Cameroun, Affaire Edzoa, Thierry Atangana et cie: Les élucubrations de Issa Tchiroma
Cameroun, Affaire Edzoa, Thierry Atangana et cie: Les élucubrations de Issa Tchiroma
Entre délation, désinformation, discréditation, ou encore disqualification, le ministre de la communication n’a lésiné sur aucun moyen pour étaler sa mauvaise foi ou son ignorance du dossier qui oppose l’Etat du Cameroun à Edzoa Titus, Thierry Michel Atangana et cie. On se demande encore si la sortie médiatique du ministre de la communication face aux quatre chaînes de télévision locales vendredi dernier était opportune, tant il y a eu trop de contre-vérités, de mensonges et de désinformation. En décidant aborder l’affaire en procès qui oppose l’Etat du Cameroun à Edzoa Titus, Michel Thierry Atangana et cie, on se serait également attendu que le ministre s’entoure d’un certain nombre d’éléments pour avoir pleinement connaissance du dossier. Que non. Comme on le connait versatile, il a été incohérent au point de susciter moult interrogations sur les réelles motivations de sa sortie médiatique. « C’est son droit le plus absolu de communiquer au nom du gouvernement.
Mais lorsque cela est entiché de mensonges, de désinformation et autres, on peut réellement se poser des questions sur ce qui l’anime. Honnêtement, après avoir écouté ses propos, je me demande si le gouvernement dans son ensemble voit dans quel gouffre il l’amène », s’interroge un observateur de la scène médiatique basé dans la ville de Yaoundé. En reconnaissant lui-même qu’il a été l’un des pires pourfendeurs de ce régime, l’on peut comprendre ce qui anime le ministre, surtout lorsqu’il dit que « le monde est une jungle. Vous devez choisir ce que vous voulez être : prédateur ou proie ». Issa Tchiroma a certainement choisi d’être un prédateur. Dire tout ce qu’il peut, vérité ou mensonge, pourvu qu’il donne l’impression d’être avec le régime en place.
Parlant de la double nationalité qui n’est pas reconnue au Cameroun, le ministre de la communication a oublié que le Code de la nationalité, article 31 (1) dit expressément que perd de fait la nationalité camerounaise, tout Camerounais qui acquiert ou conserve volontairement une autre nationalité. Or, Thierry Atangana, ayant acquis sa nationalité française en 1988, a perdu sa nationalité camerounaise de fait.
D’ailleurs, le certificat de nationalité française à lui délivré par le Tribunal d’Instance de Paris le 01/08/1991 par le juge M. Hangard dit que « le juge du Tribunal d’Instance du quatorzième arrondissement de Paris, certifie, sur le vu des pièces suivantes : jugement du tribunal de Grande Instance de Paris en date du 15 février 1991 ; certificat de non appel du jugement précité, en mai 1991, que Monsieur Atangana Abega Michel Thierry, demeurant à Paris 14ème, 37 rue des Thermopyles, né à Yaoundé (Cameroun) (…) a acquis la nationalité française par déclaration de nationalité française souscrite le 01/12/1988 en vertu des dispositions de l’article 37-1 du Code de la Nationalité française par devant le juge du Tribunal d’Instance du 14ème arrondissement de Paris ».
Une carte de séjour lui a été délivrée par le
Secrétaire d’Etat à la sécurité intérieure de l’époque, Jean Fochivé, le
10/05/1994 à Yaoundé. Ce qui vient clore le débat sur la nationalité
française de Thierry Atangana.
Ignorance et mensonges
« Thierry Atangana, le ministre Edzoa et les
autres, en coaction de deniers publics, ont été arrêtés, traduits devant
les tribunaux. J’ai rappelé à mes interlocuteurs que le Cameroun est
un Etat de droit, premièrement. De deux, quand il s’agit de procès, je
ne parle pas de l’instruction, le procès se déroule de manière publique
et ce procès est à caractère contradictoire dès lors que les avocats des
parties s’expriment publiquement. Lorsque le ministre Edzoa, Thierry
Atangana et les autres avaient été arrêtés, traduits devant les
tribunaux, ce n’est pas à huis-clos qu’on a prononcé le verdict. C’est
après un débat contradictoire où leurs avocats ont eu à se prononcer
premièrement », déclare Issa Tchiroma pour répondre à la question de
Joly Koum de Canal2 International. Mais ce que le ministre oubli ou ne
sait pas, il n’y a que Thierry Atangana et Edzoa Titus qui ont été
arrêtés, Thierry en mai 1997, et Edzoa deux mois plus tard. Et
lorsqu’ils sont condamnés à 15 ans d’emprisonnement ferme, c’était en
l’absence de leurs avocats. Ceux-ci n’ont pas plaidé, estimant que le
dossier pour lequel leurs clients étaient poursuivis n’était pas encore
en leur possession. Ces deux accusés ont donc été jugés sans défense, en
une nuit, du 03 au 04 octobre au petit matin. Leurs avocats n’ont pris
la parole que lors de l’appel. Il leur a été dit qu’il fallait avancer
ces arguments en instance.
