Cameroun : Le Fonds monétaire est de retour
Cameroun : Le Fonds monétaire est de retour
Cofinest, Mirap, recrutement spécial de 25 000 diplômés à la fonction publique, subventions au prix du carburant... les dossier ne manqueront pas lors des échanges entre la délégation du Fmi qui entame son séjour au Cameroun dès mardi, et les autorités locales.
Une délégation d’experts du Fonds monétaire international est attendue au Cameroun dès le 15 mars. Elle passera en revue les grands sujets de préoccupation macroéconomiques qui, tous, résonnent d’un écho particulier, dans un contexte préélectoral lourd d’enjeux.A priori, il s’agit d’une mission de routine. Mais le séjour de la délégation que conduit M. Mauro Mecagni au Cameroun est loin d’être banal. L’étape de Douala, qui marque le début des discussions prévues dans les agendas, apparaît à cet égard emblématique des enjeux de la mission. Dès le 16 mars, les fonctionnaires du Fmi échangeront de vues avec le Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam), sur des questions relatives aux réalités macroéconomiques et financières, les grands projets d’investissement inscrits dans le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (Dsce).
La question de l’amélioration de « l’environnement des affaires » n’est pas en reste : les discussions interviennent au moment où les efforts des autorités en la matière restent timides, en dépit des avancées notées dans le rapport « Doing Business » de la Banque mondiale, et dans une conjoncture faite d’attentes diverses. Quelques jours seulement avant l’arrivée de la mission du Fmi, à la faveur de la tenue à Yaoundé de la deuxième session du Cameroon Business Forum, Olivier Behle, président Gicam, exposait les huit « nouveaux défis » qui, aux yeux des milieux d’affaires, interpellent les autorités camerounaises : « l’adaptation de la législation foncière aux objectifs de développement de l’agriculture ; publication des textes d’application relatifs au commerce électronique ; les dispositions fiscales spécifiques sur les opérations de crédit-bail ; la loi sur le délai global de paiement ; la stabilité des formulations juridiques des engagements de l’Etat ; la mise en place du e-gouvernement pour rapprocher l’Etat des usagers ; la finalisation de la loi sur les zones économiques ; la signature des décrets portant création de la banque des Pme et de la banque agricole ». Tout un programme. A défaut d’un chapelet de doléances.
Pourtant, nul besoin d’être devin pour observer qu’une certaine actualité économique devrait alimenter les discussions entre le Fmi et les autorités camerounaises. Yaoundé, deuxième grand pôle de la mission Mauro, concentre à elle seule une série de dossiers, dont certains touchent aux préoccupations immédiates des citoyens : la création de la Mission d’approvisionnement des produits de première nécessité, appelée à aider le gouvernement à faire face aux spéculations de toutes sortes, n’a pas encore dévoilé ses contraintes financières ; pas plus d’ailleurs que le concours du gouvernement dans le délicat dossier de la Compagnie financière de l’estuaire (Cofinest) n’a encore révélé son incidence sur la trésorerie de l’Etat ; ni même que l’opération de recrutement des 25000 diplômés dans la Fonction publique n’a été rigoureusement chiffrée (il est vrai que des sources crédibles évoquent un coût de l’ordre de 10 milliards F Cfa pour la seule année 2011).
Il n’est pas jusqu’à l’emprunt obligataire de 200 milliards F Cfa - dont le gouvernement s’est bruyamment réjoui du succès - qui ne soit susceptible d’être mis sur la table : son incidence à court terme pour les finances publiques, avec un taux de 5,6% ; son utilisation qui tarde à être effective alors même qu’il s’agissait d’une mobilisation inscrite dans les prévisions budgétaires de l’année 2010. Affleurent aussi en creux de cette opération, des questions aux contours hypothétiques. Illustration : les premières estimations des indemnisations des populations dans le cadre du projet du port en eau profonde de Kribi étaient chiffrées à quelque 6 milliards F Cfa, avant que les données plus récentes les situent à une trentaine de milliards ; soulevant du même coup la question de la résolution de la nouvelle équation pour les autorités.
Dans l’air du temps aussi : le dossier de diverses subventions consenties par les autorités en faveur des populations. La moins éclairée de toutes peut-être est celle du prix de la consommation électrique des ménages. Elle devrait être en vigueur jusqu’à la fin de 2011, selon de fiables indications. Peut-être jusqu’en 2012, si l’on en croit des informations enthousiastes. Elle appelle de la part des autorités des indications claires sur son coût réel et sa « soutenabilité ».
Ce souci travaille aussi la subvention à la pompe des hydrocarbures. Le Fonds monétaire international avait déjà, sur cette question, décliné ses « conseils » en direction des autorités camerounaises : rien moins que le gel de cette mesure qui, en plus de coûter, selon des estimations crédibles, entre 130 et 150 milliards F Cfa par an au Trésor public, « ne profite pas aux pauvres ». Encore les données se sont-elles complexifiées ces dernières années.
Et par temps d’élections annoncées, certains observateurs prédisent d’ores et déjà l’âpreté des discussions entre le Fonds monétaire international et le gouvernement camerounais. Une certitude : le premier ne devrait pas relancer le second sur la position définitive quant aux formes et formules du nouvel âge de la coopération entre les deux. « C’est au gouvernement de décider de ce qu’il veut », avance une source autorisée à Washington. Qui précise : « Un programme avec le Fmi ne manque pas d’avantages pour le Cameroun.
Le pays a besoin de crédibilité, de discipline. Les investisseurs veulent s’assurer que les problèmes de gouvernance sont circonscrits. En plus d’un financement qui, même s’il n’est pas toujours consistant, constitue un catalyseur ». Problème : en cette année 2011, la paix sociale est en jeu. Une certaine réélection est un enjeu certain. De quoi envisager un report des échanges sur ce point.