10.03.2020
Source: Camerounlink 10 03 2020
Ecroué depuis le 06 mars 2019 pour une affaire de détournement de fonds publics, le dossier de l’ancien ministre de la Défense piétine. Après 12 mois à la prison centrale de Kondengui pour une affaire de détournement présumé de fonds publics, dans le cadre de l’achat de matériels militaires pour l’armée camerounaise, du temps où il était ministre de la Défense, le dossier de l’administrateur civil piétine. 1-Il était une fois un mercredi noir à Yaoundé… Un an déjà qu’il est détenu ; un an qu’il partage malaisément ses journées et ses nuits avec certains « gros poissons » de l’Opération Epervier qui l’ont précédé dans le tristement célèbre pénitencier de Kondengui. Un an qu’il est privé de liberté et attend impatiemment que son dossier au Tribunal criminel spécial (Tcs) à Yaoundé soit enfin ouvert pour qu’il soit fixé sur son sort et sache dans quelle sauce il sera finalement mangé. Les heures, les semaines et les mois se succèdent, rajoutant des piquants au lancinant suspens non sans attiser les flammes de l’incertitude autour de la tapageuse affaire Mebe Ngo’o. Lui qui n’a pas été épargné de l’humiliation dont sont régulièrement sujets les membres du gouvernement Biya, interpellés et écroués pour des questions de malversations financières. En ce jour anniversaire, l’homme doit sans doute revivre le film de son incarcération, remuant dans un coin de sa tête, les heures qui ont précédées son transfèrement pour Kondengui. Un véritable chemin de croix Tout a commencé devant le Tcs où les journalistes de la presse nationale et internationale avaient fait le pied de grue toute la journée du mercredi 6 mars 2019, jusqu’à très tard dans la nuit. Pendant toute la matinée, la moindre sortie des usagers et employés dans ce grand bâtiment était scruté par les professionnels de la plume et du micro postés tels des snipers. Entre anecdotes, exploitation des documents, interrogations et forte odeur de complot au sein du sérail, les conversations tournaient autour de la même préoccupation : savoir si finalement l’ancien ministre des Transports est finalement aux arrêts, puisque sa supposée arrestation faisait déjà le tour des réseaux sociaux depuis plusieurs semaines. La réponse surfait entre le « Oui » catégorique de certains qui ne jurent que par l’embastillement de l’ex Mindef et le « Non » prudent de ceux qui ne voulaient pas verser dans un scoop (inutile). Plusieurs badauds ayant appris la nouvelle de cette fameuse arrestation, étaient aussitôt venus aux nouvelles, créant un attroupement des grands jours devant les bâtiments de cette juridiction spéciale compétente pour juger, lorsque le préjudice est d’un montant minimum de 50 millions de Fcfa, des infractions de détournements de deniers publics et des infractions connexes prévues par le Code pénal et les conventions internationales ratifiées par le Cameroun. Dans cette foire de supputations, le mystère restait désormais le lieu choisi par le procureur de la République pour conduire le mis en cause. Si certaines sources affirmaient que l’homme mis en examen depuis des heures, avait passé sa première nuit à la prison centrale de Kondenguid’autres parlaient du Secrétariat d’Etat à la Défense (Sed).
C’est de là qu’est partie la descente aux enfers d’un haut commis de l’Etat dont les sirènes de sa déchéance retentissaient depuis son éviction du sérail. Déjà en mars 2018, lorsqu’il prenait la porte de sortie du gouvernement, les spéculations allaient bon train sur une future arrestation de cet ex-directeur du Cabinet civil du président de la République. Tout juste ce dernier a été auditionné par le Tcs avant que ne lui soit notifié fin janvier 2019, une interdiction de sortie du territoire camerounais et placé sous étroite surveillance. Comme un prédateur qui se jette sur sa proie, la presse avait sauté sur l’occasion pour citer entre autres griefs, des soupçons de surfacturation dans un contrat de fourniture d’équipements de l’armée camerounaise. 2 -Entre messes noires et guerre de clans, le procès piétine Avec la perquisition à sa résidence de Yaoundé en février 2019, l’affaire avait pris une autre tournure pour ce fils surpuissant de la République que l’on disait protégé sous le dais antiatomique de Paul Biya dont il est très proche. S’en sont alors suivies des informations difficilement vérifiables sur les réseaux sociaux qui faisaient état de messes noires organisées par certaines personnalités du régime de surcroît ressortissants de la même région que le chef de l’Etat et MebeNgo’o.Tous solidement engagés dans le cadre de la lutte à mort qui se déroule à huis-clos dans le sérail pour la succession du président de la République. Un malheur ne venant seul, le hasard avait voulu que cette nouvelle de la mise en détention provisoire de l’ex Mindef coïncide avec la décision par le Chef de l’Etat de procéder à un réaménagement au sein de la Grande muette. Coïncidence plutôt intrigante quand on sait que le chef suprême des Armées avait ramené « définitivement » au pays les attachés