CAMEROUN - CASSES à YAOUNDE : BARBARIE ET ACCENTUATION DE LA LUTTE DES CLASSES

La stratégie gouvernementale de communication sur les destructions des biens des petites gens à Yaoundé, consiste à faire désigner le Délégué du Gouvernement, M. TSIMI EVOUNA, comme l’unique responsable de ce que d’aucuns qualifient de guerre contre les pauvres. La réalité est toute autre. M. TSIMI EVOUNA, comme d’ailleurs la vingtaine de délégués qui trônent à la tête des principales villes du pays, n’est pas un élu du peuple. Il est nommé par décret du Chef de l’Etat pour contourner le vote populaire et appliquer la politique du Gouvernement. C’est donc bien le Gouvernement qui est le promoteur de la politique que M. TSIMI EVOUNA met en œuvre à Yaoundé. Le fait que les agissements condamnables de M. TSIMI EVOUNA n’aient suscité aucune réprobation ni du Ministre de l’Administration Territoriale, son chef hiérarchique, ni du Chef du Gouvernement, ni à fortiori du Chef de l’Etat, sans parler des autres ministres et des dirigeants du parti au pouvoir, prouve que        M. TSIMI EVOUNA exécute bien sa mission et qu’il est bien en phase avec la politique d’un gouvernement et d’un régime dont il n’est d’ailleurs que le Délégué. Certes, trahi par son caractère frondeur et provocateur, M. TSIMI EVOUNA donne parfois l’impression de n’en faire qu’à sa tête, cristallisant ainsi les colères et les frustrations des victimes de son action sur sa personne, il n’en demeure pas moins que les actes que pose le Délégué du Gouvernement TSIMI EVOUNA correspondent en tous points à la politique de gestion des villes voulue par le Gouvernement et le RDPC.

BARBARIE AU SERVICE DES PUISSANTS

La manière dont s’opèrent les destructions qui rythment l’action du Délégué de Yaoundé, relève de la barbarie et de la sauvagerie. Après NTABA et ETETAK où 10.000 personnes furent jetées dans la rue, les destructions qui ont précédé la visite de Benoît XVI ont concerné 100.000 personnes, de l’aveu de M. TSIMI EVOUNA lui-même. Q’est-ce qui peut justifier un tel acharnement à punir les pauvres, les faibles, bref les déclassés sociaux ?

Le Délégué du Gouvernement répond : « il a mission d’embellir Yaoundé ». Soit. Mais qu’a-t-on prévu de faire de ces centaines de milliers de citoyens dont on a détruit outre le peu de biens qui entretenaient leur survie, mais plus grave, le peu de dignité humaine qui leur restait ? La mission du Gouvernement ne consiste-t-elle pas à assurer au quotidien, sécurité et bien-être à l’ensemble des citoyens du pays ?

Il est évident que pour les dirigeants kamerunais et le parti au pouvoir, la réponse à cette question fondamentale est négative. Si ce n’était pas le cas, on aurait essayé au moins de faire aussi bien que les personnes auxquelles se refèrent régulièrement M. TSIMI EVOUNA. M. HAUSSMANN par exemple, qui était Préfet sous Napoléon, détruisit 30.000 logements pour élargir les rues du centre de Paris mais en construisit 40.000 en guise de compensation. A Tripoli, la capitale de Libye, le Colonel KADHAFI construisit un quartier moderne avec près de 20.000 logements avant de raser le bidonville qui enlaidissait le centre de la ville. Il y a des signes et des pratiques qui ne trompent pas. Yaoundé manque de marchés, de gares routières, de toilettes publiques, d’une ou plusieurs usines de traitement des ordures, de logements sociaux, de terrains de sport populaire, sans parler d’une route périphérique comme à Garoua par exemple, d’un tramway etc. Ces réalisations, qui devraient préoccuper prioritairement le Maire d’une grande ville ne sont pas à l’ordre du jour chez nos délégués du Gouvernement.

Casse à Yaoundé : camer.be

Ce qui intéresse véritablement le Délégué du Gouvernement à Yaoundé, c’est certes l’embellissement du centre ville et des quartiers chics, réservés à l’élite nantie mais c’est surtout de chasser de la vue des riches, puissantes et nanties élites de la capitale, les gueux et les pauvres qui encombrent les chaussées, gênent la circulation de luxueuses et grosses cylindrées, créent un sentiment d’insécurité et enlaidissent leurs beaux quartiers résidentiels et d’affaires.

Ce n’est pas un hasard si les premières actions de démolitions des « débrouillards » ont commencé à Bastos, quartier mythique de la haute bourgeoisie politique, administrative, commerçante et diplomatique. L’expression qu’utilisa alors M. TSIMI EVOUNA au sujet des victimes déguerpies est « va-nu-pied ». Ces derniers furent accusés d’enlaidir Bastos et de faire du bruit sans arrêt, empêchant de ce fait les bourgeois de jouir de la tranquillité due à leur position sociale.

