Cameroun - Affaire Befe Ateba-CNC/Ouest Littoral: Débat vif, tendu, ferme mais courtois

Douala, 19 Novembre 2013
© PONUS | Ouest Littoral

«Ouest littoral» a répondu vendredi dernier à la seconde convocation du Président du CNC.

Mais contrairement à la première, tout s'est passé de manière conviviale, même si chaque camp est resté sur ses positions.

10 heures! Le Directeur de publication (Dp) du journal «Ouest littoral» et son collaborateur franchissent le portail du Conseil national de la communication (Cnc). Ils sont approchés par un des individus qui devisent à l'entrée, apparemment des gardiens de céans. Celui-ci désire savoir l'objet de notre présence en ces lieux. «C'est pour répondre à une convocation adressée au journal a Ouest littoral» prévue à 10 heures», répond le Dp, mais son interlocuteur n'a pas l'air d'être au courant d'un tel rendez-vous. «Il n'y a encore personne, ils ne sont pas encore là», nous répond-il, avant de poursuivre: «allez attendre là-bas la véranda où sont placées deux chaises, Ndlr)». Aussitôt, le spectre de la dernière rencontre refait surface. La tension monte. Nous lui demandons d'aller nous annoncer pour que soit bien noté notre ponctualité.

10 hures 24 mn! Le Secrétaire général du Cnc sort subitement, l'air très préoccupé, et intime l'ordre d' «installer les journalistes attendus. On n'a pas de salle d'attente mais trouver une place pour eux». Cette attention nous permet de relever que les erreurs de la dernière fois ont été prises en compte. 10 heures 33. On nous propose un café. Même si nous déclinons l'offre, on est ravi de constater une nette évolution en si peu de temps. 10heures 45 mn. Un Suzanne Kala Lobé, membre du Cnc vient à son tour présenter les excuses de son Président pour le retard constaté.

Il est 11 heures 34 mn lorsque le secrétaire général ressort pour s'excuser pour une deuxième fois et rappeler qu'il était question pour le Conseil de recevoir d'abord une illustre invitée qui n'était pas prévue au départ. Il s'agit de Mme Béatrice Damida, Présidente du Csc du Burkina Faso qui est l'équivalent du Cnc au Cameroun. «Tout sera terminé dans une dizaine de minutes», rassure-t-il, avant de demander de servir du café et des jus de fruits a aux convoqués» dont les journaux «Ouest littoral», «l'Anecdote» et «Pile ou Face» pour des affaires distinctes. Sauf que, la préoccupation de «Ouest littoral» était ailleurs.


Jean Claude Ottou dans le rôle de «grand-frère»

11h45mn. Un autre membre, Jean Claude Ottou, appelle le Directeur de publication de votre journal par son prénom (Benjamin) et s'entretient longuement avec lui en aparté, visiblement comme un aîné s'adressant à un cadet. 10h47mn. Fin de la visite de Mme Damida. Le Président du Cric prend congé de son hôte pour se diriger vers les journalistes. En bon gentleman et dans une tenue civile, le numéro 1 du Cnc apparaît différent de l'homme décrit dans les médias, dont a Ouest littoral» ces derniers jours. Détendu et apparemment de bonne humeur, le clergyman s'excuse abondamment sur lu retard accumulé avant de serrer la main de chacun.

12 heures. Le Dp de «Ouest littoral» est enfin invité dans la salle. Le fait d'être en compagnie de son collaborateur ne pose aucun problème. Là encore, à la différence de la dernière rencontre, il n'y a pas de figures inconnues, en dehors de deux jeunes darnes apparemment dans le rôle de secrétaires de séance. Le plaignant Monseigneur Befe Ateba, Président du Cnc est absent. Cela tranche avec la première convocation puisqu'il ne pourra plus être accusé d'être juge et partie. L'objet de la convocation cette fois est expressément précisé.

Prenant la parole, le Vice-président et Président de séance, M. Peter Essoka, a rappelé de manière succincte les motifs de cette convocation tout en insistant sur le fait que Benjamin Zébaze, en tant qu'un des anciens de la presse, ne doit pas se permettre, ce genre d'écart dans ses articles. Il est en effet reproché au Dp de «Ouest littoral» d'avoir publié dans sa parution du 10 octobre 2013, un article qui a suscité l'attention de Mgr Befe Ateba, lequel a saisi le Cnc parce qu'il estimait que ce texte porte « atteinte à son honorabilité», est «injurieux» et contient des «déclarations mensongères», au regard de certains extraits qui ont été relevés sur la convocation. C'est ainsi que le Président a demandé à l'intéressé s'il confirmait les propos contenus dans son mémoire de défense qu'il a fait parvenir auparavant au Cnc et dont le journal «Ouest Littoral» avait publié l'intégralité.

Avant d'aborder le vif du sujet, Benjamin Zebaze a tenu à remercier l'accueil qui était loin d'être ce qu'a connu son collaborateur la dernière fois. Bien qu'ayant attendu pendant deux heures, il a, indiqué qu'il n'était nullement fâché, puisque l'attention du Conseil a été permanente. Même Mgr Befe Ateba lui a semblé différent de l'homme qui dans les médias officiels, brandit à chaque fois des menaces. Voilà selon lui jusqu'où peut conduire le dialogue. Car si dès le départ, le Président Cnc avait contacté des anciens comme lui pour leur demander de l'aider à réussir dans sa mission, certes illégitime, on n'en serait pas là, surtout que, a-t-il précisé, «on ne me menace pas! Pendant 23 ans d'exercice de ce métier, j'ai été écorché vif et j'ai des séquelles financières jusqu’à ce jour (..) S'agissant de l'article incriminé, je vous dis que je ne peux pas retirer la moindre virgule», a-t-il poursuivi.

