En un an d’exploitation, la nouvelle compagnie aérienne a creusé le trou de plus de 40 milliards de FCFA. La faute au gouvernement qui n’a pas pris les bonnes mesures à temps. La faute aussi à un Directeur Général réputé incompétent. La Camair-Co est mort-née. C’est écrit sur son acte de naissance. C’est au départ la faute de l’Etat. En 1998, la défunte Camair traînait des déficits cumulés de plus de 50 milliards.
L’Etat unique actionnaire aurait pu gérer la situation d’un simple coup de crayon sur les bilans de l’entreprise. Et faire un petit effort pour liquider ses dettes auprès de la compagnie.
L’autre erreur rédhibitoire de l’Etat aura consisté à fermer la Camair et d’attendre cinq ans pour lancer la Camair-Co. En gestion stratégique, on fermait la première un vendredi et on ouvrait la seconde dès le lundi d’après.
D’avoir attendu aussi longtemps, on s’est retrouvé dans la situation du bonhomme imprudent qui confie son épouse à un voisin pendant cinq ans et qui espère la retrouver intacte. A toutes ces impérities étalées du gouvernement camerounais vient s’ajouter une autre calamité. Alex Van Elk est décrété délégué aux fonctions de directeur général. Les grands juristes à Yaoundé soutiennent que le régime des directeurs généraux délégués à la tête des entreprises d’Etat est pour le moins illégal. Le Cameroun en a connu deux, aux Chantiers navals et à la Camair-Co.
Le Van Elk en question avait tous les handicaps. Il sortait d’un contrat au Nigeria d’où il a été proprement viré pour incompétence. Et il n’y gérait pas une compagnie à vocation internationale. Des amis du Nigeria ne manquent jamais l’occasion de nous le rappeler: «Vous recrutez à la tête de votre compagnie nationale un mouilleur que nous avons viré chez nous ?»
En fait de mouilleur, Alex Van Elk en est un gros. On l’appelle à la rescousse après le départ de Gilbert Mintonneau,
il va glandouiller une longue année à trouver un business plan pour la
compagnie. Au bout de ce temps, sa trouvaille est toute simple: il sert
au gouvernement un pâle copié-collé d’un plan quelconque, le genre qu’on
retrouve sur le net en
quelques clics. A l’arrivée, c’est tout, sauf un business plan. Nulle
trace du partenaire stratégique, alors qu’on avait avant lui pris langue
avec la sud-africaine Camair.
Dans le document soumis, il saute aux yeux que les
études de marché ont été bâclées. On a pris des virtualités pour des
données objectives. Quelqu’un lui a soufflé que les Camerounais adorent
leur compagnie aérienne et qu’il suffisait qu’un avion aux couleurs du
Cameroun décolle, tout le monde sera là, en rangs serrés, comme le jour
d’un marché forain. Sauf
que, un an après, les Camerounais ne viennent toujours pas. Pour une
bonne raison. Au départ de Paris, les Camerounais qui veulent venir au
Cameroun et faire les fiers avec leur compagnie, ne savent toujours pas
où ils peuvent s’acheter
un billet avion. Ils vont donc à Swiss International ou à Brussels. Quitte à payer 500 euros de plus sur chaque billet
d’avion pour éviter des désagréments survenus lors d’un vol au départ de
Paris Roissy Charles de Gaulle qui a accusé 11 heures de retard. Le
temps qu’il faut pour faire un aller-retour sur Douala au départ de
Paris.
On pense bien que les Camerounais, même par amour pour leur pays, ne reviendront pas. Pourquoi dans le business plan de Van Elk, on n’a pas articulé une action de communication stratégique associée à une stratégie commerciale bien ciblée ?
Personne au gouvernement n’aura senti que Van Elk n’était pas l’acteur qu’il nous fallait. La preuve par dix (et pas par neuf), le Néerlandais s’est toujours entouré de professionnels étrangers, ceux qui pouvaient l’aider à gérer une situation dont il n’était pas à la hauteur.
Tout est loin d’être terminé. Le Cameroun veut continuer à voir voler des avions sous son pavillon? Il faudra continuer à se saigner, à fonds perdus. En une seule année, Van Elk a creusé le trou de 22 milliards. Alors qu’il ne parvient pas à remplir les avions dans la flotte, le taux moyen de remplissage est de 33%, les avions ne sont donc jamais pleins. Mais on a l’ambition de prendre de nouveaux avions chez les Chinois. Simple réflexion élémentaire: on ne prend pas de nouveaux avions quand on ne parvient pas déjà à remplir ceux qu’on a dans sa flotte. Et quand on prend un avion en location, il faut le faire voler au maximum.
Pourquoi le Cameroun s’est-il coltiné un brave homme comme Alex Van Elk. Il aura été tout, sauf le bon cheval. Un Etat comme le Cameroun qui a des concurrents aussi féroces qu’Air France ou KLM avec Kenya Airways ne confie pas sa compagnie aérienne à un Néerlandais. Alex Van Elk, c’est la Hollande avec KLM, c’est aussi Air France, le meilleur adversaire de Camair-Co sous le ciel du Cameroun. En une seule année, il a englouti 22 milliards. On ne compte pas encore les 34 milliards investis dans le 767-DJA. Il leur faut encore 20 milliards, pas pour renflouer les caisses de l’entreprise, mais pour payer les dettes. Il faudra bien qu’on arrête de creuser quand le gouffre financier commence à donner le vertige et le tournis.