Cameroun : Le tabou des généraux
Cameroun : Le tabou des généraux
Il est difficile de ne pas applaudir Paul Biya lorsque, de manière aussi inhabituelle, il passe de la parole aux actes.
Deux semaines auront en effet suffi pour que le
chef de l'Etat, chef supérieur des armées, réalise, au moins en partie,
une promesse tenue à Bamenda lors de la grande parade des 50 ans de
l'armée camerounaise. En partie seulement donc, parce que les chantiers
demeurent nombreux, comme relevé dans le papier ci contre.
Mais les deux problèmes fondamentaux de l'armée camerounaise sont
devenus un tabou et n'ont à aucun moment été abordés, ni en
déclarations, ni en promesses. Ils concernent d'une part la gouvernance
financière au sein de l'armée et d'autre part le tabou de l'âge à la
retraite des généraux.
Sur le premier point, il est toujours intéressant d'apprécier, à divers degrés et de manière souvent controversée, comment se gère en ce moment l'opération dite «Epervier», supposées épingler les gestionnaires indélicats de la fortune publique. Cela prête souvent à sourire lorsqu'on se rend compte que, à aucun moment, les responsables du ministère de la Défense ne sont concernés, quand bien même les scandales financiers, notamment autour de la gestion du budget de la présence des troupes camerounaises à Bakassi, des trafics divers autour du carburant de l'armée ou encore des micmacs des réseaux de faux bulletins de salaires qui n'a pas épargné le personnel de la garde présidentielle. Les hauts gradés sont toujours au centre de tout, font souffrir la troupe qui n'a même plus de voix pour pleurer. Et le chef suprême, comme dans un pacte secret, ferme les yeux.
C'est probablement un autre pacte qui le lie aux officiers généraux. Pour la plus part atteints depuis longtemps par la limite d'âge de départ à la retraite, ils semblent ne même plus avoir besoin de prorogations légales de leur activité, une loi non écrite les ayant rassuré, manifestement, que seule la mort les ôtera à cette fonction. Une spécificité bien camerounaise, dont on se demande le problème qu'elle règle, quand on se rend compte, par exemple, que l'actuel chancelier des ordres nationaux de Côte d'Ivoire, général à la retraite, a quitté le corps il y a six ans et affirme qu'il était le cadet de plusieurs années de plusieurs de nos généraux toujours en poste.
Cela créé d'énormes frustrations, connues du chef suprême des forces armées, de la part des officiers dont le «point terminal» est le grade de colonel d'où ils partent à la retraite, très souvent sans aucune rallonge d'activité alors que pour la plupart, ils ne manquent ni de mérite, ni de bravoure. Etonnant de la part du chef de l'Etat qui, peu après son accession à la magistrature suprême, rappelait au cours d'un discours à Yaoundé que la retraite ne devrait en aucun cas être considérée comme une sanction. Qu'est ce qui empêcherait par exemple la rotation au grade de général si ceux qu'on considère comme les plus méritants sont utilisés à d'autres tâches, civiles cette fois, comme ce général ivoirien cité plus haut ω C'est une grosse épine qui, tant qu'elle n'aura pas été extraite du pied de la Grande Muette, affectera toujours les autres réformes, souvent importantes par ailleurs.