Cameroun, Affaire Chantier naval : Zacchaeüs Forjindam condamné à 12 ans de prison
Cameroun, Affaire Chantier naval : Zacchaeüs Forjindam condamné à 12 ans de prison
Pendant qu’il doit également payer solidairement avec les autres accusés en fuite la somme de 848.803.934 francs Cfa, dame Massot a été libérée. Certains n‘ont pas pu attendre. Avant même que le tribunal ne se prononce sur le verdict, des membres de la famille de Zacchaeus Forjindam avaient déjà quitté la salle, les yeux en larmes, juste au moment où le tribunal l’a déclaré coupable. Puis, une suspension d’audience avant le verdict final. Au terme de 9 heure d’audience hier au tribunal de grande instance de Douala-Bonanjo, compte tenu des circonstances atténuantes, le tribunal a condamné Zacchaeus Forjindam à 12 ans de prison ferme. Les six comptes bancaires de l’ex Dg ont été saisis, ainsi que treize immeubles et trois véhicules. Youta Samuel écope de 15 ans autant que Djandé Antoine, Moubala Julius Fotikali prendra 13 ans.
C’est la même peine qui sera prononcée contre Wegang Anette, Ngounou Mathurin, Nguéwou Odette. Ces accusés ont également été condamnés à payer au Cnic au titre de dommages et intérêts la somme de 848.803.934 francs Cfa. Ils devront également payer solidairement la somme de 46.814.180 francs Cfa au titre de dépens. Ils ont également été informés de ce que la contrainte par cor a une durée de cinq ans. Pourtant, à coté de cette tristesse qui se lisait sur les visages des multiples fons de Bamenda qui ont fait le déplacement, il y avait la joie dans l’entourage de Massot, épouse Njoh Moudio Rose Constante Angèle. L’ex numéro deux du Cnic, qui ne s’est pas présentée au tribunal pour cause de maladie, apprend-on, a été déclarée non coupable par le tribunal.
Ainsi s’achève cette affaire qui a duré sept mois d’enquête, neuf mois d’instruction et près de deux ans de procès. Une affaire pour laquelle deux des neuf accusés ont été placés sous mandat de détention provisoire à la prison centrale de Douala depuis le 08 mai 2008 pour détournement de deniers publics de la somme de 978 millions de francs Cfa. Les autres sont en fuite et sont sous le coup d’un mandat d’arrêt international. C’est un procès où l’on est allé de surprise en surprise. A l’instar des témoignages de deux inspecteurs du Contrôle supérieur de l’Etat en faveur de l’accusé Zacchaeus Forjindam.
Tout commence le 03 août 2006 lorsque Charles Kooh2, commissaire aux comptes du Chantier naval et industriel du Cameroun (Cnic) a saisi le procureur de la République près le tribunal de grande instance (Tgi) du Wouri pour dénoncer les malversations financières constatées dans la gestion de cette société parapublique.
(Les sociétés actionnaires au Cnic sont la Snh,
actionnaire majoritaire, le Minfi, le Pad et la Csph). Le 07 septembre
2007, cette lettre a été transmise au chef de la division régionale de
la police judiciaire du Littoral pour enquête.
Charles Kooh 2, commissaire aux comptes du Cnic, dit avoir rédigé sa
plainte sur la base des constats qu’il aurait faits lors de l’exécution
de sa mission au titre de l’exercice 2005. Ce dernier dit alors avoir
relevé plusieurs anomalies. D’abord, dit-il, le refus de Zacchaeus
Forjindam de lui fournir des informations dont il avait besoin pour
faire son expertise. Il déclare également avoir constaté des
décaissements non justifiés couvrant les exercices 2003, 2004 et 2005
classés en deux catégories : les opérations de banque et les opérations
de caisse. Il dit également avoir relevé que les opérations de banque
n’étaient appuyées d’aucune pièce justificative, qu’elles comportaient
de fausses pièces justificatives.