Issa Tchiroma poursuit dans ses propos en disant que « Lorsqu’ils ont
interjeté appel et que l’affaire est revenue entre les mains d’un Juge
d’instruction, ce juge, on ne sait par quel miracle, a décidé de l’arrêt
de non-lieu partiel. C’est-à-dire qu’il a dissocié Thierry Atangana et
pourtant, c’est le ministre Edzoa et Thierry Atangana qui signaient les
chéquiers à partir desquels ces détournements ont eu lieu ». Une fois
encore, le ministre s’est fourvoyé car, c’est dans l’affaire de la
liquidation de la Bcci que les deux accusés ont été condamnés. Il leur
était reproché d’avoir détourné 350 millions de Fcfa. Et pourtant, cet
argent avait servi à payer les honoraires du cabinet Me Bendel à Paris
qui avait œuvré pour que les créances du Cameroun dans le cadre de cette
liquidation soient admises ; soit un total de 26 milliards de Fcfa.
Cette affaire n’est jamais revenue entre les mains d’un juge
d’instruction. Le dossier qui est passé entre les mains du Juge
d’instruction qui a rendu l’ordonnance de non-lieu partiel du 23 octobre
2008, constitue de nouveaux chefs d’accusation. A ce jour, trois chefs
d’accusation pèsent, non plus seulement sur les deux condamnés, mais
également sur Isaac Njiemoun et Mapouna. Mais ces deux derniers
comparaissent libres. Ces chefs d’accusation tournent autour de la mise
sur pied d’un mécanisme de financement illégal du Copisur, de tentative
de détournement de 59 milliards de Fcfa, et de trafic d’influence dans
le cadre du marché d’extension de la Sonara. A aucun moment, il n’est
fait mention de détournement qu’auraient effectué, à travers « des
chéquiers », Atangana Thierry et Edzoa Titus. « Ce sont des procès
d’intention et tissu de mensonges orchestrés par le ministre, on ne sait
pour quelle intention. Il devrait avoir honte et démissionner de ses
fonctions. Ce serait plus noble pour lui. On ne peut gérer un pays sur
la base de la communication mensongère », souligne la défense.
Focal: Pour qui roule le Mincom ?
La question mérite d’être posée, au regard des différentes sorties médiatiques du ministre de la communication. A la limite, on serait en droit de penser que Issa Tchiroma Bakary fait tout pour embarrasser Paul Biya. Il y a quelques mois, c’était des déclarations fracassantes sur le décès du journaliste Bibi Ngota. Par la suite, des déclarations sur l’opération Epervier. Cette fois-ci, c’est sur l’affaire qui oppose l’Etat du Cameroun à Edzoa Titus, Thierry Atangana et cie que le ministre de la communication a choisi étaler une fois de plus ses intentions de tromper l’opinion, au moyen de la désinformation. Issa joue bien son rôle. Il l’a dit. C’est pour cela qu’il est payé. Mais pas de véhiculer des contre-vérités au sein de l’opinion. Les Camerounais souhaitent que ses fils qui sont coupables aux yeux de la loi, soient punis selon les lois et règlements en vigueur. Mais de là à jeter certains à la vindicte populaire sans raison valable, il y a lieu de se poser des questions sur le bien-fondé d’une telle haine. C’est l’argent du contribuable qui paie Tchiroma, et le peuple ne peut attendre de lui que la vérité. On ne peut gérer un Etat dans le mensonge. Il détruit, désuni, diabolise, fragilise, et expose. Une sagesse populaire dit que le père du mensonge est le diable. En d’autres termes, ceux qui mentent sont les enfants du diable. Et le diable n’a jamais construit. Au contraire. Toute son œuvre est basée sur la destruction. Issa Tchiroma a-t-il été mandaté pour détruire le régime de Yaoundé ? On n’oubliera pas qu’il a été l’un des pourfendeurs de ce régime. Lui-même le reconnait. Que peut bien traduire le retournement de sa veste ? Pourrait-on imaginer le dicton qui dit qu’il faut embrasser l’ennemi pour mieux l’étouffer ?
Quoiqu’il en soit, le ministre de la communication fait peur, de par ses déclarations. Par une fausse assurance, il laisse l’impression que ce pays est géré sur la base du mensonge. Et l’on comprendrait alors pourquoi la bonne information parvient difficilement au Chef de l’Etat, tant chacun tend à tirer l’épingle de son côté. Issa Tchiroma contredit Biya, lui qui affiche, au moins à travers les discours, qu’il y a une séparation de pouvoir. Il tend à relever « l’incompétence » d’un juge d’instruction en traitant son travail « d’élucubrations, de ses fantasmes ». Dans un pays sérieux, le ministre de la communication devrait démissionner, sinon, on le fait démissionner. Et comme rien n’est fait, on laisse le sentiment que le gouvernement tâte le terrain afin de mettre en branle, le moment venu, la fameuse technique du rouleau compresseur qui voudrait que la justice ne soit qu’un bras exécutant de ce plan machiavélique. Tous ceux qui refusent de s’associer à cette vision, comme le juge d’instruction « incriminé » qui a eu comme seuls fondements Dieu, sa conscience et le droit, sont traités de tous les noms d’oiseaux. Il faut encore qu’on regarde bien pour découvrir quels sont les véritables ennemis de ce pays. Est-ce ceux qui affirment que le monde est une jungle où l’on doit choisir ce que vous voulez être, prédateur ou proie. Conclusion, le Cameroun, selon Issa Tchiroma, est une jungle. Et vous parlez d’Etat de droit…
R.N.E