Cameroun: Le RDPC doit-il mettre Paul Biya à la retraite? Le peut-il?
Dans son discours à la jeunesse camerounaise, il insiste une de fois de plus sur l’importance du changement, donc de l’alternance. Mais comment se fait-il qu’aujourd’hui, lui-même à peur de l’appliquer? À quand la retraite de notre président?
Le président Paul Biya a présidé sa 26ème fête de
la jeunesse depuis qu’il est chef de l’État. Dans son 26ème discours
aux fers de lance de la nation, il a évoqué le changement en
s’adressant aux jeunes en ces termes : «Chers jeunes compatriotes, l’an
dernier à la même époque, je vous invitais à prendre conscience des
changements fondamentaux en cours dans le monde, changements qui
façonneront le 21ème siècle, et je vous encourageais à vous y préparer
afin de saisir les opportunités qui ne manqueraient pas de se
présenter. J’ajoutais cependant que la complexité du phénomène en
rendait l’évolution difficile à analyser et les effets imprévisibles.
Je ne savais pas si bien dire».
On se souvient aussi qu’au lendemain de l’assermentation du président
Barack Obama, son homologue Camerounais, Paul Biya, s’était empressé de
lui adresser une lettre de félicitation tout en reconnaissant le
caractère historique de son élection. Or, depuis 1982, année où Paul
Biya accéda au pouvoir sans effort, il a vu arriver à la Maison Blanche
5 différents présidents américains grâce aux changements. Il s’agit de
Ronald Reagan, George Bush (père), Bill Clinton, George W. Bush (fils)
et Barack Obama. Qui plus est, le président Obama, âgé aujourd’hui de
48 ans seulement, qui à la limite pourrait être son fils, n’aurait
jamais espéré être président s’il était au Cameroun. Il n’avait que 21
ans quand Biya pris le pouvoir. À quand la retraite de notre président?
Généralement quand on parle de prendre sa retraite, on voit tout de
suite la vieillesse, on pense à une sanction. Pourtant, le Président
Paul Biya dans son discours à l’Assemblée nationale le 20 juin 1987,
reconnaissait très bien que : « La retraite n’est pas une sanction,
c’est l’aboutissement normal d’une carrière passée au service de
l’État; elle correspond à une aspiration légitime au repos.» M. Biya
précisait ainsi et de façon on ne peut plus claire que personne ne
devrait être angoissée de prendre sa retraite. Dans son discours à la
jeunesse camerounaise, il insiste une fois de plus sur l’importance du
changement, donc de l’alternance. Mais comment se fait-il
qu’aujourd’hui, lui-même à peur de l’appliquer? Pourquoi ne veut-il pas
y souscrire?
La retraite est souvent associée à tort à la vieillesse. Parler de
vieillesse est délicat. Surtout parce qu'il est émotif et peut causer
de la peine. De plus il fait bien plus référence aux passions qu'à la
raison. Ce qui n'empêche pas d'avoir une opinion, car parler de la
retraite de nos dirigeants ne devrait pas être un tabou. Au contraire
il devrait même faire partie des discussions dans la cité. Ceux qui
prennent leur retraite devraient être fiers, dénotés des sentiments qui
commandent le respect, l’admiration pour avoir servi leur pays. Abdou
Diouf, qui prit le pouvoir au Sénégal (1981) presque à la même période
que Paul Biya (1982), Matthieu Kerekou, Alpha Oumar konaré et Obansadjo
sont des exemples de chefs d’État qui ont pris leur retraite. Ces
ex-présidents ne considèrent pas leur retraite comme synonyme
d’invalidité ou comme des personnes ayant raté leur carrière, ni comme
des vieux. Tout simplement la retraite devrait signifier un changement.
Et comme disait l’ex Président de la commission de l’UA, Alpha Oumar
konaré : «on ne peut pas vivre notre jeunesse et vivre aussi la
jeunesse de nos enfants à leur place». La retraite est un processus
normale, si on est vieux c’est parce qu’on a été jeune. Pourquoi ne pas
céder la place aux jeunes?
C’est vrai, personne ne veut s’aventurer sur la retraite par décence et
surtout parce que l’immense majorité des êtres humains, que nous
sommes, accueillons l’âge d'or dans la peur de ne plus jouir de
certains avantages dus à l’exercice de notre métier. C’est donc un
black out total. Pourtant, nous devons en parler pour mieux apprécier
l'expérience accumulée au cours d'une vie entière et aussi comprendre
une part de notre être. Si nous acceptons l’âge mature pour être
candidat à une élection présidentielle, c’est parce qu’il s’oppose à un
certain âge virtuel dont nous devons prendre le risque d’en parler. Il
s’agit de l’âge de la retraite de ceux qui nous dirigent. D’autant plus
que si la constitution a pensé bon de limiter l’âge minimum pour
postuler aux fonctions de chef d’État, elle ne dit mot, par contre, de
l’âge maximum pour ne plus être candidat ou pour ne plus être apte à
exercer des fonctions de président de la république.
