Cameroun. Le malheur de Maurice Kamto
Le départ du gouvernement de cet universitaire, à un moment qui lui était le plus défavorable, ne polit guère son image auprès d’une opinion désabusée par les politiques. Néanmoins, Maurice Kamto doit pouvoir construire une offre politique crédible.
A l’évidence, la démarche de Maurice Kamto, qui a choisi de quitter le gouvernement et de dessiner dans la foulée son projet politique, ne rencontre pas la même adhésion que celle de Garga Haman Adji, en 1992.
Cela tient pour l’essentiel à un timing que beaucoup assimilent à une action de la 25e heure, pour parodier le titre du romancier Virgil Georghiu. Pour montrer combien il restait attaché à ses principes qui l’avaient déjà conduit dans les rangs de l’opposition dans les années 1990, Maurice Kamto aurait pu choisir un timing plus conséquent. Comme le souligne Sismondi Barlev Bidjocka, que n’a-t-il pas décidé de s’en aller en 2008, lorsqu’une double conjonction d’évènements, émeutes de février et révision constitutionnelle, lui en donnaient l’opportunité ? Tout comme il aurait aussi pu saisir le prétexte de la sortie aux relents tribalistes d’Amadou Ali, alors son patron au Ministère de la Justice, pour rendre son tablier.
Toutes ces occasions manquées exposent Maurice Kamto aux critiques acerbes de certains qui ne veulent le dépeindre qu’en « cynique et opportuniste », notamment dans la classe politique dont le regard à son endroit est inquiet sinon condescendant.
Au vrai, ce n’est pas la compétence de Maurice Kamto qui est mise en cause, mais ce sont davantage ses choix qui le sont. Sans doute, est-il victime de son alliance circonstancielle avec le pouvoir au point qu’il se trouve empêtrée dans le mot de Sartre pour qui « le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Oui, si lui-même ne se voit pas enfer, les autres l’y poussent irrémédiablement. Pour ne pas se retrouver aujourd’hui dans une posture aussi peu avantageuse, Maurice Kamto a eu tort de croire qu’il pouvait impunément aller nager dans les eaux du pouvoir sans se mouiller. Certainement, dans le prolongement de sa contribution avec maestria dans l’affaire Bakassi, il s’est cru investi d’une immunité qui lui garantirait une virginité politique ad vitam aeternam.
Etiqueté d’abord comme intellectuel, la sévérité à son endroit est d’autant plus grande que cette classe est accusée de toutes les compromissions possibles à l’endroit du pouvoir, de sorte qu’elle ne compte plus que pour du beurre.
Maurice Kamto peut il se sortir de cette mauvaise passe ? Il faut bien croire qu’il a des ressources pour, mais il lui faudra bien mouiller le maillot, indiquer clairement une ligne, ne plus s’en détourner, affronter l’adversité comme il l’avait déjà fait dans les années 90, en donnant l’image d’un homme qui refuse de se laisser attendrir par les ors du pouvoir.
Cela pourrait passer par la mise en place d’un parti politique, l’énoncé d’un programme politique cohérent et volontariste, Kamto avait décliné cette approche dans les colonnes de Mutations à la veille de la présidentielle de 2004, la participation aux municipales et législatives. La présidentielle apparaissant alors comme l’aboutissement d’une construction qui aura éprouvée sa solidité au fil des échéances.
Pourtant, à entendre tous les discours tenus à ce jour sur les ambitions politiques de Maurice Kamto, il n’y en a que pour la présidentielle de 2018. S’y tenir uniquement reviendrait à tomber dans les travers du passé, ceux –là même qui ont conduit l’opposition camerounaise dans la déliquescence où elle se trouve aujourd’hui.
Guy Zogo