Cameroun - Centrafrique : Henri Pascal Bolanga , Le «sorcier» camerounais de François Bozizé
Cameroun - Centrafrique : Henri Pascal Bolanga , Le «sorcier» camerounais de François Bozizé
L’ancien présentateur vedette à Africa N°1 et conseiller en communication du président centrafricain, gère désormais l’image de la Rca.
Aujourd’hui, Henri Pascal Bolanga (Hpb) est sans
doute le personnage le mieux placé dans l’establishment centrafricain
pour aider un journaliste à obtenir l’interview de François Bozizé. Ce
Camerounais de 44 ans a, du reste, toujours une place dans l’avion
présidentiel lors des voyages officiels de son patron à l’étranger. Au
Palais de La Renaissance, à Bangui, le général président, selon ses
dires, le reçoit au moins une fois par semaine. C’est que l’ancien
présentateur vedette à la radio «africaine» «Africa n°1» occupe une
fonction très «sensible» auprès du successeur d’Ange Félix Patassé. Peu
de personnes savent pourtant que c’est lui qui organise toutes les
interventions médiatiques de François Bozizé.
Homme de l’ombre, HPB, comme l’appellent encore affectueusement les
nostalgiques auditeurs d’«Africa n°1», se fait discret. Le 24 septembre
2010, les téléspectateurs de «La Voix de l’Amérique» l’ont tout de même
aperçu dans les studios new-yorkais de la chaîne, quelques minutes avant
l’interview de François Bozizé par Nicolas Pinault. C’était idem dans
les locaux de la télévision «Africa 24» à Paris, il y a quelques mois.
Le même Henri Pascal Bolanga a organisé l’entretien de cet homme d’Etat
sur la télévision «France 24» le 13 juillet 2010. Ainsi, des interviews
aux déclarations de son maître, Henri Pascal Bolanga veille au grain
depuis qu’il a été nommé conseiller en communication à la présidence de
la République centrafricaine (Rca).
Une «bonne nouvelle» que ce natif de Douala
apprendra le vendredi 11 avril 2008, par téléphone, alors qu’il se
trouve à Libreville, au Gabon, son pays de résidence depuis 1992.
«Monsieur le conseiller en communication à la présidence de la
République, je vous félicite», entendra-t-il de son prédécesseur,
Cyriaque Gonda (qui deviendra ministre de la Communication avant de
tomber en disgrâce en 2010). Dès ce jour, sa vie changera du tout au
tout. Entre raideur protocolaire et missions de bons offices, l’ancien
animateur radio creuse son sillon à Bangui. Car, celui que les
«Banguissois» appellent respectueusement «Monsieur le Ministre
conseiller» est désormais un homme de pouvoir.
Comme tout ministre, il dispose d’un cabinet. Mais, à la différence des
autres, ses bureaux sont logés au Palais de La Renaissance, le palais
présidentiel centrafricain. La vingtaine de collaborateurs de Hpb est
essentiellement composée de journalistes, de vidéastes et de
photographes. Le Camerounais règne, en somme, sur une véritable galaxie
de reporters. Preuve, s’il en est, de ce que Hpb demeure un homme de
média avant tout. Le ministre conseiller qu’il est aujourd’hui, anime
d’ailleurs deux talk shows sur «Télé Centrafrique»: «52 minutes pour
convaincre» et «Bangui magazine». Des émissions qu’il «présente quand il
a le temps». Car le président Bozizé peut le solliciter à tout moment.
Désinformation
Au quotidien, Hpb veille sur l’image de marque de la Rca et sur
celle de son président. Pour cela, le premier réflexe du «‘sorcier
noir’ de Bozizé», comme le surnomme ironiquement le site d’information
«Centrafrique-presse.com», consiste à rechercher sur Internet ce qui est
écrit sur le pays qui a vu naître Jean-Bedel Bokassa et David Dacko. Il
arrive au Camerounais de faire des mises au point pour rétablir la part
de vérité de l’Etat centrafricain. La gestion du site web officiel de
la présidence de la République centrafricaine lui échoit également,
ainsi que la publication de «La lettre du Palais de La Renaissance», un
magazine institutionnel consacré aux activités du président de la Rca.
C’est aussi ses services qui conçoivent les calendriers, les agendas et
les supports papiers aux couleurs de la présidence de la République.
En tant que conseiller en communication du premier centrafricain, Hpb a initié «Les trophées de la Renaissance», sous le patronage de François Bozizé. Un évènement culturel majeur qui aura fait converger vers Bangui de grands noms de la scène africaine et centrafricaine, telle la diva ivoirienne Monique Seka, au grand bonheur des «Banguissois». Le président Bozizé et les dignitaires du régime assisteront à la soirée de clôture de cette première édition en mars 2010. En ce moment, Henri Pascal Bolanga constitue véritablement la tête de proue de l’offensive médiatique du pouvoir de Bangui. Une offensive qui a pris un coup d’accélérateur depuis que la disparition de Charles Massi a quelque peu écorné l’image du régime Bozizé. L’épouse de ce rebelle centrafricain avait révélé à l’Agence France Presse qu’il serait «mort des suites de tortures» à Bossembelé en Rca.
