Cameroun. Ces éperviables qui ont pris la fuite?
Assene Nkou
Au début des années 2000, la simple évocation du nom de cet opérateur économique du segment de l’aviation civile renvoyait à la réussite. Mais pas seulement, à la capacité de reconversion de certains agents de l’Etat dans les affaires aussi. Puis un jour patatras ! Jean Marie Assene Nkou est cité dans la foireuse affaire d’acquisition d’un avion présidentiel auprès de Boeing par l’intermédiaire de Gia International. Jusque-là, on connaissait dans l’affaire dite du Bbjet, des poids lourds de la vie publique au Cameroun comme Marafa Hamidou Yaya et Yves Michel Fotso. Mais quelques sirènes présentent les promoteurs de la Nacam (une petite société de transport aérien) comme intervenant majeur entre l’Etat du Cameroun et Gia International. Pis, qu’Assene Nkou a touché illégalement des commissions dans la transaction. Les admirateurs du « balaise » dont l’énorme gabarit ne laisse personne indifférent dans les milieux huppés de Yaoundé n’en croient pas leurs oreilles. Mais les nouvelles sont d’autant plus mauvaises pour lui que le temps passe. Elles sont mêmes pires lorsqu’en décembre 2010, Yves Michel Fotso est arrêté et détenu à la prison de Kondengui à Yaoundé. L’entourage du «brave » fils du Nyong et Mfoumou, département dont il a été député, redoute de voir son proche suivre les traces du milliardaire de Bandjoun. Le pouvoir de Yaoundé prépare déjà ce scénario qui aurait pu prendre corps le 17 avril 2012, date de l’arrestation de l’ex-ministre Marafa Hamidou Yaya et de l’ex-Premier ministre, Inoni Ephraim. Mais les forces de sécurité doivent déchanter. Assene Nkou ne répond pas à la convocation du juge Magnenguemabe qui a déjà préparé sa mise en détention. Il est introuvable à son domicile et ne se présentera à aucune audience du procès ouvert le 17 juin 2012. Il est condamné en son absence à 25 ans de prison ferme. La chronique mondaine le dit en fuite en Europe. Depuis lors, pas de nouvelle de l’homme d’affaires. Il a choisi de faire le mort. En attendant que la bourrasque passe ?
Ambassa Zang
C’est la véritable star parmi les dignitaires ayant choisi « de prendre les sissonghos ». Contrairement à Assene Nkou, néo-fuyard, l’ex-ministre des Travaux publics est plutôt très prolixe dans les journaux. Il utilise le canal des réseaux sociaux pour accorder interview, publier des tribunes ou réagir sur certains faits saillants de l’actualité nationale dans les journaux. Parti du Cameroun en 2008, à la veille d’une réunion du bureau de l’Assemblée nationale devant plancher sur la levée de son immunité parlementaire sur demande du procureur de la République, Dieudonné Ambassa Zang devait avouer quelque temps plus tard avoir « fui » son pays pour se soustraire à la justice à la suite d’accusations de détournements de deniers publics liés aux travaux de réhabilitation du pont sur le Wouri (mars-juin 2006) et, par la suite, à l’audit de sa gestion des exercices 2003 et 2004 de juillet 2006 à août 2007 du temps où il était ministre des Travaux publics. Le parquet du Tgi de Yaoundé lui imputait la distraction de près de 10 milliards Fcfa au total. Ce qu’a toujours nié Ambassa Zang, arguant que les observations mises à sa charge auraient pu être levées si les éléments de réponse qu’il avait donnés, et appuyés de pièces justificatives probantes avaient fait l’objet d’une exploitation judicieuse. On le dit tantôt aux Etats-Unis, tantôt au Canada dans une relative quiétude. Les poursuites n’ont pas été abandonnées contre lui. Ce qui sous-tend que l’ex-ministre des Travaux publics et ex-vice président du Comité de pilotage des chantiers routiers (Copisur) et député déchu de son Mefou Afamba natal, ne retournera pas au Cameroun sous peu.
Isaac Njiemoun
L’ex ministre des Postes et télécommunications était régulièrement aperçu dans les rues de Yaoundé à bord de taxis ou à pied durant les trois années de son procès. On le disait dépourvu de moyens financiers pouvant lui permettre de s’offrir un minimum de confort matériel dû au rang d’ancien ministre et ancien directeur général de la Caisse autonome d’amortissement (Caa) qui gère le service de la dette de l’Etat. Mais ses pourfendeurs accusaient ce fils du département du Noun présenté au début des années 2000 comme un des protégés du Sultan Bamoun de dissimuler la fortune amassée par le biais de détournements de deniers publics et notamment les prébendes tirées des prélèvements de la Taxe spéciale sur les produits pétroliers (Tspp) opéré dans le cadre du lancement des chantiers routiers Yaoundé-Kribi et Ayos-Bertoua en 1995. Les juges partagent, en tous cas, cet avis puisqu’il a été condamné avec Titus Edzoa et Michel Atangana par le Tgi de Yaoundé à 20 ans de prison ferme pour le détournement d’un peu plus d’un milliard Fcfa de Tssp reversé par des entreprises pétrolières opérant au Cameroun. Isaac Njiemoun qui clame son innocence était absent du tribunal le jour du verdict. Malgré le mandat d’arrêt décerné contre lui à l’audience du 4 octobre 2012, il n’a jamais été interpellé. Ses avocats disent ne pas avoir de contact avec lui depuis lors. On le dit en fuite hors du pays. Même si de nombreux voisins de ce haut commis d’Etat au quartier Maison blanche de Biyem-assi à Yaoundé croient l’apercevoir souvent dans la rue…
Dans le même sillage, on cite Rodrigue Nsoé Mbella coaccusé d’Urbain Olanguena Awono porté disparu alors qu’il était extrait pour l’instruction de son affaire au palais de justice de Yaoundé Centre-administratif. Les avocats de l’ex-ministre de la Santé accusent le parquet de l’avoir laissé fuir alors que sa présence au procès aurait pu être déterminante pour blanchir leur client. Un autre, Eyébé Lebogo, homme d’affaires qui aura été interpellé et placé en détention à Kondengui dans l’affaire Gilles Roger Belinga au Crédit foncier en 2006 est accusé d’avoir quitté le Cameroun paradoxalement après son séjour en prison. Après sa relaxe, à la fin de son procès, l’ex président du Canon de Yaoundé a choisi de quitter le Cameroun pour se mettre à l’abri d’un éventuel rebondissement.
Rodrigue N. TONGUE