Cameroun - Anniversaire 13 Février 1933 – 13 Février 2014: Que peut encore Paul Biya à l’âge de 81 ans ? - 81 bougies et 31 ans de règne…: Paul Biya a-t-il atteint le seuil d’Illich ?

DOUALA - 13 FEV. 2014
© Cameroon-Info.Net

 

En 2035, le président Biya aura… 102 ans. Il pourra alors livrer aux Camerounais l’aboutissement heureux du document de stratégie pour la croissance et l’emploi, l’émergence du Cameroun.

 


Paul Biya - Yaounde - Mai 2013
Photo: © P.R.C.


En 2035, le président Biya aura… 102 ans. Il pourra alors livrer aux Camerounais l’aboutissement heureux du document de stratégie pour la croissance et l’emploi, l’émergence du Cameroun. En attendant, deux jours après la fête de la jeunesse, que faut-il dire à l’octogénaire président camerounais qui souffle sur sa 81e bougie ? Bon anniversaire patriarche ou au revoir et merci pour tout ? 

Sans aucune visibilité sur les mécanismes constitutionnels clairs en cas de vacance du pouvoir, sans l’institution du conseil constitutionnel, à l’heure où l’on parle de guerre de leadership entre la chambre haute (Sénat) et la chambre basse (Assemblée nationale) de notre parlement, ou le Sénat et l’Assemblée nationale ne s’accordent pas sur la prééminence institutionnelle, en s’accrochant au pouvoir à l’âge vénérable de 81 ans, avec une cote de popularité presqu’au plancher, le président Biya ne tire-t-il pas un peu trop sur la corde ? Ne joue-t-il pas avec la stabilité du pays ? 

Que faudra-t-il lui dire ce 13 février? Bon anniversaire Monsieur le président ? Faudra-t-il remercier Dieu le Tout puissant de l’avoir gardé en vie à la tête du pays aussi longtemps? Je pense que c’est le plus grand problème du Cameroun, disait Joshua Oshi à Rfi il y a quelques mois : «vous accepterez avec moi qu’il est impossible de gouverner un pays à cet âge, sauf si on est dans une république bananière». 


Vacance de pouvoir 

A 81 ans, s’il arrivait qu’il y ait vacance au sommet de l’Etat, il est presque certain que les citoyens assisteront à une lutte sans merci pour la conquête du pouvoir suprême, le problème dans ce pays étant que les institutions sont taillées à la mesure du président, soutient un dirigeant du parti au pouvoir. L’Afrique, selon le président Barack Obama en visite officielle au Ghana, n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes, c’est-à-dire d’institutions solides qui résistent à l’épreuve du temps et transcendent les individus. 

Ce sont ces institutions qui facilitent les alternances à la tête des États démocratiques en Occident. Mais selon certaines confidences, en 2004, après l’annonce de la vraie-fausse mort du président de la République, des personnalités en vue s’étaient réunies afin de trouver les stratégies pour éviter, à tout prix et à tous les prix, que le président de l’Assemblée nationale n’assure l’intérim, conformément à la Constitution de 1972 qui faisait alors de la seconde personnalité de la République l’intérimaire du chef de l’État en cas de vacance du pouvoir. 

Paul Biya a-t-il tiré les leçons de cette situation qui avait mis le Cameroun en émoi? Depuis la promulgation de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, il n’a pas toujours mis en place toutes les institutions prévues par ce texte fondamental. La mise en route du Sénat ne semble pas bien acceptée. Pourtant tout avait bien commencé pour le président. Quand il arrive au pouvoir en 1982 à la suite de la démission de l’ancien président Ahmadou Ahidjo. Le personnage fascine par sa jeunesse et la modernité de son discours. Il parle de la rigueur économique et de la moralisation des comportements. Il fait du «libéralisme communautaire» le socle de son action politique. Il parle de la modernisation de l’Etat et de l’avènement du multipartisme. Mais très vite se forme un système clanique 


Assainissement des mœurs 

En 1992, il ‘remporte’ d’une courte tête face à son rival Ni John Fru Ndi, le leader du Sdf, la première élection multipartite depuis l’indépendance du Cameroun en 1960. Il sera réélu «à une écrasante majorité» en 1997 et en 2004, date à laquelle il instaure le septennat. Trois ans plus tard, celui qui est aussi président du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), le parti au pouvoir, annonce son intention de modifier la Constitution du pays, qui limite alors le mandat présidentiel à deux exercices. 

Les organisations non-gouvernementales dénoncent une restriction des libertés fondamentales et les partis d’opposition grondent sans pouvoir se faire entendre. Après le fol espoir suscité par le vent de libéralisation des années 90, c’est la désillusion. Les partisans du régime parlent d’une «stratégie». Ce point de vue est aussi soutenu par le journaliste François Mattéi, dans son ouvrage Le Code Biya. Mattéi estime que, «sans doute, Paul Biya conçoit la politique comme jadis Eric Tabarly, la course au large. Il observe le silence radio pour endormir l’adversaire et surgir là où on ne l’attend pas, alors qu’on le croyait perdu». 

Pour Mila Assouté «Biya ne parle pas tout simplement parce qu’il n’a rien à dire». Anicet Ekanè, du Manidem, a aussi son analyse: «C’est l’illustration parfaite de ce que les années de pouvoir finissent, à terme, par vous déconnecter de la réalité. Comment voulez-vous que Paul Biya ait une idée des souffrances du peuple?» 

Selon un document élaboré par la Commission nationale anticorruption, 2,8 milliards d’euros auraient été détournés en six ans, de 1998 à 2004, au Cameroun. Alors que 48% des Camerounais vivent en dessous du seuil de pauvreté. Selon l’Ong Transparency international, le Cameroun est perçu comme l’un des pays les plus corrompus au monde. En 2011, le Cameroun est encore classé Pays pauvre très endetté (Ppte) par le Fonds monétaire international (Fmi) et la Banque mondiale. Pour faire taire les critiques, le président camerounais a lancé une campagne d’assainissement des mœurs et des comptes publics. L’opération anti-corruption dite «Epervier», démarrée en 2004, a produit quelques coups d’éclat avec l’arrestation de plusieurs pontes du régime, avant de s’essouffler…provisoirement. A 81 ans donc, il reste à Paul Biya de réaliser le futur camerounais qui se résume à deux choses à ses yeux: les ‘grandes réalisations’ en cours et l’émergence promise pour 2035. Tout est sur le papier et rien sur le terrain. En espérant que le prince aura assez de souffle pour atteindre dans 21 ans, cette course de fond engagé pour le bien-être des Camerounais. Bon anniversaire, Monsieur le président ! 

Edouard Kingue 


13/02/2014
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