Cameroun: Le mal vivre des partis politiques dans la région de l'Ouest
Cameroun: Le mal vivre des partis politiques dans la région de l'Ouest
C’est l’argent qui manque le plus...Absence de siège, de moyens financiers et donc d’activités… les responsables locaux accusent la hiérarchie.A Bafoussam, capitale régionale de l’Ouest, on a l’impression que les partis politiques n’existent qu’à l’occasion des grandes manifestations et en période électorale.Ceux des partis politiques qui existent localement sont identifiables par un drapeau ou un panneau implanté chez un membre. Les sièges régionaux ? Juste les plus grands en ont. C’est le cas du Rdpc, du Sdf et de l’Afp.Et il n’est pas courant de trouver un personnel sur place.Si le Rdpc peut avoir la joie d’être doté d’un siège à lui, l’Afp et le Sdf sont en location et sont sans cesse obligés de jouer à un jeu de cache-cache avec les bailleurs, jusqu’au moment où, une partie de la dette de bail, qui s’accroît au fil des années, est épongée. Le problème est là. Les représentations régionales des partis politiques à l’Ouest ont du mal à vivre, faute de moyens financiers. «Le vrai problème c’est le nerf de la guerre», reconnaît de leader d’un parti politique local.
Certains leaders locaux sont d’autant plus désabusés qu’ils estiment que les moyens financiers reçus par le sommet de leur parti ne leur parviennent pas toujours. « C’est par des moyens détournés que nous apprenons que notre parti a reçu, je crois depuis le mois de mars, un quelconque financement de l’Etat. Il faut reconnaître que si cet argent arrive, c’est parce que nous nous sommes battus à la base en cotisant pour participer aux élections, et pour gagner quelques sièges de députés ou avoir au moins 5% de suffrages. C’est un capital qui nous permet non pas de recevoir des bénéfices pour nos poches, mais pour recevoir une partie de cet argent pour nous décharger des énormes cotisations que nous effectuons pour le fonctionnement du parti au niveau local», affirme un militant du Sdf.
Partis politiques : Les élus locaux parlent de leurs difficultés
Serges Siméon Noumba, député Sdf de la Mifi : « Les leaders des partis politiques doivent communiquer sur ce qu’ils perçoivent comme fonds publics, pour leurs partis »
Je voudrais rappeler, pour la petite histoire, que les députés de la sixième législature, dont j’ai fait partie, ont lutté âprement pour que le financement des partis politiques devienne une réalité au Cameroun. Pour ceux qui nous ont vus à Yaoundé, nous avons passé des jours et des jours à braver le soleil et la pluie avec notre écharpe tricolore de député pour demander que les partis politiques soient financés, et chaque fois dans notre marche de revendication, nous étions toujours interrompus au niveau du monument de la réunification à Yaoundé. Une semaine après, la loi est arrivée sur notre table et nous l’avons examinée. Cette loi octroyait un financement en trois rubriques. La rubrique des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, la rubrique des partis politiques ayant obtenu au moins 5% à la dernière consultation électorale et le financement des partis politiques en campagne électorale.
En ce moment précis, nous ne sommes plus, ou du moins pas encore en campagne électorale. Ce sont donc les deux premiers types de financements, c’est-à-dire ceux réservés aux partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, et les partis politiques ayant eu au moins 5% de suffrages aux dernières consultations électorales de 2007, qui sont actuellement versés aux leaders des partis politiques. Mais tout se passe comme si c’était l’argent des beignets qu’on donnait aux leaders des partis politiques, parce qu’ils n’en font même pas large écho, ne serait-ce qu’à leurs proches collaborateurs. Ne parlons pas des militants de la base et du large public camerounais. Nous le savons, dans certains partis politiques, lorsque les gens demandent des comptes, ils écopent du 8.2.
Dans tous les cas, je rappelle à tous que la loi
que nous avons votée a prévu une commission de contrôle. Et moi je le
dis en tant que député, parce que lorsque certains avatars politiques
vont entendre ce que je dis, ils vont dire, qu’est ce qu’il fait avec
l’argent des microprojets qu’il reçoit. C’est dans le même ordre.
