Cameroun, Eugène Biti Allou Wanyou, Ambassadeur de Côte d'Ivoire:« Peut-être qu'on a simplement oublié de m'inviter »
Cameroun, Eugène Biti Allou Wanyou, Ambassadeur de Côte d'Ivoire:« Peut-être qu'on a simplement oublié de m'inviter »
C'est
à la télé que l'ambassadeur de Côte d'Ivoire à Yaoundé a regardé la
cérémonie de présentation de vœux des chefs de missions diplomatiques au
président de la République du Cameroun. Au moment où il reçoit le
journaliste du Messager, il est installé en compagnie de son premier
conseiller dans un séjour en cuir de couleur marron, disposé dans son
bureau, logé au rez-de-chaussée de la Chancellerie située quartier
Bastos à Yaoundé. L'air détendu, arborant un costume sombre et une
chemise blanche sans cravate, Eugène Biti Allou Wanyou, en poste à
Yaoundé depuis 2008, essaye tant bien que mal de prendre avec humour les
remarques de son hôte se rapportant à son absence au Palais de l'Unité,
hier 05 janvier 2010, à l'occasion de la cérémonie de présentation des
vœux du corps diplomatique au président de la République. Lequel humour
est entretenu par un sens de la repartie remarquable.
Les deux mis ensemble à côté d'un physique imposant, Eugène Wanyou
ressemble à s'y méprendre, à son ami et non moins président de la
République de Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, dont les photos pavoisent
les murs de l'ambassade. Le plénipotentiaire du pays des éléphants à
Yaoundé, apparaît au journaliste comme un homme qui, quoiqu'ayant pris
acte de sa mise à l'écart pour la cérémonie de présentation de vœux à
Paul Biya, ne se considère pas comme persona non grata au Cameroun.
Mieux, il tente de tourner cette affaire à la dérision en estimant que
le vague mestre chargé de lui porter son carton d'invitation s'est
peut-être trompé d'adresse. N'empêche ! Il est resté les yeux rivés vers
la cérémonie pour laquelle il n'a pas été convié, via la télévision et
notamment la chaîne Canal 2. C'est dans cette posture qu'il a accepté de
répondre aux questions du Messager.
Quel peut être l'Etat d'esprit d'un chef
de mission diplomatique qui n'est pas convié à une cérémonie comme de la
présentation des vœux au chef de l'Etat du pays hôte ?
Je suis serein. Il n'y a pas de frustration. Nous constatons comme vous que l'ambassadeur de Côte d'Ivoire était absent à la cérémonie de présentation de vœux au président de la République du Cameroun qui s'est tenue au Palais de l'Unité. Peut être que celui qui est chargé de distribuer les cartons d'invitation à oublié la Côte d'Ivoire. Nous ne l'avons pas eu en tout cas. Et donc, nous ne pouvions pas aller à cette cérémonie d'autant plus qu'il faut prouver à l'entrée du Palais qu'on est invité.
Comment ce type d'invitation vous parvient-elle habituellement?
Nous avons toujours été convié aux évènements de ce type depuis 2008 que je suis affecté à Yaoundé. D'habitude, le Cabinet civil de la Présidence de la République nous invite par le biais du ministère des Relations extérieures. Les cartons nous parviennent la veille. Nous pouvons les avoir jusqu'à la fin de l'après midi, autour de 17 heures. Mais dans ce cas, nous ne l'avons pas reçu.
Avez-vous pris attache avec le Minrex pour savoir pourquoi?
Non ! Nous ne l'avons pas fait. Mais peut être que
lui-même va nous appeler pour savoir pourquoi nous n'étions pas là. Il
peut s'étonner de notre absence, sait-on jamais... Dans ce cas, nous lui
dirions que nous n'avons pas été invités à la cérémonie de ce jour
[hier, Ndlr]
Une certaine opinion estime que si la Côte d'Ivoire n'a pas été
invitée, c'est parce que l'ambassadeur des Etats-Unis a fait pression
sur les autorités camerounaises. En conditionnant par exemple, sa
présence par votre absence. Êtes-vous au courant cette affaire?
Je n'ai pas appris cette affaire. Allez plutôt demander au Minrex (Ministre des relations extérieures, Ndlr] pourquoi je n'ai pas été invité. Je ne peux pas répondre à sa place. Mais je puis vous dire que le président Biya qui est un homme sage ne peut subir les pressions de personne. Vous savez, aller présenter les vœux au chef de l'Etat, c'est un devoir. C'est un honneur. Mais c'est un devoir qu'on ne peut remplir si on n'est pas invité à la cérémonie qui sert de cadre pour le faire. On n'a pas été invité pour des raisons qui ne nous ont pas été signifiées. Je n'ai pas de raison d'être frustré. J'ai personnellement de bonnes relations avec les autorités camerounaises.
Mais au regard de cette absence d'invitation, on a des raisons d'en douter...
Mais peut être que fidèle à sa diplomatie de principe, le
Cameroun n'a pas voulu se mettre la communauté internationale à dos en
conviant au palais un ambassadeur nommé par Laurent Gbagbo et qui plus
est son ami et ancien directeur de protocole?
Ca serait malhonnête de ma part de nier que je
suis l'ami du président de la République de Côte d'Ivoire, Son
Excellence Laurent Gbagbo. Mais il faut savoir que dans ce cas-ci, je
représente un pays, un gouvernement. Celui de Côte d'Ivoire. Je n'ai pas
encore le sentiment que les gens me rejettent. Je vois partout des gens
qui nous acceptent. Je ne peux non plus croire qu'il y a des gens qui
ne sont pas pour le président Gbagbo. Sinon, on ne serait pas allé aux
élections. Si nous y sommes allés, c'est parce que dans notre pays, il y
a des gens qui ne sont pas d'accord avec ceux qui sont au pouvoir.
C'est cela aussi la démocratie.
Pouvez-vous faire le point de la crise post électorale en Côte d'Ivoire?
Je souhaite que nous nous limitions au débat d'aujourd'hui. On ne parle pas de crise ivoirienne. Mais de la cérémonie de présentation de vœux. Les négociations sont en cours en Côte d'Ivoire. Nous les suivons. Nous n'en parlerons pas. Car, nous n'avons reçu aucune consigne ferme pour le faire. Personnellement, je suis vacciné contre les crises depuis 2002. Comme vous le savez, j'ai été longtemps chef du protocole d'Etat en Côte d'Ivoire. J'ai été de tous les déplacements du président de la République de mon pays jusqu'en 2008. Croyez-moi donc, celle-ci finira. Les Ivoiriens vont comprendre qu'elle ne sert à rien. La Côte d'Ivoire est bénie des dieux.