Cameroun : Ces fléaux qui poussent les jeunes à l’exil
Source: Camer.be 22 06 2017
#BenjaminAmama Voilà ce que nous apprenons d’un fonctionnaire qui s’est confié à nous sous anonymat. En fait, ce n’est pas un secret, mais une réalité qui saute parfois aux yeux, sans que l’on ne soit absolument un analyste de haute dimension. Les frustrations, les déceptions et même les humiliations, voilà le lot quotidien des milliers de jeunes diplômés qui passent des jours et des jours à arpenter les ministères à la recherche d’une annonce, d’un concours.
Au Cameroun, le mérite ne suffit peut-être pas. D’autres considérations, parfois mystérieuses et irrationnelles rentrent aussi en compte dans les concours d?entrée dans les grandes écoles. Tout cela suffit à faire comprendre à ceux qui n’ont pas de parrains solidement enracinés dans les sphères de l’Etat qu’ils n’ont aucune chance de passer, même si de temps en temps, la providence fait qu’une place oubliée revienne à un fils de pauvre dans les concours administratifs.
Pour mieux comprendre ce qui se passe, nous prenons pour exemple le bras de fer qui avait opposé Benjamin Amama alors ministre de la Fonction Publique et de la réforme Administrative à Inoni Ephraïm, Premier ministre à l’époque. En effet, en février 2006, Benjamin Amama ordonne l’annulation des résultats d’un concours d?entrée à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) pour le compte de l’année académique 2005/5006. Une décision motivée par le rapport effectué en janvier 2006 par la commission d’enquête et de clarification des conditions d’organisation des concours d?entrée à l’Enam. Alors qu’il tentait ainsi de rattraper la fraude constatée lors de ces examens, Benjamin Amama Amam sera désavoué plus tard par le Premier Ministre. En effet, le 15 février 2006, Jules Doret Ndongo, alors le Secrétaire général des services du Premier ministre, adresse une note à Benjamin Amama Amam, lui demandant de revoir sa décision d’annulation. Les résultats de ces concours furent plus tard validés par le Directeur général de l’Enam de cette année là, Benoît Ndong Soumhet. Un revirement qui n’occulte visiblement pas l’existence de réseau mafieux d’entrée dans les grandes écoles au Cameroun. Il faut comprendre que Benjamin Amama s'était mis à dos de puissants réseaux de corruption gênés par l'impitoyable chasse aux fonctionnaires fictifs à laquelle il s'était livré de 2004 à 2006, en tant que ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative. Soupçonnant des fraudes et malgré les pressions du chef du gouvernement, il s'était obstiné à refuser de valider les résultats du concours d'entrée à l’ENAM.
Dans une telle société qui ne garantit pas l’équité et la justice là où elle est possible, comment alors s’étonner que les jeunes cherchent tous à aller voir ailleurs. Dans leur Lettre pastorale sur la corruption, les Evêques du Cameroun avaient tiré la sonnette d’alarme, sur la nécessité de jeter les bases d’une société juste : « La corruption engendre une société injuste qui ne garantit plus l'égalité des droits et des chances pour ses citoyens. Elle crée un climat de suspicion et de méfiance entre les individus, elle les condamne à vivre dans la peur et l'insécurité (…) Notre jeunesse, il faut le répéter, est ainsi de plus en plus convaincue que la réussite est moins dans l'effort et la recherche de l'excellence que dans la capacité d'user de son pouvoir et de son avoir pour corrompre (…).
Ce sont bien sûr les enfants de familles riches qui peuvent acheter les places intéressantes et donner les pots-de-vin nécessaires pour obtenir les diplômes. Mais quelle est la valeur réelle de tels diplômes, puisqu'en réalité ces fraudeurs n'ont rien appris ni acquis une quelconque compétence? Quel avenir sommes-nous en train de préparer, quelle élite sommes-nous en train de former? Jusqu’au moment où nous allions sous presse, aucune réponse plausible et convaincante n’a encore été donnée à cette question.