L’on peut donc comprendre que le «marabout camerounais» de François Bozizé consacre tout un magazine people à l’amélioration de l’image de marque de la Rca. Le directeur de publication de «In Centrafrique», qui a publié son 5è numéro en septembre dernier, le conçoit lui-même, comme une «vitrine promotionnelle pour confondre les spécialistes de la désinformation et de la propagation de fausses nouvelles qui veulent à tout prix occulter le changement intervenu dans ce pays depuis le 15 mars 2003 (date de la prise de pouvoir de F. Bozizé, à la suite d’un coup de force militaire, ndlr)».
L’aventure centrafricaine de Hpb commence en juin
2007. A l’époque, il dirige Tekla Communications, un cabinet de conseil
en communication qu’il a créé à Libreville après son départ de «Africa
n°1» en 2004. Il anime aussi un talk show quotidien diffusé en prime
time sur «Tv+», une télévision gabonaise. Hpb jouit déjà d’une
expérience de trois années dans l’évènementiel. Car, la capitale
gabonaise servait alors de cadre à d’innombrables conférences
internationales. Sur recommandation de Vincent Mamba Chaka, promoteur de
l’espace culturel «Dingatere» à Bangui, «Tekla Communications» est
contacté par la présidence de la Rca pour organiser le premier club de
presse à Bangui. C’est en fait un échange de 2 heures 30 entre F. Bozizé
et 15 journalistes africains triés sur le volet. A son arrivée à
Bangui, Hpb apprend que «on» (F. Bozizé?) souhaite que ce soit plutôt
lui qui joue le rôle de modérateur.
A la fin des débats, l’aide de camp du président de la Rca lui annonce
que ce dernier l’attend. Très intrigué, «l’enfant terrible» de Njo-Njo à
Douala écoute le président lui dire: «la Rca a besoin d’hommes comme
vous». François Bozizé lui demande alors s’il serait disposé à
travailler pour le pays. Ce à quoi le Camerounais répond «oui!» sans
hésitation. Mais son employeur se garde bien de lui dire quel rôle exact
il pourrait jouer auprès de lui. Hpb retourne à Libreville où il
poursuit normalement ses activités. Il sera sollicité de temps en temps
par le locataire du palais de La Renaissance pour organiser d’autres
évènements. Sa mission en Rca ne prendra finalement forme qu’en avril
2008, lorsqu’il apprend sa nomination par téléphone.
A l’Université de Yaoundé où il s’inscrit en 1988, il se distinguera en organisant, aux éditions Papyrus, la première conférence publique de l’écrivain pamphlétaire Mongo Béti, après son retour d’exil en 1989. C’est une consécration pour cet étudiant en Lettres modernes françaises qui préside aux destinées du cercle de littérature de sa faculté. Malgré ces lauriers, le jeune homme décide d’interrompre ses études alors qu’il est en année de licence. «Notre formation était fortement dévaluée et les épreuves étaient très souvent vendues aux étudiants avant les examens», explique-t-il à Mutations le 6 novembre dernier à Douala. Il était venu prêter main forte au consul de Rca à Douala, Dénis Magnonde, à la suite des violentes scènes d’émeutes dont les services de celui-ci ont été le théâtre.
Omar Bongo
En 1990, Hpb regagne Douala où il officiera sur les ondes
provinciales de la radio nationale. Avec son ami de toujours, le
journaliste Théodore Kayesse, il présente «Canal culture» jusqu’en 1991.
Ils sont également rédacteurs à l’hebdomadaire «La détente» pendant 2
années. Douala est alors paralysée par les émeutes de la «ville morte»
et une répression féroce de la soldatesque. Hpb choisit de repartir au
Gabon en 1992. Il ambitionne d’y poursuivre ses études à l’Université
Omar Bongo de Libreville. Mais, du fait que l’administration refuse de
prendre en compte ses 3 années d’université, l’obligeant à s’inscrire en
1ère année, il arrête définitivement ses études.
Sigma Communication, cabinet conseil spécialisé dans la communication
stratégique au profit des entreprises et du Gouvernement gabonais,
l’embauche alors. Il collabore aussi au quotidien national «L’union»
pendant 6 mois. Puis vient 1994. «Africa n°1» lance un concours pour le
recrutement de 6 animateurs. Hpb s’abstient d’abord de s’y présenter.
Subodorant que seuls des Gabonais seront reçus.
Mais, sur insistance de l’un de ses proches, il
change d’avis. Finalement, il sera retenu sur plus de 300 candidats. Il
commence par présenter «Transafricaine» et «Trajectoire» avant de
piloter «Croisière». Cette dernière émission de globe trotter le
conduira vers plus de 40 capitales africaines, dont Yaoundé.
Le programme est un véritable couronnement pour Hpb. Ses performances
lui vaudront d’ailleurs l’Oscar gabonais de la meilleure émission radio.
Pas encore marié, Hpb reste un cœur à prendre. Il a un fils, Ivane. Agé
de 14 ans, celui-ci est rentré au Cameroun cette année et fréquente un
séminaire catholique dans la périphérie de Douala. En devenant le sherpa
de François Bozizé, Hpb démythifie quelque peu le conseil en
communication des chefs d’Etats. Une activité très lucrative dont on a
souvent l’impression, sous les tropiques, qu’il est du domaine réservé
de ceux que l’on surnomme les «sorciers blancs». Et ainsi, une fois de
plus, c’est de l’extérieur que vient la reconnaissance d’un talent
camerounais. Après le palais de La Renaissance, le palais de l’Unité?