Accusations
Il
soutient par ailleurs que les règlements faits sans pièces
justificatives s’élèvent à la somme de 652. 851 579 francs Cfa, première
accusation. Ensuite, que les signataires de ces chèques sont le
directeur général, Zacchaeus Forjindam et le directeur financier,
Njiandé Antoine.
D’après le commissaire aux comptes, la somme de 232 millions
représentant les 12 chèques signés et tirés des banques pour
approvisionner la caisse a été sortie de la banque et n’est pas parvenue
à la caisse ; donc, n’a pas été comptabilisée dans le livre de caisse,
deuxième chef d’accusation. Et la somme de 84. 320 000 francs Cfa a été
sortie de la caisse sans pièces justificatives, troisième chef
d’accusation. Durant toute la phase de l’affaire, de l’enquête
préliminaire, à l’information judiciaire et même lors des débats,
Forjindam n’a cessé de clamer son innocence.
Pour lui, il s’agit d’un complot monté par Antoine Bikoro Alo’o,
directeur financier à la société nationale des hydro carbure au moment
des faits. L’ex Dg du Cnic se base ainsi sur le fait que l’audit réalisé
par Charles Kooh 2 et qui couvrait les exercices 2003, 2004 et 2005
était un « audit stratégique, opérationnel, financier et comptable ».
Que cet audit a été sollicité par la Snh, accepté par le conseil
d’administration et réalisé par le cabinet d’expertise Cabinet audit
conseil (Cac).
Forjindam déplore également le fait que ce soit la
Snh qui ait demandé l’audit qui supervise également les travaux de
l’audit. Au cours des débats, l’ex Dg du Cnic a également soutenu que le
rapport final du commissaire aux comptes ne lui a pas été présenté au
préalable pour examen. Il a également indiqué que la somme de 969 171
579 francs Cfa lui a été imputée lors de la session du conseil
d’administration du 15 juin 2006. Ce qu’a d’ailleurs reconnu le
commissaire aux comptes lors des débats. Au cours du procès, plusieurs
témoins vont se succéder.
Parmi ceux-ci, Louis Claude Nyassa, le président du conseil
d’administration du Cnic, le commissaire aux comptes, Charles Kooh 2 qui
soutiendront l’accusation du détournement de deniers publics. Mais, il y
aura surtout le passage des trois inspecteurs d’Etat qui ont fait une
contre expertise au Cnic.Les trois inspecteurs du Contrôle supérieur de
l’Etat, Dieudonné Tchana, Enanga Guillaume et François Tabi, chef de
cette mission vont tous trois soutenir qu’ils n’ont constaté aucun
détournement au Chantier naval et industriel du Cameroun au terme de
leur expertise.
Enama Bela Guillaume le premier des inspecteurs d’Etat qui avait comparu comme témoin de la défense déclarait d’ailleurs à l’audience du 17 août dernier au sujet de l’expertise faite par le commissaire aux comptes du Cnic que: «Ces rapports n’étaient pas un rapport d’audit. C’est un abus de langage. Dans ces rapports, nous avons constaté que les rédacteurs ont cru bon de ne pas respecter la norme d’objectivité. Plus grave, la norme relative au respect du principe du contradictoire a été battue en brèche. Cette démarche, dans les deux rapports, n’a pas été respectée. Pour nous, ce n’était pas des rapports d’audit, mais, des informations que nous avons exploitées ». Et à François Tabbi de poursuivre: «Nous n’avons pas décelé de dépenses sans pièces justificatives. Par rapport au contrôlé interne, nous n’avons pas constaté que les pièces font défaut. Suivant les normes externes, nous avons vérifié le bon de commande, les factures, les bons de livraison, pour s’assurer que l’opération avait été faite. Nous avons constaté que le compte sur chiffre et sur pièces était exacte ». Ce qui fait dire à Forjindam qu’il s’agit là d’un complot pour s’accaparer les financements du Yard pétrolier de Limbé.