des reproches
que l’on est tenté de lui adresser. Loin s’en faut ! Il a posé une
série d’actes qui engagent directement sa responsabilité et dont il est
comptable devant le peuple camerounais.
Le premier est la nomination de Paul Le Guen suivie de celle
d’Alexandre Ribeiro. Il est indispensable que le ministre rende publics
les critères à la base du recrutement de Paul Le Guen, le contenu de sa
fiche de poste ainsi que les objectifs qui lui ont été assignés. La
Côte d’Ivoire a mis fin samedi au contrat du sélectionneur des
Eléphants Vahid Halilhodzic «parce que l'un des objectifs qui lui ont
été fixés n'a pas été atteint : celui de remporter la Coupe d'Afrique
des nations 2010», selon le président de la Fédération Ivoirienne de
Football Jacques Anouma. Ceci laisse pensif quand on considère que le
sélectionneur des Lions indomptables est toujours en poste, non
seulement après que son équipe eut été éliminée en quart de finale,
mais également après avoir clamé le peu de cas qu’il faisait de la
compétition reine africaine et exprimé son sarcasme au vu des ambitions
des Camerounais pour le Mondial sud africain.
Il serait aussi intéressant que monsieur Zoah explique le rationnel derrière la désignation d’Alexandre Ribeiro au poste de «coordonnateur sportif» de l’équipe nationale, en charge de la réservation des hôtels, de la préparation des voyages, mais aussi des relations entre les joueurs, la Fécafoot et le ministère des sports et – cela ne s’invente pas –, des relations entre les entraîneurs et les joueurs ! Le Cameroun doit être le seul pays au monde qui a besoin d’un intermédiaire expatrié portugais pour faire la liaison entre les entraîneurs et les joueurs ! Rocambolesque mais vrai. Cependant, étant donné que les salaires faramineux de tous ces individus sont payés avec l’argent des contribuables camerounais, nous avons parfaitement le droit d’exiger des comptes à celui qui a embauché ces touristes prédateurs en manque de résultats et qui continue de nous les imposer. Comme le dit si bien Jean Baptiste Placca : «Les dirigeants du football camerounais devraient s’expliquer. Et puis, sans vouloir être désagréable, si le Cameroun ne peut vraiment prendre que des entraîneurs à mi-temps, autant aller chercher José Mourinho, Pep Guardiola ou Arsène Wenger.»
Le deuxième fait qui doit être reproché au ministre des Sports est de tomber dans les mêmes travers que la plupart de ses prédécesseurs. Non content de se transformer lui aussi en ministre des Lions indomptables, il se montre incapable de stopper les comportements déviants mis à jour par les acteurs clé de ce vaudeville, en dépit du fait qu’il ait été aux premières loges tout au long du court séjour de l’équipe en Angola. Lui moins que tout autre ne peut prétendre ignorer l’atmosphère malsaine qui règne dans la taverne à cause de Samuel Eto’o Fils. Il ne peut ignorer la gestion calamiteuse de l’équipe par le trio Le Guen, Colleu, Ribeiro. Il ne peut ignorer le mépris dont fait l’objet le seul membre camerounais du staff technique, mis à l’écart non seulement dans le cadre de son travail mais également lors des diners et des activités extra sportives. Alors que le monde entier vient de célébrer le vingtième anniversaire de la libération de Nelson Mandela, cette attitude ségrégationniste est d’autant plus honteuse et inacceptable. Il ne peut ignorer la voyoucratie et les magouilles qui entourent la sélection des joueurs. Il ne peut pas ne pas être au courant de l’amateurisme avec lequel Le Guen a géré l’affaire Matip ou la désignation des joueurs locaux pour participer au match amical contre l’Italie.
Qui ne dit mot consent. Celui qui ne combat pas le mal coopère avec lui. Tout ce qui se passe actuellement au sein et autour des Lions indomptables ternit durablement l’image de notre pays. Il faudra que monsieur Zoah nous explique sa passivité coupable face à toutes les dérives constatées et encouragées par son silence. Mais surtout, il faut qu’il sache que nul autre que lui ne sera tenu responsable de la répugnance de la nouvelle génération à venir jouer avec les Lions. Comment vouloir attirer des talents comme Eric Choupo-Moting, Marcel Ndjeng, David Ngog, Joël Matip lorsque le spectacle qui leur est offert est celui de la célébration de la gabegie, du favoritisme, de la perversion et de l’incompétence?
La troisième faute du ministre est peut-être la plus grave. Comment ne pas être sidéré lorsque l’on constate qu’en tant que tutelle, au lieu de taper du poing sur la table pour faire cesser les nuisances de Samuel Eto’o, le dilettantisme de Paul le Guen, les turpitudes d’Yves Colleu et les prédations financières d’une sangsue comme Alexandre Ribeiro, il se rend complice de leurs agissements en les soutenant dans une démarche contestable et contestée : le haro sur les icônes nationales et la mise à mal de la carrière et de la réputation des certains des plus valeureux Lions que le Cameroun ait produit.
Le limogeage de Thomas Nkono de son poste d’entraineur des gardiens, décidé par monsieur Zoah et pour lequel aucune explication officielle n’a été fournie à ce jour, ne passe pas. L’opinion camerounaise a le droit de savoir pourquoi il a été mis fin aussi brutalement à la carrière de cet homme. La façon dont est traité Roger Milla, qui est dénigré et indexé par un Samuel Eto’o revanchard et complexé en présence des plus hautes autorités camerounaises, est insultante. Sur quels états de services Eto’o se fonde-t-il pour exiger et obtenir que Roger Milla, par ailleurs ambassadeur itinérant auprès de la présidence de la République, soit tenu à distance de la tanière des Lions ? Si SEF est indisposé par la présence de Roger Milla, libre à lui de ne plus participer aux excursions de l’équipe nationale, tant il est démontré qu’entre ces deux personnes, celle qui mériterait d’être mise de côté est bel et bien l’avant-centre de l’Internazionale Milano.
