Cameroun: le mensonge n’avait que trop duré
Cameroun: le mensonge n’avait que trop duré
Après que le Cameroun a «miraculeusement» obtenu sa qualification pour la Can et le Mondial 2010, tout le monde a applaudi. Soutenant mordicus que Dieu est Camerounais. Que Le Guen qui n’avait jamais auparavant coacher une équipe nationale, était le meilleur entraîneur que le pays de Roger Milla n’avait jamais connu. Que Michel Zoah était le meilleur ministre de Biya. La vérité est que la Fifa qui organise pour la première fois, une coupe du monde sur les terres africaines, avait décidé de donner un coup de pousse aux Lions du Cameroun. Résultat, avec une équipe pas très jambe et minée par des guerres intestines de toutes sortes, avec un entraîneur brouillon, avec une fédé mafieuse et un ministre des Sports sans personnalité, notre pays s’est qualifié. Passons.
S’il est néanmoins une surface sur laquelle les Camerounais ne reculeraient devant aucun sacrifice, c’est le football. S’il est un facteur de rassemblement à nul autre pareil, celui qui réunit les compatriotes de tous les horizons et de toutes les familles politiques ou religieuses, c’est encore le football. Le coup de cœur de 1990 et dont l’argent avait disparu entre les avions, reste si présent dans les esprits. On l’a encore vu samedi 19 juin à Pretoria en Afrique du Sud. Les Camerounais sont restés accrochés qui à son poste récepteur, qui à son téléviseur, pour soutenir contre vents et marées, leur sélection nationale. Une fois de plus, les compatriotes de tous bords ont tu, le temps de quelques matches, leurs divergences pour faire bloc derrière leurs ambassadeurs. Jusqu’à ce jour et malgré leur sortie honteuse de la compétition, les Camerounais ont bien du mal, à ne pas parler football.
Les succès que les Lions Indomptables ont engrangés dans les stades d’Afrique et du monde ont largement contribué à renforcer une unité nationale mise à mal du fait des contingences sociopolitiques, et qui continue désespérément de se chercher. A ce titre, il n’est pas exagéré de dire que l’équipe nationale est la face visible de l’iceberg, cet arbre qui cache la forêt. Bon nombre d’étrangers, y compris les grands hommes d’Etat de la planète, ne connaissent curieusement du Cameroun que les Lions Indomptables. Et pourtant, que de problèmes sous ce maquillage artificiel ! Les victoires des sélections camerounaises ont été tellement éclatantes à un moment qu’elles nous ont souvent fait oublier la grisaille quotidienne d’une indigence galopante, d’un chômage sans cesse croissant, vecteur du grand banditisme sous toutes ses formes. Les succès glanés ici et là ont donc fini par reléguer au second plan, la baisse du niveau de vie des populations qui recasent, l’instant d’une victoire, la misère de leur sort, le football étant devenu l’opium du peuple camerounais. Seulement, le bât blesse lorsque, l’on se rend compte qu’après environ trois décennies de domination continentale, après près de trois décennies de hautes recettes glanées, après tant d’années de triomphe et de célébrité à l’échelle planétaire, le Cameroun n’a pas investi un seul centime pour le développement des infrastructures sportives. Le Cameroun n’a fait aucun effort comme le Ghana, l’Egypte, l’Algérie et bien d’autres pays d’Afrique, à penser l’avenir de son foot. Le pays de Paul Biya ne dispose plus d’un seul stade digne de ce nom. Les trois qui existent à Yaoundé, Douala et Garoua ou ce qui en tient lieu, ont fait leur temps. Ils ont été construits par un régime qui n’a pas eu le bonheur de cueillir les fleurs de ses sacrifices. Un régime qui a tout de même le mérite d’avoir une coupe d’Afrique des nations en 1972. A une époque où le football ne rapportait rien ou presque sur le plan financier.
Où vont donc les subventions de la Fifa ?
Où vont les primes de participation aux phases finales de coupes du monde ?
Pourquoi l’Etat qui aime tant à citer à tout vent les Lions indomptables en exemple, ne s’investit-il pas à construire notre foot, plutôt que de miser à chaque fois sur des fards artificiels qu’on ne découvre que lors d’une Can ou d’un Mondial ?
Il est par ailleurs regrettable de constater que les recettes générées par les impôts des pauvres Camerounais, atterrissent directement dans les poches de quelques rapaces qui travaillent à tout, sauf à la construction du football dont ils se servent pourtant au propre et figuré. Entres les imposteurs de la Fecafoot qui ont pris en otage notre football et les opportunistes invétérés du ministère des Sports et de la Primature, le peuple camerounais, visiblement impuissant face à ces forces du mal, semblent se résigner. Entre-temps, notre foot se meurt. Lentement. Et sûrement.
© La Météo : Dieudonné Mveng