Après le droit de vote chèrement acquis par nos compatriotes de la diaspora, la veille de l’élection présidentielle, suivi des difficultés et les nombreuses obstructions constatées sur le terrain, peuvent-ils se permettre de boycotter la première consultation à laquelle ils sont conviés?
Si oui, n’est-ce pas offrir des arguments à ceux qui diront demain que cette diaspora n’est point mature et ne méritait pas un tel droit? Le boycott n’a de sens que s’il a une portée politique. Dans le cas de la Diaspora, cette portée serait faible car il n’existe aucune référence d’élection antérieure à laquelle elle aurait participé et qui pourrait servir d’étalon de comparaison.
L’octroi tardif de ce droit de vote conjugué aux conditions de délivrance de la carte d’électeur ne plaide t-il pas en faveur de la thèse d’une opération de marketing politique sans grand risque pour le pouvoir qui sait d’avance que la diaspora rechignerait à aller s’inscrire et voter?
Comment cette dernière pourrait-elle, dans ses conditions, crier à la fraude puis la prouver dans une élection à laquelle elle n’aura pas participé?
Cela ne ressemblerait-il pas au cas d’un étudiant absent d’un examen qui se plaindrait de son échec, le jour des résultats, en raison des règles biaisées, au lieu d’y participer pour en apporter les preuves, par un contrôle de ses notes et éventuellement les défendre?
Par ailleurs, le pouvoir trouverait facilement des
arguments techniques, humains et financiers pour justifier, à raison,
le faible taux de participation de ces Camerounais. S’il y avait un
boycott dont le pouvoir redoutait, ce fut celui du SDF mais il est
désormais tombé en désuétude après la récente volte face de son
Président Ni John Fru Ndi.
Alors y participer dans les conditions qui ne garantiraient pas une
élection libre et transparente, signifierait-il que cette diaspora
apportât une caution ou une once de crédibilité au processus électoral
actuel tant décrié?
De nombreux exemples dans le monde y compris dans les démocraties dites
avancées décrivent bien ce type de dilemme ou de choix cornélien auquel
doivent souvent faire face les acteurs politiques dans un jeu où les
règles ne respectent pas toujours la volonté populaire.
Doivent-ils sortir du jeu pour protester et créer un rapport de forces favorables avant le début de la compétition ou y participer pour inverser ce rapport de forces?
L’analyse des forces en présence actuellement dans notre pays ne plaide malheureusement pas en faveur de la première hypothèse. Si tel était le cas nous l’aurions déjà su et nous souhaitons d’ailleurs nous tromper à ce sujet.
Reste alors la deuxième hypothèse.
Si tel est enfin le choix qu’opte notre diaspora, ne doit-elle
pas œuvrer pour que le potentiel politique dont elle est créditée se
transforme en véritable poids politique?
Sinon comment pourrait-elle peser sur le cours de notre vie politique nationale sans passer par les urnes?
Les débats cybernétiques sont nécessaires voire indispensables à l’heure
du numérique mais seuls, ils demeurent insuffisants dans la quête du
changement et encore moins dans la conquête du pouvoir.
Même dans les démocraties avancées, les relais politiques s’avèrent toujours indispensables pour maximiser les « bénéfices politiques » attendus ou espérés de ces joutes dans les médias. Il appartient donc à cette diaspora de tirer son épingle du jeu d’une situation qui est loin d’être une opération politique à somme nulle.
Alors, diasporiens et diasporiennes, à l’approche de cette élection cruciale pour l’avenir de notre pays, vous attirerez l’attention des partis politiques comme le miel attire les abeilles. Il est vrai que les promesses n’engageant que ceux qui veulent y croire, demandez leur, à toutes fins utiles de s’engager solennellement, devant la nation, sur un chronogramme précis de réalisation des propositions suivantes:
1°) Reconnaissance de la double nationalité:
Autant le droit de vote qui vient d’être accordé aux camerounais de la
Diaspora ne nécessitait pas une loi mais plutôt un simple texte
réglementaire autorisant ELECAM, à ouvrir des démembrements dans les
chancelleries camerounaises préalablement sélectionnées pour abriter les
inscriptions et le vote, autant la reconnaissance de la double
nationalité requiert un amendement du code de la famille et donc une
nouvelle loi.
2°) Représentation des membres de la Diaspora au sein des institutions
de la République: Dans toute démocratie, le droit d’électeur d’un
citoyen s’accompagne toujours d’un droit d’éligibilité.
La mise en place prochaine du Sénat devrait permettre aussi à la
Diaspora d’y être représentée, soit directement par la voie du suffrage
universel soit indirectement par le contingent des 30% de ses membres,
désignés par le Président de la République, selon la constitution.
3°) Création d’une chambre de commerce internationale au sein de
laquelle se retrouveraient les entrepreneurs de la diaspora et ceux du
triangle national pour discuter, échanger, élaborer et proposer des
solutions destinées à améliorer leur intégration réciproque dans leur
environnement respectif. A défaut, l’actuel conseil économique et social
dont l’activité semble être en hibernation voire peu lisible, pourrait
renaître avec la présence de nouveaux acteurs issus de la Diaspora.
4°) Création d’un Secrétariat d’Etat, rattaché au MINREX, chargé de la
Diaspora, à l’instar des autres Secrétariats ayant pour compétence, la
Francophonie, le Commonwealth ou le Monde islamique. Ce Secrétariat aura
pour mission, entre autres, de coordonner toutes les actions de toutes
les administrations en direction de la Diaspora, de proposer à la
hiérarchie, les dispositions et textes réglementaires concernant cette
dernière.
5°) Création d’une Agence Nationale de l’Emigration « ANDE » dont les missions seraient multiples et variées:
• Promotion et facilitation des échanges, des investissements de la
Diaspora à travers un guichet unique centralisant toutes les démarches
requises par les administrations utiles;
• Constitution d’une base de données de compétences multisectorielles
dans laquelle, les entreprises chargées d’exécuter les projets dits «
structurants » viendraient, dans le cadre des quotas de personnels
réservés aux locaux, chercher les compétences absentes sur le triangle
national;
• Gestion des différentes initiatives personnelles ou associatives de la
diaspora en matière d’enseignements, de dons, médecine, etc … sur le
terrain (pendant leurs séjours) ou à distance (grâce aux applications
qu’offriraient les bienfaits de la fibre optique dans notre pays).
Fort de l’expérience passée, un boycott ne ferait qu’offrir, consciemment ou inconsciemment, un large boulevard au locataire du palais d’Etoudi, obérant au passage les conditions objectives de la restructuration politique post électorale qui interviendra à coup sûr dans notre pays.
La diaspora ne doit donc pas s’auto exclure dans cette future reconfiguration politique comme le fit le SDF en 1997 au grand profit des formations politiques comme l’UNDP, l’UPC, le MDR, lorsqu’il boycotta les élections présidentielles de cette année là, privant ainsi ses militants d’inscriptions, qui furent surpris plus tard par les élections législatives anticipées organisées par le pouvoir.