Cameroun: C’est Biya le problème !
Ouagadougou - 02 Septembre 2010
© Correspondance
Pour n’avoir pas sorti le Cameroun du trou, Paul Biya redoute sans doute une défaite à la prochaine présidentielle. Démettre ou jeter en prison, c’est le propre des régimes aux abois qui se débarrassent de partisans encombrants, et répugnent toute contestation.
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Pour n’avoir pas sorti le Cameroun du trou, Paul Biya redoute sans doute une défaite à la prochaine présidentielle. Démettre ou jeter en prison, c’est le propre des régimes aux abois qui se débarrassent de partisans encombrants, et répugnent toute contestation.
Au pouvoir au Cameroun depuis plusieurs décennies, Paul Biya avait été réélu au premier tour le 11 octobre 2004, suite à une élection présidentielle très contestée. Il avait obtenu près de 75% des voix. Le 10 avril 2008, l’Assemblée nationale a adopté un projet de loi sur la révision constitutionnelle avec 157 voix pour, 5 contre et 15 non votants. Très vite, ce projet a été critiqué par l’opposition. Car, il permet au chef de l’Etat camerounais de prétendre à un autre mandat à la fin de celui-ci en 2011. Et Paul Biya de toujours chercher à neutraliser les opposants. La moindre critique permet ainsi de les assimiler à des comploteurs. À cet égard, la thèse du complot récemment avorté est une véritable poudre aux yeux. Elle traduit la peur de l’adversaire, étant donné la prise de conscience d’un électorat de moins en moins acquis. Pour n’avoir pas sorti le Cameroun du trou, Paul Biya redoute sans doute une défaite à la prochaine présidentielle. Démettre ou jeter en prison, c’est le propre des régimes aux abois qui se débarrassent de partisans encombrants, et répugnent toute contestation. L’on se rappelle encore la grande brutalité du régime de Paul Biya qui, dans un passé récent, a réprimé sévèrement de paisibles manifestants. Ils avaient eu tort de dire un peu trop bruyamment qu’ils n’approuvaient pas le tripatouillage de la Constitutiona . La répression systématique, c’est aussi dans les habitudes d’un pouvoir qui se caractérise par le manque d’alternance et qui devient allergique à toute forme de critique. En particulier de la part des journalistes dont le rôle de contre-pouvoir est le plus souvent mal compris, ignoré et rejeté des dirigeants africains. A l’approche des élections, le chef de l’Etat camerounais voudrait-il, par peur, écarter des adversaires susceptibles de lui faire ombrage ? Les opposants camerounais semblent pourtant bien résignés. Ils semblent avoir décidé de baisser les bras face au chef de l’Etat qui paraît pourtant fatigué par l’usure du pouvoir. Quid alors de la démocratie ? Dans tous les cas, ce type de régime ne peut que créer une situation pouvant conduire le pays à vau-l’eau. De telles conditions génèrent inévitablement des vices comme l’achat de conscience et la corruption. Celle-ci se pratique du bas de l’échelle aux plus hautes sphères de l’État. Ainsi, les fonctionnaires notamment se sont mis à vendre leurs services. La corruption quotidienne est appelée Gombo, bière, taxi, carburant, motivation, le tchoko, etc. En déclenchant l’opération « Epervier », le régime Biya entendait épurer le pays de ses corrompus et corrupteurs. Quelques gros poissons ont sans doute été pris pour servir d’exemples. Toutefois, de nombreux autres nagent toujours. Ces opérations coups de poing donnent en même temps l’occasion au régime en place de régler des comptes. Une répression déguisée qui finit toujours par créer une psychose collective. Le climat politique en devient tel que les opposants les plus déterminés se ramolissent. Pourquoi donc le Cameroun, ce pays si riche en intellectuels de renom et en ressources naturelles, éprouve-t-il tant de mal à répondre à la demande sociale ? Pourquoi, cinquante ans après l’indépendance, le citoyen moyen souffre-t-il d’une épidémie comme le choléra qui décime les populations ? Pourquoi ce pays, véritable constellation de joueurs talentueux, ne dispose-t-il pas d’un bon stade de football ? Bref, autant de questions qui illustrent la déliquescence du régime Biya, devenu incapable de faire avancer le pays. Sur la thèse du complot, le doute reste permis. Elle risque néanmoins de décourager tout adversaire désireux d’affronter le chef de l’Etat à l’élection présidentielle prochaine. Sans doute le régime cherche-t-il à resserrer les rangs ? Mais pour avoir verrouillé le système et rendu la vie des institutions fort précaire, le pouvoir de Paul Biya ne peut que s’en prendre à lui-même s’il n’y a d’autre alternative que le coup d’Etat pour susciter l’alternance, qu’y peut-on ? Source: Quotidien "Le Pays", Burkina Faso |
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