Reconnaissons d’emblée qu’il est destructif de classer les gens selon
leur âge, leur race, leur sexe ou leur religion. Cependant il est utile
de reconnaître avec Les politiques de l’âge dans L’Homme 2003- 3/4 (n°
167-168) et la classification de Isidore de Séville ou de saint
Augustin qu’on a généralement l’enfance jusqu’à 7 ans, la puberté de 7
à 14 ans, l’adolescence de 14 à 28 ans, la jeunesse de 28 à 49 ans, la
maturité jusqu’à 70 ans et la vieillesse au-delà avec des risques de
maladie. À ce sujet, certaines pratiques enracinées dans notre société
reposent sur cette façon d’organiser les activités des citoyens.
C’est ainsi qu’on peut citer à titre d’exemple l’âge de la retraite
obligatoire. Chaque pays a fixé un certain âge pour libérer ses
citoyens de la dure nécessité de travailler après un certain âge. On ne
peut pas vivre et travailler à la place de ses enfants, voir même de
ses petits enfants. Cependant, il n’y a aucune disposition qui oblige
nos gouvernants à quitter leurs fonctions après un certain âge.
Pourtant, ces mêmes pays ont établi l’âge minimum pour se porter
candidat à la magistrature suprême.
Certains pays Africains, soucieux du bon fonctionnement de la
démocratie et du bien fondé des idées nouvelles, résultats de
l’alternance à la tête du pays, ont enchâssé dans leur loi fondamentale
un âge limite pour être candidat à la présidence de la république.
C’est ainsi que le Bénin dans l’article 44 de sa Constitution a fixé à
70 ans l’âge maximum pour se porter ou pour se représenter candidat à
la présidence de la République. Cette asymptote horizontale a poussé
Matthieu Kerekou à se retirer, alors que Nicéphore Dieudonné Soglo,
candidat emblématique de l’opposition, frappé par la limite d’âge, est
passé à autre chose. Comme quoi le Bénin n’est pas tombé dans un chaos
avec le départ à la retraite de Matthieu Kerekou et de Nicéphore Soglo.
C’est aussi bien cela le changement.
Par contre, dans d’autres pays Africains, le ridicule ne tue pas. Tout
comme M. Biya Paul, qui en 1987 reconnaissait les biens faits de la
retraite mais qui aujourd’hui refuse de se retirer, M. Konan Henry
Bédier, à 75 ans bien sonnés le 5 mai prochain, se porte candidat à la
prochaine présidentielle en Côte d’Ivoire. Pourtant dans une entrevue
accordée à Jeune Afrique Économie en 1998, cet ex président de Côte
d’Ivoire, estimait qu’à 75 ans, un dirigeant a atteint la limite d’âge
et ne peut donc plus être aux commandes de la destinée d’une nation
moderne. Le président Bédier comprenait très bien et de façon assez
sage, qu’à l’âge d’or, on doit être à la retraite et profiter de la
vie. Dans certains pays occidentaux, 75 ans constituent l’âge de la
retraite obligatoire du sénat.
Au Cameroun, la Constitution en son article 6 limite à 35 ans l’âge
minimum pour être candidat à la présidence de la république. Par
contre elle ne prévoit rien pour encadrer l’âge maximum pour ne plus
être aspirant. Voilà pourquoi il est tout à fait légal qu’un candidat
se présente même s’il a atteint l’âge d’or.
Aujourd’hui, passé 34 ans, on est considéré trop âgé au Cameroun pour
concourir à un premier poste permanent à la fonction publique. Aussi, à
55 ans, vous êtes trop vieux pour continuer à occuper certains emplois
à la fonction publique. Et selon la formule couramment utilisée, « vous
êtes alors appelé à faire valoir vos droits à la retraite ». Par
contre, il n’en est rien pour ceux qui nous gouvernent. Ils peuvent
être ministre toute leur vie, ils peuvent être ambassadeur toute leur
vie, ils peuvent être président toute leur vie. C’est une situation de
deux poids deux mesures. Le système biologique d’un président est-il si
différent de celui d’un fonctionnaire? Allez donc savoir. Cette faille
est aussi une des raisons pour lesquelles bons nombres de nos
dirigeants s’éternisent à leur poste. Situation en contradiction avec
certaines pratiques.
Ce qui, parfois malheureusement, pousse certains prétendants à la tête
du pays, las d’attendre leurs tours, à recourir à des moyens non
démocratiques pour chasser des dictateurs du pouvoir. C’est ainsi que
le maréchal Mubutu fut chassé du pouvoir par Kabila père. Montrant aux
yeux du monde une armée Zaïroise faible alors qu’on croyait solide.