Last but not least, la goutte d’eau qui fait déborder le vase est le traitement réservé à Rigobert Song depuis l’arrivée de Michel Zoah et Paul Le Guen aux commandes de l’équipe nationale. La mise à l’écart de l’ancien capitaine est d’autant plus grave qu’elle ne répond à aucune logique sportive. La méthode utilisée vise non seulement à casser le moral de celui qui restera pour très longtemps encore le plus emblématique capitaine que le Cameroun ait connu, mais également à l’humilier et à le ridiculiser. En foot, on rate des penaltys, des passes, des tacles, des tirs. Mais on ne condamne pas quelqu’un sur une action ou un fait de jeu. On juge l’ensemble de la prestation. Pendant la dernière CAN, Rigobert Song a, comme d’autres, fait une erreur que seuls ceux qui sont assis en croisant les jambes n’ont jamais commise. Puis il a continué son match sans gamberger, prouvant par là sa force mentale et son professionnalisme. En quoi l’erreur de Song diffère-t-elle de celle de Chedjou?
Qui peut croire, comme se plait à le raconter Eto’o Fils, que Rigobert Song aurait souri de satisfaction dans les vestiaires après la défaite des Lions contre les Egyptiens le 25 janvier 2010 ? Ce mensonge est aussi gros que celui qu’il servit à la presse étrangère en 2006 pour jeter l’opprobre sur Womé Nlend et tenter de dissimuler ses propres défaillances. Il y a des signes qui ne trompent personne : vers qui Achille Emana se précipite-t-il pour célébrer son but contre les Pharaons ? Rigobert Song. Qui bondit sur l’arbitre pour contester la validité du but accordé aux Egyptiens? Rigobert Song. Vers qui se tourne la jeune garde à la recherche de motivation, d’encouragement, de sérénité et d’assurance ? Rigobert Song.
La présence de celui qu’une certaine presse qualifie péjorativement de « vieux » Lion est encore tout aussi indispensable sur l’aire de jeu qu’en dehors du terrain. Parce que personne mieux que lui ne peut transmettre l’esprit Lion aux jeunes et aux nouveaux venus. L’esprit Lion, ce moteur, ces valeurs qui constituent la colonne vertébrale de l’équipe, cette force mentale qui est enviée aux Camerounais partout et par tous à travers le monde. Sur qui devons-nous compter pour ancrer le Lion Fighting Spirit auquel se réfère jusqu’au chef de l’Etat dans la tête, la peau, le corps de la relève ? Sur un staff technique complètement étranger qui ne connaît rien au Cameroun et ne cache pas le peu de cas qu’il fait de tout cela ? Sur un Samuel Eto’o que des délires narcissiques amènent à se considérer comme le cadeau de Dieu au monde, qui ne connaissant d’autre motivateur que l’argent, distribue à grand renfort de tintamarre médiatique des montres de 33000 euros à ses coéquipiers qu’il veut, par la même occasion transformer en vitrines publicitaires ambulantes pour sa marque de breloques ? Sur des gens qui font figuration sur le terrain et qui considèrent que le plus important, ce n’est pas le Cameroun, mais c’est eux-mêmes et que le pays leur doit reconnaissance parce qu’ils daignent s’abaisser à venir jouer dans l’équipe nationale ? Ou sur des gens comme Rigobert Song, à qui personne ne peut reprocher de n’avoir pas toujours tout donné pour le Cameroun, qui ont toujours répondu présent à tous les matches des Lions, quelque soit l’insignifiance supposée de l’adversaire, qui ont cultivé l’amour du maillot et continuent de démontrer leur patriotisme à tout épreuve en construisant un socle de concertation et de fierté pour ceux qui revêtent les couleurs nationales ? Sur des gens qui ont joué, parfois même sans percevoir leurs primes, parce que l’intérêt national primait ? Sur des gens qui sont morts au terrain pour défendre jusqu’au bout les couleurs du Cameroun, comme Marc Vivien Foé ?
La non-sélection de Rigobert Song Bahanag dans l’équipe chargée de défendre les couleurs du Cameroun au Mondial sud africain n’est pas envisageable. Sans lui, ce ne sont pas les Lions indomptables qui participeront au tournoi, mais 23 individus juxtaposés, désorientés et sans ossature. Tolérer, voire entériner le traitement fait aux valeureux soldats que sont Milla, Song, Njitap n’est pas acceptable et constitue une insulte faite à tous les Camerounais. Le ministre Michel Zoah doit mieux que quiconque savoir que les Lions ont bien existé avant Samuel Eto’o et Paul Le Guen, et existeront toujours après le départ de ceux-ci. Peut-être mieux d’ailleurs. De la même façon qu’il incombe aux responsables politiques comme lui d’assurer la continuité de l’Etat dans l’exercice de leurs fonctions et lors de remaniements ministériels, de la même manière il est attendu qu’il mette tout en œuvre pour garantir la continuité de l’esprit Lions lors des mutations que l’équipe nationale est appelée à traverser. Cela ne peut se faire en l’absence de Rigobert Song et dans une moindre mesure de Géremi Njitap. Au lieu de servir de caisse de résonance aux manigances, le ministre Michel Zoah serait bien inspiré de prendre ses distances et mettre fin à l’usurpation et au désordre. Avant que la sourde révolte qui gronde au sein des Lions et de l’opinion publique camerounaise ne se transforme en tsunami de contestations.