CAMEROUN - LE COUP D’ETAT D’AVRIL 1984 : LES DROITS DE L’HOMME ENTRE PARENTHÈSES
CAMEROUN - LE COUP D’ETAT D’AVRIL 1984 : LES DROITS DE L’HOMME ENTRE PARENTHÈSES
La tentative de coup d’Etat du 6 avril 1984 a donné lieu à un procès-marathon. Le bilan officiel publié au terme de ce tragique épisode fait état de 70 morts et 52 blessés. Les quelques victimes civiles que l’on a pu dénombrer et déplorer – parmi eux le grand-père du tennisman puis artiste-musicien Yannick Noah – ont surtout été touchées par les balles perdues tirées dans leur débandade par des insurgés. On peut affirmer que le carnage auquel donne généralement lieu ce genre d’aventure a été évité. Et c’est tout à l’honneur des forces camerounaises de défense, soucieuses avant tout de rétablir la légalité républicaine et de restaurer la paix civile.
Il n’en demeure pas moins que certains suspects tombés dans la nasse étaient victimes de leur morphologie de soudano – sahéliens ou alors pour s’être apitoyés du sort des condamnés, voire des mis en cause. Ils ont ainsi payé le prix de l’agneau devant le loup. Qu’à cela ne tienne, à l’issue des “ enquêtes ” 617 suspects ont été remis en liberté, pour ne pas dire qu’ils ont eu la vie sauve. 53 condamnations à mort ont été prononcées dont trois par défaut. Le commandant Ibrahim Oumarou et le capitaine Salatou Adamou, deux proches collaborateurs de l’ancien président, déjà en détention au moment du coup d’Etat manqué.
183 personnes ont aussi écopé de peines allant de 2 à 20 ans de détention. Un complément d’enquête sera ordonné pour 22 autres suspects. Si l’armée a fait de son mieux pour limiter autant qu’elle le pouvait une frileuse chasse aux sorcières, il n’en demeure pas moins que de tragiques bavures similaires à des règlements de comptes ont été enregistrées. Des hauts cadres originaires du grand Nord en fonction dans le public comme dans le privé ont été arrêtés et embastillés. C’est le cas de Suzanne Lecaille (Sonel), Dakolé Daïssala (dg de la Sotuc) et son chef de mouvement Djibril Alhassa, feu Tanko Hassan, homme d’affaires et grande figure politique à Douala, Bobo Hamatoukour (dg de l’Oncpb) pour ne citer que ceux-là.
Dans un poignant témoignage fait dans Le Messager n°222 du 3 avril 1991, M. Ali Issoufa, chef d’escale Camair à Ngaoundéré lors de ces tristes événements et qui a passé six années à la Bmm à Kodengui à Yaoundé avant d’être assigné à résidence à Mora ne nie pas l’effectivité du coup d’Etat. “ Mais beaucoup de personnes ont été arrêtées et étiquetées comme mutins … C’est une conception complètement erronée, dans la mesure où parmi les personnes arrêtées, il y a des civils qui n’ont rien à voir avec le coup d’Etat, par exemple : Dakolé Daïssala, Hamadou Malloum, Kaya Jacques, Bakari Dabo pour ne citer que celles-ci.
Il y a eu donc un vrai amalgame. Ces diverses personnes ont été arrêtées et emprisonnées parce qu’elles font partie, dans l’ensemble, de l’élite de l’ancienne province du Nord. Par conséquent, c’est l’arbitraire qui a prévalu puisqu’aucune preuve n’a été juridiquement établie quant à leur participation effective à la tentative de coup d’Etat ”.
Quant aux conditions de détentions certains sont sortis infirmes ou
psychologiquement traumatisés àvie. 25 ont trouvéla mort de suite
d’inanition sévère et de défaut total de soins. Au nomde la cohésion
nationale que de nombreux Camerounais appellent de tous leurs vœux, nous
ne voulons pas remuer le coup dans les plaies qui ont du mal àse
cicatriser avec le séjour prolongédes restes du premier président de la
République en terre sénégalaise, encore moins sur le cri de cœur des
parents des putschistes exécutés ou morts en détention, enfouis dans des
fosses communes, qui réclament la restitution de leurs restes.
Au nom de la réconciliation nationale.
Il est vrai que sous tous les cieux, on ne lésine pas avec la sécurité et la paix sociale. Le régime du Renouveau ne cesse cependant de développer de manière insidieuse ou violente de graves atteintes et violations aux droits de l’homme : atteintes à la liberté d’expression, arrestations et détentions arbitraires, harcèlement et intimidation des journalistes et des défenseurs des droits humains. Peut-on affirmer dans un tel contexte que le Cameroun est un Etat de droit ?