Finalement les seuls succès qu’on lui reconnait restent sa capacité
légendaire à chicoter et à tirer à balle réelle souvent sur ses propres
concitoyens pour protéger un dictateur en péril. Depuis lors, le Zaïre
devenu RDC ne s’en remet pas.
En Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny est mort au pouvoir. Son
départ, bien que attendu, a soulevé l’appétit de tous ceux qui
attendaient leur tour. On connaît la suite. Ce pays est depuis 10 ans
toujours en situation de ni paix, ni guerre.
En Guinée Conakry, les militaires ont du prendre le pouvoir après la
mort de Lansana Conté, qu’on savait très malade depuis des années. Le
Jeune capitaine Dadis, s’est facilement emparé du pouvoir face à un
gouvernement pris de peur et mal préparé pour succéder à un dictateur
mort.
Au Togo, on a accusé, à tord ou à raison, une main étrangère d’avoir
imposé Faure Eyadema pour remplacer son père, décédé subitement,
bafouant ainsi la constitution togolaise. Solution salutaire pour
certains Gabonais qui peaufinent la recette togolaise pour remplacer
Bongo. Il est clair aujourd’hui que Bongo ne bougera pas de lui-même.
En tout cas pas par les urnes. Selon certains Gabonais, son fils serait
déjà prêt au cas où. Et la dynastie Bongo s’installera pour toujours au
Gabon.
Au Cameroun, il existe un flou artistique entretenu par Monsieur Biya
au pouvoir depuis bientôt 30 ans. Pourtant la Constitution de 1996 en
son article 6 dit clairement qu’en cas de vacance du Président de la
République pour cause de décès, de démission ou d’empêchement définitif
constaté par le Conseil constitutionnel, la présidence du pays est
assurée par le Président du Sénat ou son suppléant.
Or, la création du Sénat avait été prévue depuis la révision
constitutionnelle de 1996. 13 ans plus tard, rien n’est fait. Quand M.
Biya parle d’inertie, il semble souvent s’exclure de ce lot. Alors
qu’il en est un champion. À la limite c’est même de la paresse. Ainsi
donc bien malin qui peut prévoir ce qui adviendrait au Cameroun
aujourd’hui si une situation brusque nécessitait un changement à la
tête du pays.
Et pour cause, beaucoup d’encres et de salives coulent actuellement
sur la possible succession à la tête du Cameroun. Il y a eu d’abord une
nébuleuse G11. Curieusement, ses soit disant membres semblaient ne pas
avoir que les mêmes ambitions. Ils avaient aussi en commun leurs âges.
Ils sont presque tous dans la cinquantaine comme Edzoa Titus au moment
de son arrestation en 1997. L’âge du pragmatisme, l’âge où on passe du
rêve à l’action. Donc apte à prendre la relève. Une bonne partie de
l’opinion publique s’entête mordicus à reconnaître que c’est cet
appétit pour le pouvoir qui les a coulé. Puisque, argumentent-ils,
détourner les deniers publics ne date pas d’hier au Cameroun. Mais tout
s’est refermé avec la mise hors d’état de nuire des principaux acteurs.
Finalement, ils se sont retrouvés en prison pour différents
détournements de biens publics comme Edzoa Titus, 63 ans aujourd’hui.
Reconnu coupable de détournement et condamné à 15 ans d’emprisonnement
ferme en 1997. Il a déjà purgé 12 ans et devrait recouvrer sa liberté
dans 3 ans. Seulement il n’est pas au bout de ses peines car il serait
accusé d’une autre affaire de détournement de 63 milliards. Ces
milliards que les Camerounais attendent toujours qu’ils soient
récupérés un jour. Malgré toutes ces accusations, une bonne partie de
l’opinion publique continue à croire que c’est sa candidature à la
présidentielle qui avait motivée son arrestation puisque son
arrestation avait suivi de peu l’annonce de sa candidature à la
présidentielle d’octobre 1997 contre le président sortant, Paul Biya.
Dans cette volonté de changement, les camerounais parlent aussi du rôle
que pourrait jouer l’armée en cas de vacance de pouvoir. Les partisans
de la ligne dure espèrent que comme Dadis en Guinée Conakry, un jeune
vaillant capitaine pourrait prendre rapidement le pouvoir. Question de
stabiliser le pays, neutraliser les appétits des uns et des autres,
avant d’organiser des élections démocratiques. La tâche, comme il se
discute souvent dans les milieux bien avertis, ne serait pas facile car
l’armée serait très divisée. Qui plus est, le soit disant courageux
capitaine devra parvenir à convaincre la garde présidentielle et
persuader également ses supérieurs de prendre leur retraite. Puisque le
président Biya lui-même semble avoir laissé la tâche de mise à la
retraite des généraux à son futur successeur.
Pour le moment, les urnes restent le seul moyen qu’ont les Camerounais pour décider du vrai changement, celui de