Cameroun: Ces milliards impunément détournés dans les trésoreries générales
L’argent ne parle pas...
On se serait attendu que le rapport de la commission nationale anti-corruption, paru le 10 novembre 2011, comme cela a été le cas pour d’autres administrations épinglées, fasse autant de bruits en ce qui concerne la gestion des trésoreries générales de la République. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. A tel point que l’on semble avoir oublié que d’autres poches de détournement de deniers publics fleurissent au nez et à la barbe des pouvoirs publics.
Parmi ces poches, la Conac met en exergue « de graves atteintes à la fortune publique » qui sont perpétrées dans les différentes trésoreries générales de l’Etat. Les montants cumulés font état de milliards Fcfa distraits en un laps de temps. Et les noms des personnes indexées sont écrits en noir et blanc dans le rapport. De la page 135 à la page 143, des centaines de noms sont répertoriés. Pour la seule circonscription financière du Centre, cela fait 131 personnes accusées par la Conac d’avoir distraits plus de 2 milliards Fcfa. Mais, le record des détournements est détenu par la circonscription du Littoral qui engrange au total plus de 3 milliards Fcfa.
Les observations générales des missions de la Conac disent que ces pertes sont dues à l’insécurité, au tripatouillage sur le système informatique, au défaut de contrôle, et à l’absence de personnel qualifié. Ainsi donc, on accuse le laxisme des forces de l’ordre chargées de sécuriser les trésoreries générales, l’utilisation des procédures qui seraient en marge de l’orthodoxie financière, et des crimes perpétrés contre la fortune publique par les agents de l’Etat. Au-delà des recommandations faites par la Conac pour trouver des solutions pouvant au moins réduire considérablement ces phénomènes et leurs effets sur les caisses de la trésorerie, le rapport de la Conac interpelle une fois de plus l’administration centrale et les décideurs sur le caractère impuni de certains actes.
Le rapport qui continue de faire des vagues tout en donnant prétexte à la publication d’autres « affaires », révèle en effet que beaucoup de personnes nommément indexées sont encore en place, et peuvent donc être entendues, voire poursuivies. Dans le cas des malversations constatées dans les trésoreries générales, il est signalé que beaucoup de « ces agents véreux » sont en fuite. D’autres sont décédés. « Mais, il y en a qui ont été affectés à d’autres postes ou sont en attente dans différents services du ministère des Finances », mentionne le rapport qui souhaite que cette liste soit actualisée, afin que « tous les coupables soient rattrapés et répondent de leurs actes de forfaiture ».
Au ministère des Finances et dans différents services concernés, on rit sous cape. Ici, il se dit que c’est encore une bouteille jetée à la mer et qu’il n’existe aucun repère pour savoir où elle aboutira. Les moqueries fusent sur la « Conac et son rapport », certains fonctionnaires rencontrés étant persuadés que « ce sont des conneries ». Le ministère des Finances est volontiers qualifié par la Conac comme l’administration où le phénomène de corruption est le plus ancré. Mauvaise langue ou pas, le moment est enfin venu de se pencher sur les activités des agents de ce département ministériel qui, dans l’imagerie populaire, est en effet « trempé jusqu’au coup dans la corruption ».
Alain NOAH AWANA