Cameroun: L'affaire Marafa Hamidou Yaya met le régime sur la défensive
Par Idriss Linge - 01/06/2012
Présence de forces de l’ordre dans les villes, réactions médiatiques, manipulations de la presse, l’affaire Marafa est de loin celle qui a le plus bousculé le régime
Dans son édition du 31 mai 2012, le journal la
Météo, très connu pour des révélations indiscrètes sur la vie politique
camerounaise, fait savoir, que dans sa logique de récuser le juge en
charge de son affaire, l’ex-ministre d’Etat et haut fonctionnaire Marafa
Hamidou Yaya, aujourd’hui en détention provisoire dans le cadre de
l’opération dite « épervier », se serait déshabillé, ce qui a provoqué
la fuite du juge venu pour l’interroger dans sa cellule. Si cela reste
un fait que Marafa récuse publiquement son juge d’instruction, il reste
cependant difficile à prouver qu’il serait allé jusqu’à se déshabiller.
L’article n’indique pas clairement s’il y avait des témoins, et comment
l’information a filtré. De même il reste difficile de savoir pourquoi le
Juge d’instruction s’est retrouvé seul avec le prévenu, sans la
présence d’aucune autre personne (greffier, gendarme, avocats), qui
puisse confirmer l’histoire. Jusqu’ici cependant, personne n’a encore
contesté ce qui a été raconté, pourtant l’information fait l’effet d’une
bombe au sein de l’opinion, qui consomme sans modération l’affaire
Marafa, comme une série télévisée. « Si c’est vrai, c’est trop fort,
parce que chez nous lorsque quelqu’un qui est plus âgé que toi se
déshabille devant toi, c’est le signe de la malédiction et c’est trop
grave », explique un curieux, qui lisait l’information devant un
kiosque.
La Une du journal La Météo du 31 mai 2012
Cet épisode marque ainsi toute la
singularité de l’affaire de Marafa. Depuis le début de l’opération
épervier, son arrestation est celle qui aura le plus fait couler d’encre
et de salives, avec au milieu le jeu de certains médias qui
finalement, est un peu trouble, entre le devoir d’informer et la
manipulation de l’opinion. Au sein du pouvoir, on ne néglige rien. De
façon discrète mais effective, le niveau de sécurité notamment à Yaoundé
a été levé. Pour ceux qui sortent ou circulent tard dans la nuit, ils
peuvent se rendre compte de la forte présence de gendarmes à tous les
grand carrefours de la capitale politique. A Garoua, principale ville de
la région du Nord et fief de monsieur Marafa, la diplomatie secrète ne
semble pas avoir marché. Des tracts pro Marafa continuent de circuler et
un d’entre eux aurait été affiché sur le mur du domicile de Monsieur
Tchiroma, l’actuel ministre de la communication, qui avait été envoyé
pour apaiser les jeunes de cette partie du pays, et qui dans une des
lettre du prévenu, est cité de manière négative. La police et la
gendarmerie dans cette partie du pays, auraient reçu l’ordre d’entendre
toute personne en possession des tracts au sujet de cette affaire. Dans
son édition de 13 heures le 31 mai dernier, le journal radiodiffusé a
consacré tout un commentaire à la lettre écrite par le ministre Fame
Ndongo en charge de l’enseignement supérieur, deuxième étape d’une
réaction de l’entourage de Paul Biya, depuis la publication attribuée à
Marafa, de lettres « embarrassantes ». Marafa semble aujourd’hui avoir
réussi une chose, celle de mettre le régime sur la défensive. Son
activisme détourne l’attention à un tel niveau, que de nombreuses
personnes au sein de l’opinion publique ne se demandent même pas s’il
existe une chance qu’il ait détourné de l’argent. Selon la loi
camerounaise, une somme public de 500 000 FCFA non justifiable est
constitutif de détournement. Difficile pour un membre du gouvernement
camerounais, même ceux qui sont aujourd’hui libre, de ne pas tomber dans
cette contrainte.