Cameroun: Bozizé, un pion de Biya pour contrer Déby
Douala, 08 mai 2013
© Frédéric BOUNGOU | Le Messager
Le président camerounais semble vouloir utiliser l’ancien homme fort de Centrafrique pour contenir l’ambition hégémoniste de son voisin tchadien. Ce qui pourrait expliquer le traitement de faveur réservé par Yaoundé au président déchu à la lumière des enjeux politiques sous-régionaux de l’heure. Décryptage.
La nouvelle qui circulait depuis quelques jours vient d’être confirmée par notre confrère Le Jour, édition du lundi, 6 mai 2013. François Bozizé n’est plus logé à la suite 110 du Hilton Hôtel de Yaoundé, où il avait trouvé refuge après avoir été chassé de Bangui par les rebelles de la Séléka en mars dernier. Le président déchu de la Centrafrique a donc été logé avec sa famille, dans une villa présidentielle non loin de l’ambassade des Etats-Unis, au très résidentiel quartier du Golfe à Yaoundé aux bons soins de la Princesse.
Cette information a de quoi surprendre. D’autant plus que parti précipitamment de la capitale centrafricaine via Batouri, le chef-lieu de la Boumba et Ngoko, François Bozizé était annoncé par les officiels camerounais, notamment par le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, en transit au Cameroun. « Le président Bozizé a trouvé refuge au Cameroun en attendant son départ vers un autre pays d’accueil ». Comme points de chute probables, on citait alors le Bénin, Le Togo ou le Maroc… Qu’est-ce qui s’est donc passé pour que le Cameroun décide finalement de loger l’encombrant hôte dans cette villa plutôt qu’au Hilton Hôtel en attendant son départ ?
Est-ce à dire que le Cameroun lui a accordé l’asile politique ? Dans le sérail, une source généralement bien informée nuance : « Il a introduit une demande d’asile qui est actuellement en étude dans les services compétents ». De mémoire de journaliste, aucun ancien dirigeant de pays de la sous-région n’a jamais bénéficié d’un tel traitement de faveur. Ni Patassé renversé par le déchu d’aujourd’hui en 2003 ni Hissène Habré chassé du pouvoir par l’homme fort actuel du Tchad en 1990, à qui le gouvernement camerounais n’avait accordé que quelques jours pour se trouver un pays d’accueil.
Privilège rare
Mieux, François Bozizé est le seul de ces présidents déchus à avoir été reçu par Paul Biya après sa chute. Un privilège rare. Autant que l’autorisation qui lui a été accordée de s’adresser aux médias alors qu’en pareilles circonstances, l’hôte est tenu au devoir de réserve. Faisant fi de ces usages, Bozizé va et vient, assiste à la messe du dimanche à la cathédrale Notre-Dame des Victoires de Yaoundé, accorde des interviews à la télé, reçoit des affidés, tient des réunions de son parti, etc. Tout cela est-il innocent ?
Selon des indiscrétions glanées dans les allées du pouvoir de Yaoundé, François Bozizé peut s’avérer un pion utile le moment venu. Notamment pour freiner les ambitions de leadership de son voisin tchadien, Idris Déby Itno, nouveau faiseur de roi en Afrique centrale ? Cette thèse apparaît vraisemblable. Méfiant, Yaoundé peut en effet vouloir mettre la pression sur les nouvelles autorités de Bangui et par conséquent sur leurs parrains réels ou supposés.
Rôle d’épouvantail
A en croire nos sources au sein du sérail, le régime camerounais verrait en effet d’un mauvais œil, le nouveau pouvoir de Bangui et surtout, craindrait d’y voir s’installer un appareil gouvernant constitué de radicaux religieux et qui pourrait, à terme, constituer une menace pour la stabilité du Cameroun. Théorie farfelue ? Pas sûr, surtout si on prend en compte la conjoncture politique interne du Cameroun et l’actualité sous-régionale. Bozizé apparaîtrait donc ainsi, non plus comme un colis encombrant, comme ont pu l’être Patassé ou Hissène Habré, mais bien un pion… politique que Paul Biya pourrait si besoin s’impose, pousser sur l’échiquier sous-régional.
Ce qui est sûr, c’est qu’un tel rôle d’épouvantail n’est pas pour déplaire pas à un François Bozizé qui rêve toujours de reconquérir le pouvoir qui lui a été arraché par la Séléka. Connu pour son cynisme politique, Biya pourrait très bien exploiter cette volonté de Bozizé à l’insu de son plein gré pour arriver… à ses propres fins.