Au Cameroun, aucun député ne peut cacher qu’il reçoit 8 millions de
francs chaque année. C’est pour permettre au public et à tous les autres
de contrôler la façon avec laquelle nous dépensons cette somme au
profit du peuple camerounais. Le bilan sera demandé à chaque député le
moment venu. De la même manière, il faut que les leaders des partis
politiques puissent dire au peuple ce qu’ils font avec le financement
qu’ils reçoivent des fonds publics. Et je rappelle, pour la gouverne de
tous, que les partis politiques ont reçu, le 23 mars dernier, un
milliard 500 millions de nos francs. Nous ne demandons pas qu’ils
donnent cette somme au peuple, mais qu’ils l’annoncent et qu’ils mènent,
si possible, des actions sur le terrain. Même si la commission de
contrôle n’est pas en activité, elle existe et cela nous impose de nous
comporter avec clairvoyance.
Nous observons que les leaders des partis politiques choisissent de
manger cet argent sans en rendre compte et s’abstiennent de dire des
choses qui peuvent nuire au régime.
Michel Eclador Pekoua, secrétaire général de la coordination des sections Upc de l’Ouest : « C’est la base qui finance le parti »
Disons que nous à l’Upc Ouest, nous n’avons pas un
siège en tant que tel, mais on a un lieu où les militants se
retrouvent. C’est un bureau qui est en phase d’équipement, juste dans
les locaux de Ouest Echos. Il y a un toit, deux petits bureaux et une
grande salle pour les réunions qui restent encore à être aménagés. Il y a
juste une chaise pour le permanencier qui reçoit les militants de l’Upc
de passage, pour leur donner les dernières informations du parti.
Le siège en tant que tel c’était un peu pour que les militants de
passage puissent s’y arrêter lorsqu’il n’y a pas réunion, afin d’obtenir
les dernières informations du parti. Il y a une coordination régionale
qui possède le contact de tous les dirigeants dans les départements et
ces derniers ont les contacts des militants. Quand il y a des actions à
mener où lorsqu’ils ont une information, on s’appelle mutuellement.
Dans l’ensemble il y a un contact, mais il n’y avait pas un point focal pour les rencontres en permanence. Voila à peu près comment l’Upc fonctionne actuellement. Mais dans chaque département, nous avons des individus qui sont des antennes sans bureau. Il n’y a pas de bureau dans les départements. Pour le financement, l’essentiel des moyens de l’Upc Ouest sont des moyens des mécènes. Quelques sympathisants nous aident pour financer les réunions des conférences régionales qui se déroulent de manière rotative d’un département à l’autre tous les trois mois. Lorsqu’il y a ce genre de réunions, nous faisons des collectes pour faire marcher le parti. Ceux qui sont plus fortunés apportent plus que ceux qui sont moins fortunés. Ça nous permet de donner une certaine visibilité au parti. Si vous faites allusion au financement des partis politiques par l’Etat qui est dans l’air du temps actuellement, je ne sais pas si c’est en route, mais nous n’avons, ni aujourd’hui ni par le passé, reçu le moindre franc de la hiérarchie du parti pour faire tourner les activités de la coordination de l’Upc au niveau de la région de l’Ouest. Les militants participent eux-mêmes pour faire marcher le parti. C’est par les médias et aussi à travers le rapport de l’Assemblée nationale lors de la dernière session, que nous avons appris que l’Upc a reçu 27 millions. Nous n’avons pas eu de quote-part et, d’ailleurs, nous avons été interpellés pour les cotisations lors des obsèques du camarade Ndeh Ntumazah au niveau national, tout comme pour celles de notre président, le camarade Prince André Fochou, et d’autres sur le plan local. Pour le 20 mai, c’est également au niveau local que nous nous sommes organisés pour la confection des tee-shirts, des manifestations et autres, avec nos propres moyens. Au niveau national, le siège qui se loue à 350.000frs, a été fermé faute de moyens, comme me l’a dit le secrétaire général du parti lors de notre dernière rencontre. C’est peut être lors de la prochaine réunion du parti que nous serons plus amplement informés.
Dr Jules Hilaire Focka Foka, président section Rdpc Mifi centre : « Je ne suis pas au courant du financement public »
Le Rdpc est un parti qui est toujours en activité. Nous sommes tantôt en train d’organiser des séminaires, lorsque nous ne sommes pas sur le terrain à la rencontre des militants. Pour ces dernières semaines, nous avons effectué des descentes sur le terrain au sein des différentes sous-sections, et nous avons aussi organisé une redistribution des rentes liées aux activités dans les champs communautaires. Pour ce qui est des sources de financements, c’est avec les fonds propres et la contribution de certains proches amis militants que nous organisons tout cela. En ce qui concerne le financement des partis politiques par l’Etat, je ne suis même pas au courant. C’est vous qui m’en parlez. C’est, par exemple, les revenus des petites locations effectuées à la maison du parti que nous utilisons pour son entretien. Nous avons remplacé toutes les vitres cassées, refait l’électrification et nous nous apprêtons à refaire la clôture qui est endommagée et même tombée par endroits.
