Cameroun : Et si la campagne électorale de 2011 était celle du numérique ?
Cameroun : Et si la campagne électorale de 2011 était celle du numérique ?
Sauf anticipation, la prochaine élection présidentielle camerounaise sera bien en 2011, tel que le prévoit la Constitution. Face au candidat du RDPC (certainement M. Biya), une opposition tout aussi déterminée (ou désorganisée), dont l’un des leaders sera sans aucun doute M. Fru Ndi.
Une fois de plus, l’histoire se répètera, le RDPC l’emportera (soyons
pragmatique) et rempilera pour sept années de plus, au terme d’une
campagne tout aussi terne et insipide que les précédentes. Pourtant, à
défaut d’une guerre des programmes, de pagnes, T-shirts, sacs de riz,
cartons de poissons, et des casiers de bière, les différents
protagonistes peuvent innover, et rendre la campagne plus intéressante.
Comment ? En se livrant à la guerre de l’image et à la guerre des TIC.
L’impact de l’image chez l’électorat
De façon triviale, tous les analystes politiques le savent, les africains en général et les camerounais donc, votent plus pour l’individu et l’image qu’il leur renvoie que pour son programme. A titre d’illustration, idéologiquement ou pour des considérations religieuses et culturelles, les camerounais auraient été plus proches du programme conservateur du camp républicain de M. McCain (limitation des droits des homosexuels, contre l’avortement, contre l’usage des cellules souches, anti-clonage, etc) que celui des démocrates de M. Obama. Pourtant, Barack Obama aurait à coup sûr fait plus de 90% au Cameroun si les camerounais avaient voté. Pourquoi ? D’abord il s’appelle Obama (un nom à forte consonance camerounaise), il est noir, jeune, intelligent, élégant et… beau
Suivant ces considérations, et quelque soit le
programme des uns et des autres, un match Biya/Fru Ndi est d’avance
perdu par ce dernier. Le « chaud gars » Biya, qui l’est resté, malgré
son âge, a toujours autant de fascination auprès de l’électorat,
surtout féminin, qui, rappelons-le, est majoritaire lors des scrutins.
M. Fru Ndi, que l’on sait austère (je ne me rappelle pas l’avoir vu
sourire) ne fait tout simplement pas le poids, toujours accoutré dans
des tenues traditionnelles, se refusant toute mode « occidentale ». Ce
n’est pas habillé de cette façon que Pa’a John va rallier à lui
l’électorat jeune (21-35 ans). En demeurant anachronique, et en
refusant obstinément de s’exprimer dans la langue de Molière (ou de
l’apprendre), M. Fru Ndi perd des voix considérables et ne peut pas
enlever de la tête de nombreux camerounais qu’il sera d’abord le
« président des anglophones » et non de tous les camerounais.
Par contre, dans cette guerre de l’image, Jean-Jacques Ekindi, ou alors
Anicet Ekanet, avec un peu d’effort de leur part, seraient bien partis.
Le premier a l’air d’un « dandy » tant il est toujours élégamment vêtu.
Le deuxième est jeune, et « frais » et, aurait les mains propres.
(C’est quand même le seul homme politique à avoir refusé l’ « argent de
taxi » du Premier-Ministre lors des consultations des forces politiques
il y a quelques années). De même, Joshua Osih, l’un des vice-présidents
du SDF, emballerait bien plus d’une électrice, par son verbe et surtout
la couleur de sa peau ; encore faudrait-il qu’on lui en laisse
l’occasion.
La campagne de 2011 devra être technologique
La campagne Internet de Barack Obama que les
analystes ont qualifié de « net-campaign » ou « e-campaign » a été le
principal instrument de sa victoire. Voici quelques chiffres :
(sources :
http://blog.newlimits.org/2009/01/campagne-marketing-social-dobama-en-chiffres/)
Courriels : 13 millions de personnes inscrites sur la liste de
courriels. Elles ont reçu 7000 versions de plus de 1 milliard de
courriels.
Réseautage social : 5 millions d’amis sur plus de 15 sites de réseautage social (dont 3 millions sur Facebook à lui seul).
Site Web : 8,5 millions de visiteurs mensuels sur le site Web
MyBarackObama.com (en période de pointe). Sur le blog, 2 millions de
profils ont produit 400 000 billets. 35 000 groupes de bénévoles qui
ont organisé 200 000 évènements hors Internet. 70 000 centres de
campagnes de dons qui ont permis de récolter 30 millions de dollars.
Cellulaires : 3 millions de personnes se sont
abonnées pour recevoir des messages SMS. Chacune a reçu entre 5 et 20
messages par mois.
Appels téléphoniques : 3 millions d’appels téléphoniques ont été effectués durant les 4 derniers jours de la campagne.
Vidéos : près de 2000 vidéos officielles ont été publiées sur YouTube.
Elles furent visionnées 80 millions de fois et furent suivies par 135
000 abonnés. 442 000 vidéos ont été créées par les sympathisants et
publiées sur YouTube.
Restons modeste ! C’est vrai, il s’agit des Etats-Unis, la première puissance technologique du monde. Mais tout de même, la piste technologique lors de la prochaine élection présidentielle serait un filon que devrait exploiter les plus malins des candidats.
Mais en attendant 2011, il est tout de même
curieux de constater que jusqu’à l’heure actuelle, on n’assiste pas à
l’intrusion, même discrète de ces potentiels candidats dans les forums
qui pullulent sur Internet. C’est notamment le cas de celui du
quotidien Le Jour (http://www.lejourquotidien.info), ou de celui des
camerounais de la diaspora (http://www.bonaberi.com,
http://www.camer.be). N’oublions pas les émissions radiophoniques
interactives qui sont si nombreuses et dont on sait l’audience qu’elles
drainent. Et Pourtant ! Tous ces canaux devraient déjà servir de
baromètre, et surtout de plate-forme d’échange d’idées entre eux et le
peuple.
Il est temps, même si 2011 paraît loin, de rattraper le retard, et
surtout de commencer à accumuler les points. Parions que le(s)
premier(s) à comprendre les enjeux de la prochaine élection en terme
d’image et de technologie, sera(ont) certainement le(s) gagnant(s).
Willy A. KUICHEU Documentaliste, Expert en veille Web et Web 2.0