Cameroun, La crise ivoirienne secoue le Manidem: La journaliste Mireille Fomekong quitte cette formation politique
Cameroun, La crise ivoirienne secoue le Manidem: La journaliste Mireille Fomekong quitte cette formation politique
Elle reproche à Abanda Kpama, Anicet Ekani d'avoir apporté leur soutien à Laurent Gbagbo.. Lisez l'intégralité de sa lettre parvenue ce jour à la rédaction de Camer.be...A l’attention de M Abanda Kpama, Président du Manidem, Monsieur le Président, C’est avec une grande tristesse (mon engagement au Manidem est le premier et seul acte politique posé alors que je n’avais que 17ans…) que je porte à votre connaissance par la présente, ma démission du Manidem comme militante ! C’est la seule solution que j’ai trouvée pour rester en paix avec ma conscience et les valeurs qui fondent ma petite existence.
Il me semble en effet inapproprié et inacceptable de continuer à militer dans un parti qui apporte un soutien aux dictateurs, et pire, qui manipule les masses aux fins de marcher pour soutenir et valider les fantasmes théoriques de quelques uns.
Si j’ai adhéré, si je me suis investie en back office dans le Manidem, c’est parce que j’ai naïvement pensé que nous partagions ensemble le rêve de l’alternance démocratique, et surtout des valeurs de liberté et de respect de la différence.
Or, vous avez pris option de soutenir un dictateur qui s’accroche au pouvoir alors qu’il a manifestement perdu les élections, qui assassine ses concitoyens sous le prétexte et l’argumentaire passéiste « du nationalisme », « de la souveraineté ».
Je ne peux pas vous laisser transformer monsieur Gbagbo (Qui a amené son pays au FMI, qui a demandé à la communauté internationale de financer les élections en côte d’Ivoire, et aujourd’hui qu’il a perdu, parle d’ingérence dans les affaires de la côte d’Ivoire, où est la cohérence ω) en Sékou Touré, Thomas Sankara, ou en Lumumba, ces immenses symboles africains qui ont jalonné ma construction intellectuelle ! Un vulgaire perdant ne peut pas chercher à se maintenir au pouvoir en appuyant là où ça marche : le repli identitaire, le ressentiment légitime contre l’ex-colon !
Le monde a changé, et les aspirations des populations africaines aussi, vous trompez le peuple en faisant de cette affaire une opposition « France/Gbagbo », et Barack Obama ω Lui aussi est un acteur du « complot anti-Gbagbo » ω Non !!! Non !!! Et non !
Si l’anticolonialisme a nourri mon engagement citoyen, sachez Monsieur le Président « qu’être contre la France » n’est pas un programme politique. Ce n’est pas en faisant ces incantations xénophobes que le peuple donnera des passeports pour accéder ou se pérenniser au pouvoir. Les peuples africains ont besoin d’hommes politiques porteurs de vision humaniste, compétents et patriotes, à même de proposer de véritables alternatives pour nous sortir de la misère, de la pauvreté, de la corruption et de la déliquescence dans laquelle se trouve notre société. C’est à cela, il me semble que doit travailler un parti progressiste et moderne comme le Manidem ! Force est de reconnaitre que je me suis trompée.
Ne vous méprenez pas sur le sens de ma position : vous avez le droit d’être pro Gbagbo ! Mais vous n’avez pas le droit d’engager le parti, sans consultation interne, sans débat contradictoire dans une position officielle sur un sujet aussi grave ! Car, ce qui se passe en Côte d’Ivoire va largement influencer les autres pays où des dictateurs abusant du concept de souveraineté veulent s’éterniser au pouvoir. S’il y avait eu une alternance pacifique en Côte d’Ivoire, un certain nombre de dirigeants africains auraient eu matière à réflexion… C’est à la fois de la légèreté, et de l’irresponsabilité d’agiter des thèmes comme la nationalité, le rejet de l’autre, le sentiment –légitime au regard de l’histoire récente-anti-français !
J’affirme que la France n’est pas contre l’Afrique, une certaine élite française agissant sous le vocable connu de France Afrique se « sucre » en Afrique avec la complicité de nos dirigeants y compris votre champion actuel Gbagbo prétendument anti-colon ! Nous devons nous battre contre cela, mais le droit d’ingérence de la communauté internationale doit être renforcé, moi je parlerai même d’un devoir d’ingérence ! Car, si l’ONU supervisait les élections partout en Afrique, il y aurait des gouvernements légitimes partout à la tête de nos Etats.
Il y’a déjà un moment que j’aurai dû prendre mes distances avec votre mouvement en considérant les évènements qui ont émaillé la vie du parti cette année, mon départ ne sera pas, je le sais une grosse perte, car vous avez de meilleures ressources humaines. Je continue de penser que Monsieur Ekane Anicet est porteur d’une vraie alternative pour notre pays. Je souhaite bonne continuation au Manidem, qui est un parti je le sais, solide et au-delà de ce désaccord avec ma conscience, proche des masses. Notre pays a besoin d’un contre pouvoir comme le Manidem. Mais je ne souhaite plus être associée de près comme de loin à vos activités.
Pour finir, le monde étant devenu un village
planétaire, l’argument unique, émotionnel et sans consistance du
nationalisme indique t-il, que si demain, le Manidem venait à accéder au
pouvoir, nous devrions rompre toutes relations diplomatiques avec les
puissances « dites néo colonisatrices » ω
Respectueuses salutations et bonnes fêtes.
Douala, le 24 décembre 2010