Jean Tsoumelou, président régional du Sdf : «Nous avons reçu plus d’un million de la hiérarchie du parti sur le financement public»
Au siège du Sdf de l’Ouest, nous avons instauré
une sorte de permanence. Ce qui fait que le siège est ouvert tous les
jours ouvrables de la semaine, de 9h à 17h. Personnellement, je suis
présent au bureau au moins 2 à 3 jours sur 6. Les autres jours, c’est
généralement le secrétaire général ou un autre membre du bureau exécutif
provincial qui assure la permanence. Nous essayons actuellement
d’éponger les dettes de bail et autres, laissées par le bureau sortant.
Il y avait plus d’un an d’arriérés et nous avons soldé plus de la
moitié. Actuellement, je suis en train d’effectuer ma tournée. Sur le
terrain, je vais à la rencontre des autorités administratives et des
militants de la base à l’Ouest. J’ai pu ainsi m’assurer jusqu'à l’heure
actuelle que toutes les cellules et toutes les circonscriptions tiennent
régulièrement leurs réunions et qu’elles fonctionnent normalement. A
côté du fonctionnement, pour parler du financement comme vous le
demandez, le Sdf fonctionne à la base, grâce aux contributions de ses
membres. Parlant précisément du financement public, nous avons été
informés par la hiérarchie lors des réunions du Nec, du fait que l’Etat
nous a donné, au titre du financement des partis politiques, près de 250
millions de francs. Cela ne représente rien par rapport aux besoins qui
sont les nôtres au parti.
C’est en débattant que nous avons opté pour les choix prioritaires, pour
ce qui est de l’utilisation de cet argent. Le camarade trésorier
général du parti, il me souvent, en a publiquement parlé sur les ondes
de Canal 2, lorsqu’il a été invité en mai dernier. Nous ne faisons donc
aucun mystère de l’utilisation de ces fonds. En ce qui concerne la part
de l’Ouest, le parti a financé a hauteur de plus d’un million de francs
la cérémonie commémorative du 20e anniversaire en mai, lorsque nous
avons reçu le chairman national.
Aaron Nenkam coordinateur régional de l’Afp : « Nous comptons sur les âmes de bonne volonté pour faire vivre le parti »
Nous ne recevons rien de la hiérarchie de notre
parti qui est l’Alliance des forces progressistes, ni de manière
formelle ni de manière informelle. Nous sommes au courant du fait que
notre parti a reçu une subvention de l’Etat dans le cadre du
financement des partis politiques. Tous les six mois, lors des réunions
du bureau politique dont les coordonnateurs régionaux sont d’office
membre, le trésorier national et le secrétaire général du parti rendent
compte de la gestion au sommet et il appartient aux responsables
régionaux de relayer cette information à la base. Nous avons été
informés de la situation financière à cette occasion et il ressort que
cette somme, qui est légèrement supérieure à sept millions et demi, ne
suffit même pas pour assurer le fonctionnement du siège du bureau
national à Yaoundé. Il nous faut en moyenne 30 millions pour assurer
les charges du siège du parti à Yaoundé et 5 millions par an pour notre
siège régional ici à Bafoussam. J’inclus dans cette somme le payement
du loyer, l’entretien et le salaire des permanents. C’est pour cela que
le parti, au sommet, attend les contributions de la base pour se
relancer.
Au niveau régional, c’est le même souci qui se pose. Nous siégeons dans
des sièges informels, faute de moyens pour les formaliser d’office,
étant donné que 7 départements sur 8 ont déjà des structures en voie de
construction, en conformité avec les statuts du parti, avant le 1er
janvier 2011.
C’est avec la contribution des élites et sympathisants extérieurs du parti, que nous avons pu trouver les moyens pour louer le siège régional de Bafoussam. Les militants de la zone de Galim ont fait de même pour avoir leur siège. Pour le siège de Bafoussam, dès l’implantation du parti, en mars 2006, nous avons contacté des âmes de bonne volonté. Ce qui nous a permis d’acquérir et d’inaugurer le siège le 15 novembre 2008. Actuellement, nous avons un an d’arriérés impayés. Nous comptons une fois de plus sur les promesses des élites du parti d’éponger ces dettes avant le 1er janvier 2011. L’Afp n’a pas encore officialisé la grille des contributions statutaires qui conditionnent par ailleurs la qualité même de militant.