Le caractère de classe de la politique que mène le Délégué du Gouvernement de Yaoundé est avéré. Il s’agit, pour le Gouvernement du RDPC et ses alliés UNDP, UPC, MDR et ANDP, après avoir circonscrit le Yaoundé utile, de le débarrasser des pauvres, en majorité jeunes d’ailleurs, de les renvoyer dans les quartiers périphériques, actuels et futurs bidonvilles ; il sera alors plus facile de consacrer l’essentiel du budget de la Communauté Urbaine au Yaoundé utile, pour y aménager des lieux propres et beaux , genre Parc Ste Anasthasie où les pauvres sont exclus vu la chèreté des prestations qui y sont proposées.

La beauté des villes est un thème séduisant. Mais à quoi servent les jets d’eau, les espaces fleuris, les décorations à coût de centaines de millions lors des fêtes de fin d’année, alors que la majorité des habitants de Yaoundé manquent d’eau potable (au fait à quand les bornes -fontaines dans les quartiers populaires ?), de dispensaires, d’assainissements élémentaires genre évacuation des eaux usées, égouts etc., de toilettes publiques, de terrains de sport pour un sain divertissement des jeunes, de parcours vita pour le sport d’entretien, de bibliothèques, de maisons de culture. De ne point se préoccuper de ce qui améliorerait la vie de la très grande majorité des deux millions d’habitants que compte Yaoundé montre bien que les priorités du Gouvernement sont ailleurs. Le sort des populations démunies et pauvres ne les intéresse point. Le pouvoir RDPC et ses alliés préfèrent résoudre les problèmes de la minorité nantie.

UN CRIME PAS TOUT A FAIT PARFAIT.

Par leur ampleur, par la violence qui les a caractérisés, par les drames humanitaires qu’ils ont déclenchés, les actes de destruction de NTABA, ETETAK et ceux de la période qui a précédé l’arrivée du Pape Benoît XVI à Yaoundé, sont constitutifs de crimes contre l’humanité. Le Gouvernement Kamerunais doit dont s’attendre à répondre à ce crime-là devant la Cour Pénale Internationale et devant le peuple kamerunais lorsqu’il aura recouvré la plénitude de sa souveraineté. Il est surprenant que ni le Pape, ni l’Archevêque métropolitain de Yaoundé, n’aient pas prononcé un seul mot de dénonciation ou de protestation devant de tels drames humanitaires. Ceci est d’autant plus surprenant que le prétexte de ces crimes était la préparation de la visite du Pape.

Les centaines de milliers de personnes pour la plupart jeunes, qui ont été jetés dans la rue, sont des citoyens que le système économique et social de notre pays a marginalisés. Beaucoup de ces jeunes sont d’ailleurs diplômés de l’Enseignement Secondaire et Supérieur, et n’ont trouvé sur leur chemin que chômage et exclusion. S’étant fabriqué une petite activité, forcément informelle, voilà que le régime RDPC les punit une deuxième fois au prétexte qu’ils enlaidissent nos villes. Rien en revanche ne leur est proposé. Ni emploi salarié, ni accompagnement social, rien sinon des discours vides de sens et des destructions, des assassinats lorsqu’ils résistent ou expriment leur colère. On espère peut-être les broyer à jamais. C’est ignorer les leçons de l’Histoire ; c’est aussi mal connaître notre Jeunesse. Formée à l’école de la résistance à l’adversité et de la débrouille, notre Jeunesse a clairement identifié son adversaire. Elle a donné un avant goût de sa capacité de résistance en février, 2008. La panique qui s’est alors emparée du régime l’a conduit à massacrer plus de 100 jeunes citoyens kamerunais.

L’acharnement répressif du régime RDPC contre la jeunesse qui se bat dans l’informel est en contradiction avec les intérêts bien compris des classes dominantes. En effet, le secteur informel contribue pour plus de 52% dans la formation du PIB, en plus d’être une véritable soupape contre le chômage.

Fragiliser le secteur informel alors qu’on n’a pas prévu de solutions de rechange traduit en réalité la radicalisation et le repli sur soi de la frange hyperconservatrice du clan au pouvoir. Les ultraconservateurs voient la subversion dans tout ce qui bouge et essaient d’imposer la docilité à une Jeunesse en colère afin de prévenir tout « débordement ». C’est dans ce sens que les casses de Yaoundé sont une étape nouvelle de la lutte des classes dans notre pays. Dans leur souci de conserver le pouvoir politique et l’essentiel des biens de la Nation, incapables qu’ils sont d’offrir un peu de bien-être à la majorité de notre Peuple, les ultraconservateurs qui ont confisqué l’appareil d’Etat, ont entrepris de faire la guerre aux pauvres et à tous les déclassés sociaux. Le pari est osé mais il est surtout suicidaire. Le match ne fait que commencer.

© Correspondance de : ABANDA KPAMA,Membre du Bureau Politique du Manidem
Paru le 04-04-2009 00:54:24


05/04/2009
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