Frédéric BOUNGOU
© Frédéric BOUNGOU | Le Messager
Le président camerounais semble vouloir utiliser l’ancien homme fort de Centrafrique pour contenir l’ambition hégémoniste de son voisin tchadien. Ce qui pourrait expliquer le traitement de faveur réservé par Yaoundé au président déchu à la lumière des enjeux politiques sous-régionaux de l’heure. Décryptage.
La nouvelle qui circulait depuis quelques jours vient d’être confirmée par notre confrère Le Jour, édition du lundi, 6 mai 2013. François Bozizé n’est plus logé à la suite 110 du Hilton Hôtel de Yaoundé, où il avait trouvé refuge après avoir été chassé de Bangui par les rebelles de la Séléka en mars dernier. Le président déchu de la Centrafrique a donc été logé avec sa famille, dans une villa présidentielle non loin de l’ambassade des Etats-Unis, au très résidentiel quartier du Golfe à Yaoundé aux bons soins de la Princesse.
Cette information a de quoi surprendre. D’autant plus que parti précipitamment de la capitale centrafricaine via Batouri, le chef-lieu de la Boumba et Ngoko, François Bozizé était annoncé par les officiels camerounais, notamment par le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, en transit au Cameroun. « Le président Bozizé a trouvé refuge au Cameroun en attendant son départ vers un autre pays d’accueil ». Comme points de chute probables, on citait alors le Bénin, Le Togo ou le Maroc… Qu’est-ce qui s’est donc passé pour que le Cameroun décide finalement de loger l’encombrant hôte dans cette villa plutôt qu’au Hilton Hôtel en attendant son départ ?
Est-ce à dire que le Cameroun lui a accordé l’asile politique ? Dans le sérail, une source généralement bien informée nuance : « Il a introduit une demande d’asile qui est actuellement en étude dans les services compétents ». De mémoire de journaliste, aucun ancien dirigeant de pays de la sous-région n’a jamais bénéficié d’un tel traitement de faveur. Ni Patassé renversé par le déchu d’aujourd’hui en 2003 ni Hissène Habré chassé du pouvoir par l’homme fort actuel du Tchad en 1990, à qui le gouvernement camerounais n’avait accordé que quelques jours pour se trouver un pays d’accueil.
Privilège rare
Mieux, François Bozizé est le seul de ces présidents déchus à avoir été reçu par Paul Biya après sa chute. Un privilège rare. Autant que l’autorisation qui lui a été accordée de s’adresser aux médias alors qu’en pareilles circonstances, l’hôte est tenu au devoir de réserve. Faisant fi de ces usages, Bozizé va et vient, assiste à la messe du dimanche à la cathédrale Notre-Dame des Victoires de Yaoundé, accorde des interviews à la télé, reçoit des affidés, tient des réunions de son parti, etc. Tout cela est-il innocent ?
Selon des indiscrétions glanées dans les allées du pouvoir de Yaoundé, François Bozizé peut s’avérer un pion utile le moment venu. Notamment pour freiner les ambitions de leadership de son voisin tchadien, Idris Déby Itno, nouveau faiseur de roi en Afrique centrale ? Cette thèse apparaît vraisemblable. Méfiant, Yaoundé peut en effet vouloir mettre la pression sur les nouvelles autorités de Bangui et par conséquent sur leurs parrains réels ou supposés.
Rôle d’épouvantail
A en croire nos sources au sein du sérail, le régime camerounais verrait en effet d’un mauvais œil, le nouveau pouvoir de Bangui et surtout, craindrait d’y voir s’installer un appareil gouvernant constitué de radicaux religieux et qui pourrait, à terme, constituer une menace pour la stabilité du Cameroun. Théorie farfelue ? Pas sûr, surtout si on prend en compte la conjoncture politique interne du Cameroun et l’actualité sous-régionale. Bozizé apparaîtrait donc ainsi, non plus comme un colis encombrant, comme ont pu l’être Patassé ou Hissène Habré, mais bien un pion… politique que Paul Biya pourrait si besoin s’impose, pousser sur l’échiquier sous-régional.
Ce qui est sûr, c’est qu’un tel rôle d’épouvantail n’est pas pour déplaire pas à un François Bozizé qui rêve toujours de reconquérir le pouvoir qui lui a été arraché par la Séléka. Connu pour son cynisme politique, Biya pourrait très bien exploiter cette volonté de Bozizé à l’insu de son plein gré pour arriver… à ses propres fins.
Frédéric BOUNGOU