Ensuite, il a déploré le fait que non seulement la plainte est signée du Président-plaignant, mais que celui-ci demande à son adjoint de sanctionner le journal et son auteur proportionnellement à la hauteur de l'acte. Ce qui veut dire en clair qu'il signe la convocation et donne la sentence. Plus curieux, c'est qu'au lendemain de la deuxième convocation, le Ministre de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation (Minatd) adresse une correspondance aux Gouverneurs, Préfets et sous-préfets pour de¬mander de prêter main-forte au Cnc en cas de suspension ou d'interdiction d'un organe de presse. En somme, une curieuse coïncidence qui annonce un recul d'une vingtaine d'années.


Un dictionnaire, une Bible et le Nouveau Testament au secours de l'accusé.

Pour la clarté des débats, le Dp de «Ouest littoral» a pris le soin de venir avec un dictionnaire, la sainte Bible et le Nouveau Testament en guise de «juges de paix», pour lever toute équivoque sur le sens des mots. Il a dès le départ rappelé que ses a écrits sont imagés, ironiques, iconoclastes, vifs, offensifs, à base de métaphores». C'est ainsi que quand il écrit qu' « on va voir ce qui se cache derrière la soutane de Befe Ateba », il ne comprend pas comment des intellectuels s'arrêtent à l'écume des choses et ne comprennent pas qu'il s'agit d'une figure de style. «Ne dit-on pas d'un coureur à la montée d'un col qu'on va bien voir ce qu'il a sous le pied ? Est-ce une insulte».

De même, lorsqu'il dit que «/e clergyman a décidé de soutenir un régime servant Satan», cela est-il un mensonge? Pour le prouver, le Dp a saisi cette occasion pour révéler une litanie des faits qui démontrent à souhait que ce régime est incontestablement auteur d'actes sataniques. Surtout qu'avant lui beaucoup d'autres, à l'instar du célèbre Charles Ateba Eyéné ont produit des tomes d'ouvrages sur le sujet, sans être inquiétés. Plus récemment, comme par hasard, une publication du Pr Tazoacha Assonganyi dans les journaux a été encore plus sévère en ce sens, aussi bien pour le pouvoir que pour les prélats qui ont mis leur «Bible sous l'aisselle» pour se mettre au service de Satan. Ce qui est «une honte pour l'église catholique».

Etant entendu que ce qui est satanique est diabolique, démoniaque, inhumain, criminel..., évoquer Satan c'est évoquer la méchanceté, par opposition au terme divin qu'on ne saurait coller aux agissements du régime en place.

C'est sur l'accusation d'avoir traité le Cnc de «gadget» et qualifié la nomination de son président d'on ne sait par «quelle alchimie», que les membres du Conseil ont été le plus courroucés. Pour le Dp de «Ouest littoral», l'alchimie se justifie par le fait que le Président du Cnc n'a été élu par personne et n'a passé aucun concours. Il s'est agi tout simplement d'un pouvoir occulte, discrétionnaire qui l'a placé là comme tous les autres membres que le même pouvoir peut destituer à tout moment sans le moindre compte à rendre à personne. De la même manière, le Cnc est un gadget que le pouvoir peut utiliser à des fins propres, ou encore son président qui peut l'utiliser pour régler ses comptes personnels en convoquant et en sanctionnant en même temps un organe de presse, même pour des délits tels que les déclarations mensongères qui sont de la compétence des tribunaux.


«Allez et ne péchez plus»

Après avoir répondu aux questions et aux observations des uns et des autres, le Dp de a Ouest littoral est resté ferme dans ses positions: «je respecte l'institution qu'est le Cnc. Tant que vous me convoquerez, je viendrais. Mais vous êtes illégitimes. Nous nous sommes battus pour abolir la censure administrative et le gouvernement veut se servir de vous pour la réinstaurer. C'est-à-dire nous ramener à 20 ans en arrière. C'est de cela qu'il s'agit (...) Si tout à l'heure vous avez plutôt cru que je parlais de l'anarchie, je m'en excuse (...) De même, si pour vous le fait de convoquer en même temps «Ouest littoral» et «L'œil du sahel» qui sont deux journaux à vocation régionale n'était qu'un pur hasard, je m'en excuse aussi. Mais sachez que c'est une coïncidence malheureuse qui peut donner lieu à d'autres interprétations. Par ailleurs, le Président du Cric a traité les journalistes de bandits, d'incultes. Là aussi il doit s'excuser (...) Je suis venu vous dire de face ce que je pense et jusqu'à preuve de contraire vous êtes dans un régime qui sert Satan. Bien sûr, si vous me sanctionnez qu'est-ce que je peux faire? Je ne peux rien faire contre les Gouverneurs, Préfets..,

Dirigés avec autorité par Peter Essoka, les débats se sont déroulés dans la sérénité, à une exception près. Ce dernier a usé tour à tour de sa posture de vice-président du Cnc, de président de séance et surtout d'aîné en âge et dans la profession, pour parler à son jeune frère Benjamin Zébazé. Tout en admirant son parcours, il lui a rappelé que «dans notre profession on apprend tous les jours».

Pour rester dans la logique de cette séance au cours de laquelle les connaissances bibliques ont été abondamment mises en exergue, il a emprunté à la suite de Jésus ces termes pour clôturer les débats: «Va et ne pêche plus».


21/11/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres