Cameroun : conditions pour combler les attentes des agriculteurs avec l'ouverture d'une nouvelle banque agricole (ANALYSE)
Cameroun : conditions pour combler les attentes des agriculteurs avec l'ouverture d'une nouvelle banque agricole (ANALYSE)
(Xinhuanet 20/01/2011)
YAOUNDE -- Avec une présence dans les zones rurales, des procédures simplifié pour l'octroi des crédits, un taux d'intérêt acceptable et une gestion saine, la future banque agricole dont le président camerounais Paul Biya a annoncé lundi l'ouverture dans un prochain avenir, pourra à terme combler les attentes des agriculteurs, selon les experts approchés mercredi par Xinhua.
« L'ouverture de cette banque constituera une aubaine pour les populations du monde rural. Dans nos différentes enquêtes menées sur le terrain, le problème de financement s'est toujours présenté comme majeur », a expliqué Evariste Ebolo Ebale, ingénieur agronome.
Les établissements de crédit classiques impliqués dans le financement de l'agriculture se limitent aux grosses unités agro- industrielles. Les petits acteurs ruraux, qui constituent l'essentiel du dynamique de production, ne bénéficient pas toujours des mécanismes de financement adaptés au secteur rural, avait indiqué à Xinhua le vice-Premier ministre en charge de l'Agriculture et du Développement rural, Jean Nkuété.
Pour faciliter l'accès aux services financiers adaptés, la nouvelle banque agricole doit être celle de proximité, implantée dans certains villages évolués par example, et non celle des grandes agglomérations, selon M. Ebolo Ebale. En plus, elle doit simplifier les procédures d'octroi de crédits et reduire le taux d'intérêt.
Il propose également que les échéances de remboursements tiennent compte des secteurs d'activités et des réalités du monde rural. "Un éleveur de poulets pondeuses verra son échéance de remboursement aller au-delà des 6 mois que dure l'élevage des poulets pondeuses. Pour une palmeraie, il faudrait arrêter l'échéance à 5 ans», explique-t-il.
Quant à la priorité des clients, Dimitri Alain Tabi, agroéconomiste, spécialiste en développement rural, propose les groupes productifs, ceux qui ont des plantations rentables, des projets en expansion et non en création.
« Ce n'est qu'au sein de ces groupes et dans ces conditions que les remboursements pourront être effectifs », dit-il.
Pour le volet des garantis, la nouvelle banque ne devrait pas s'appesantir sur celle du titre foncier, dont la majorité des planteurs ne disposant pas dans les zones rurales. Des garanties sur les actifs circulants ( tracteurs, atomiseurs, pulvérisateurs, etc.) devraient aussi être évitées, selon l'agroéconomiste.
En revanche, afin d'éviter des cas de non remboursement, « les bénéficiaires de crédits devraient accepter que la banque rentre dans leurs actifs tant qu'ils n'ont pas encore remboursé. Ils doivent en outre bénéficier d'un encadrement technique», suggère M. Tabi.
Cet avis est partagé le Dr Thomas Defo, enseignant chercheur à l'Université de Yaoundé II. Avec des clients tels que les groupes professionnels (en coopératives), "la banque pourrait rentrer en possession de ses fonds en saisissant leurs biens en cas de non remboursement", explique-t-il.
D'un ton pessimiste, Dr Defo insiste aussi que les gestionnaires de cette banque soient régulièrement soumis au contrôle de l'Etat afin d'éviter la faillite de la banque du fait de la corruption qui gangrène l'administration camerounaise.
Pour lui, il faut que les expériences malheureuses du passé ne se reproduisent. Le Fonds national de développement rural (FONADER) a été fermé en 1987 et le crédit agricole camerounais était tombé en faillite en 1995.
« Des gens qui n'étaient pas agriculteur avaient bénéficié des crédits qu'ils avaient utilisé à d'autres fins, provoquant la faillite de ces deux banques. Cette fois il faudra accorder des prêts aux gens qui connaissent ceux qu'ils font, c'est-à-dire les agriculteurs et éleveurs », dit-il.
La nouvelle banque, financée par les bailleurs de Fonds, doit fixer son taux d'intérêt des crédits en fonction du rendement afin de tirer profit ses activités de financement, ajoute-il.
Apart de la banque agricole, le président camerounais a également annoncé la mise en place d'une unité de production d'engrais, d'une usine de montage de machines, la réhabilitation des fermes semencières et la reforme foncière pour la relance de la filière agricole en hibernation.
«Avoir toutes ces structures ne suffit pas pour atteindre l' autosuffisance alimentaire. Il faut avant tout fixer des objectifs, élaborer des slogans de sensibilisation, galvaniser le monde rural, travailler pour avoir des débouchés mais surtout », affirme M. Defo.
Les performances de l'agriculture dans ce pays d'Afrique centrale à vocation agricole restent en deçà des attentes depuis des années 1990.
Une étude réalisée en 2010 par l'Association pour la Défense des intérêts collectifs (Addic) a révélé que l'Etat a dépensé entre 2004 et 2009 plus de 1500 milliards de FCFA (soit environ 2, 3 milliards d'euros) pour importer les denrées alimentaires.
Le Cameroun dépense environ 200 milliards [de francs CFA, environ 400 millions de dollars US] par an pour l'importation des céréales (riz, maïs, blé, mil, etc.), alors qu'il y a 10 ans il ne dépensait que 50 milliards (environ 100 millions de dollars US), selon les statistics du ministère du Commerce.
(Xinhuanet 20/01/2011)
YAOUNDE -- Avec une présence dans les zones rurales, des procédures simplifié pour l'octroi des crédits, un taux d'intérêt acceptable et une gestion saine, la future banque agricole dont le président camerounais Paul Biya a annoncé lundi l'ouverture dans un prochain avenir, pourra à terme combler les attentes des agriculteurs, selon les experts approchés mercredi par Xinhua.
« L'ouverture de cette banque constituera une aubaine pour les populations du monde rural. Dans nos différentes enquêtes menées sur le terrain, le problème de financement s'est toujours présenté comme majeur », a expliqué Evariste Ebolo Ebale, ingénieur agronome.
Les établissements de crédit classiques impliqués dans le financement de l'agriculture se limitent aux grosses unités agro- industrielles. Les petits acteurs ruraux, qui constituent l'essentiel du dynamique de production, ne bénéficient pas toujours des mécanismes de financement adaptés au secteur rural, avait indiqué à Xinhua le vice-Premier ministre en charge de l'Agriculture et du Développement rural, Jean Nkuété.
Pour faciliter l'accès aux services financiers adaptés, la nouvelle banque agricole doit être celle de proximité, implantée dans certains villages évolués par example, et non celle des grandes agglomérations, selon M. Ebolo Ebale. En plus, elle doit simplifier les procédures d'octroi de crédits et reduire le taux d'intérêt.
Il propose également que les échéances de remboursements tiennent compte des secteurs d'activités et des réalités du monde rural. "Un éleveur de poulets pondeuses verra son échéance de remboursement aller au-delà des 6 mois que dure l'élevage des poulets pondeuses. Pour une palmeraie, il faudrait arrêter l'échéance à 5 ans», explique-t-il.
Quant à la priorité des clients, Dimitri Alain Tabi, agroéconomiste, spécialiste en développement rural, propose les groupes productifs, ceux qui ont des plantations rentables, des projets en expansion et non en création.
« Ce n'est qu'au sein de ces groupes et dans ces conditions que les remboursements pourront être effectifs », dit-il.
Pour le volet des garantis, la nouvelle banque ne devrait pas s'appesantir sur celle du titre foncier, dont la majorité des planteurs ne disposant pas dans les zones rurales. Des garanties sur les actifs circulants ( tracteurs, atomiseurs, pulvérisateurs, etc.) devraient aussi être évitées, selon l'agroéconomiste.
En revanche, afin d'éviter des cas de non remboursement, « les bénéficiaires de crédits devraient accepter que la banque rentre dans leurs actifs tant qu'ils n'ont pas encore remboursé. Ils doivent en outre bénéficier d'un encadrement technique», suggère M. Tabi.
Cet avis est partagé le Dr Thomas Defo, enseignant chercheur à l'Université de Yaoundé II. Avec des clients tels que les groupes professionnels (en coopératives), "la banque pourrait rentrer en possession de ses fonds en saisissant leurs biens en cas de non remboursement", explique-t-il.
D'un ton pessimiste, Dr Defo insiste aussi que les gestionnaires de cette banque soient régulièrement soumis au contrôle de l'Etat afin d'éviter la faillite de la banque du fait de la corruption qui gangrène l'administration camerounaise.
Pour lui, il faut que les expériences malheureuses du passé ne se reproduisent. Le Fonds national de développement rural (FONADER) a été fermé en 1987 et le crédit agricole camerounais était tombé en faillite en 1995.
« Des gens qui n'étaient pas agriculteur avaient bénéficié des crédits qu'ils avaient utilisé à d'autres fins, provoquant la faillite de ces deux banques. Cette fois il faudra accorder des prêts aux gens qui connaissent ceux qu'ils font, c'est-à-dire les agriculteurs et éleveurs », dit-il.
La nouvelle banque, financée par les bailleurs de Fonds, doit fixer son taux d'intérêt des crédits en fonction du rendement afin de tirer profit ses activités de financement, ajoute-il.
Apart de la banque agricole, le président camerounais a également annoncé la mise en place d'une unité de production d'engrais, d'une usine de montage de machines, la réhabilitation des fermes semencières et la reforme foncière pour la relance de la filière agricole en hibernation.
«Avoir toutes ces structures ne suffit pas pour atteindre l' autosuffisance alimentaire. Il faut avant tout fixer des objectifs, élaborer des slogans de sensibilisation, galvaniser le monde rural, travailler pour avoir des débouchés mais surtout », affirme M. Defo.
Les performances de l'agriculture dans ce pays d'Afrique centrale à vocation agricole restent en deçà des attentes depuis des années 1990.
Une étude réalisée en 2010 par l'Association pour la Défense des intérêts collectifs (Addic) a révélé que l'Etat a dépensé entre 2004 et 2009 plus de 1500 milliards de FCFA (soit environ 2, 3 milliards d'euros) pour importer les denrées alimentaires.
Le Cameroun dépense environ 200 milliards [de francs CFA, environ 400 millions de dollars US] par an pour l'importation des céréales (riz, maïs, blé, mil, etc.), alors qu'il y a 10 ans il ne dépensait que 50 milliards (environ 100 millions de dollars US), selon les statistics du ministère du Commerce.
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