militaires d’Allemagne (Cap. Sawaldi André) et de France (Fondjo Yves). Dans le mouvement, le vent a balayé au Brésil (Nguéna Saha Martin Richard), en Egypte (Noumbi Fotso Christian), en Chine (Cap Essing Saïdou), en Grande Bretagne (Sous-lieutenant KenfanckSuzan Emile), en Russie (chef de bataillon Mvondo), aux Etats-Unis (cap Essien Odile). Alors qu’il continue de clamer son innocence ainsi que celle de son épouse (annoncée malade Ndlr) et de ses trois coaccusés (Mbangue Maxime Léopold, Mboutou Elie Ghislain Victor et Menye Victor Emmanuel), certains de ses bourreaux recrutés parmi des pontes du régime, manœuvrent sous cape pour enfoncer leur camarade placé sous mandat de dépôt au quartier spécial 14 à la prison centrale de Kondengui. Après avoir fait feu de tout bois pour couler l’infortuné, le dossier piétine. Des sources concordantes rapportent que l’objectif de certains réseaux dans l’entourage de Paul Biya est de le maintenir au maximum en prison. Et pour preuve, « voilà 12 mois qu’il est à Kondengui et n’est toujours pas passé devant le juge contrairement à Beh Mengue qui est pourtant arrivé à Kondengui après lui », s’étonne un haut commis de l’Etat. Dans cette stratégie, Mebe Ngo est faussement associé à la Brigade anti-sardinard (Bas) et à Maurice Kamto. Les officines chargées de la sale besogne ont poussé la bêtise plus loin en impliquant Sandy Boston, la célèbre activiste et Amazone UK, fille de la nièce de Mebe Ngo’o. Elle qui est présentée par les adversaires de l’ancien Directeur du Cabinet civil de la présidence de la République comme la preuve que ce dernier finance la Bas et le président du Mouvement pour la ren
naissance du Cameroun (Mrc). Une réflexion tordue qui à en croire le journaliste Boris Bertolt, vise deux objectifs: « Accoler l’image de Mebe Ngo’o à la Bas pour obtenir un durcissement de ses conditions de détention auprès de Biya et présenter Maurice Kamto comme un ami de l’ex Mindef sachant qu’il fait partie des fonctionnaires les plus détestés du Cameroun ». 3-Le serviteur fidèle du Prince Dans ce florilège d’accusations, d’autres détracteurs de l’ancien Dcc l’accuseraient de financer les activités du très redouté Sisiku Julius Ayuk Tabe, interpellé et écroué depuis bientôt deux ans pour apologie d’actes de terrorisme, sécession, financement d’actes de terrorisme, révolution, insurrection et hostilité contre la patrie. Mais, recoupements faits, il n’en est rien. MebeNgo’o gère ses malheurs dans l’enfer de la prison. Des accusations graves que ceux qui connaissent bien le mis en cause, balaient d’un revers de la main, qualifiant cette entreprise de déstabilisation, de maladroite et de très mal ficelée. « Chacun veut trouver à l’ex Mindef, des griefs infondés pour contribuer à noircir davantage son casier et faire de lui, le pourri d’un régime dont on connaît parfaitement les hommes à la manœuvre et les assoiffés de pouvoir, prêt à tout pour sauter sur le trône », commente un analyste politique, convaincu que la fidélité sans faille de Mebe Ngo’o à l’endroit du Chef de l’Etat, n’a jamais été démentie malgré les turpitudes. Au-delà de sa discrétion légendaire sur laquelle il a bâti sa carrière de haut commis de l’Etat, il y’a ce loyalismeà toute épreuve qui le caractérise. Depuis 12 mois qu’il est en attente de jugement, il n’a pas bronché ; « il est resté taiseux, choisissant de souffrir en silence et de clamer sereinement son innocence dans cette affaire où plusieurs apparatchiks du régime veulent le voir toucher le fond », fait remarquer notre source. Un postulat qui est vrai à bien d’égards. A preuve, au Cabinet civil de la présidence de la République où il a séjourné, il a géré toutes les affaires classées secret-défense à lui confiées par Paul Biya dans la totale discrétion et avec succès qui ne lui ont pas que fait des amis. Rien n’avait semblé pouvoir freiner son ascension depuis que le destin lui avait fait rencontrer Paul Biya, au début des années 1990. Ce jour-là, le jeune administrateur civil frais émoulu de l’Enam doit remplacer le gouverneur du septentrion, Fon Fossi Yakun Taw, cloué sur un lit d’hôpital, et accueillir le président, alors en tournée provinciale. Il se présente, prenant soin de rappeler qu’il est le fils de Ngo’o Mebe, un ancien député que Biya avait bien connu. Ce bref échange changera sa vie Charismatique et sûr de lui, portant beau le costume, il suscite l’admiration autant que la jalousie. « N’a-t-il pas pendant longtemps bénéficié d’un accès direct au président, qui n’est pourtant pas réputé proche de ses ministres ? Et il n’est pas le seul à croire en ses chances : Yaoundé le courtise, une partie de la hiérarchie militaire aussi », pour reprendre nos confrères de jeune Afrique. Au regard de ce qui précède, il est peut-être temps de l’envoyer à la barre pour qu’il se justifie des accusations qui pèsent contre lui. Car pour ses partisans, c’est la lutte de succession autour de Paul Biya qui l’a envoyé en prison. Jean François CHANNO
Source : Le Messager
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