Camair-co : Matthijs Boertien, quand un sultan des faillites prend les commandes de la compagnie

Cameroun - Camair-co : Matthijs Boertien, quand un sultan des faillites prend les commandes de la compagnieLe nouveau directeur général de Camair-co est l’artisan de tous les couacs qui ont handicapé la compagnie depuis le début. Son choix pour remplacer Alex Van Elk est lourd de mauvais augures.

Alex Van Elk tient encore à se la jouer politiquement correct et ne tient pas à liquider le compatriote qui vient de lui sucrer son poste à la Camair-co. Aussi, apprend-on que Matthijs Boertien a été pilote à Martinair et qu’il a par la suite géré des compagnies aériennes qui ont toutes sollicité la liquidation. Entendez qu’elles ont toutes fini par des dépôts de bilan,  la faillite.

Les augures ne sont pas du tout bons même si Van Elk espère, du bout des lèvres, que son compatriote ne va pas couler la boîte. En voilà un qui a une véritable tête à claques. Au Nigeria déjà, à Arik Air, le directeur des opérations qu’il avait recruté lui avait soufflé son poste de directeur général lorsque le propriétaire de la compagnie aérienne privée l’avait trouvé incompétent. Au Cameroun, notre Alex Van Elk n’est pas plus compétent. Conséquence, les autorités camerounaises, mal inspirées et plutôt mal conseillées, lui ont refait le coup. Matthijs Boertien, directeur des opérations démissionnaire, est nommé à sa place.

Mais pour ce coup, Van Elk a de bonnes raisons d’enrager. Il n’ira pas hurler sont dépit sur les toits bien qu’il maudisse en silence son compatriote. C’est lui qui a fait venir Matthijs dans la maison, son protégé d’hier s’est employé à lui savonner littéralement la planche. A Yaoundé là où Matthijs s’était gagné des amis, il jouait à casser le sucre sur le dos de son compatriote et étalait ses incompétences. Les Camerounais qui ont l’habitude de la délation en étaient surpris et plutôt ravis de constater que même les Néerlandais s’y connaissaient aussi bien dans l’art de liquider le frère.

Un clandestin aux commandes

Van Elk n’aura qu’à s’en prendre à lui-même. C’est pourtant une sagesse bien connue des petites gens, quand on est incompétent, on ne prend pas le risque d’avoir à ses côtés des collaborateurs plus futés que soi. L’ancien directeur général, qui est un petit, sentant qu’il ne sera pas à la hauteur a fait venir Matthijs Boertien, qui est loin d’être un grand, comme directeur des opérations. Les circonstances de l’arrivée de ce dernier au Cameroun sont des plus drolatiques.

On avait besoin d’un directeur des opérations, on a commencé par l’astuce d’un contrat de services signé entre Van Elk et Matthijs Boertien, ce dernier agissant au nom de la société néerlandaise BTN Holding BV. Quelques monstrueuses incongruités apparaissent à la lecture du contrat signé le 30 décembre 2010 à Douala. Au préambule, on expose que Camair- Co veut passer des contrats d’assistance technique avec Lufthansa Systems et Lufthansa Technik,  et souhaiteavoir l’expertise technique d’un consultant pour négocier lesdits contrats. Pour cela, on va faire appel à la société BTN Holding BV de Matthijs Boertien. Le contrat est signé pour la période courant du 15 octobre 2010 au 30 avril 2011, soit un peu plus de six mois alors que le plan initial prévoyait le recrutement d’un consultant pour une période de quatre mois.

Curieusement, dans le même contrat, on s’aperçoit que, au moment où le contrat est signé le 30 décembre 2010, la société de Matthijs est déjà créditée de quelques prestations au profit de Camair-Co. Ces prestations portent sur la négociation de contrats avec Lufthansa Systems, Lufthansa Technik et autres Gaetan. En clair, on a signé le contrat de Matthijs pour valider des prestations fictives fournies avant la signature du contrat. Pour s’assurer que l’argent finira bien dans les poches de Matthijs, Alex Van Elk introduit une clause particulièrement vicieuse au nom de laquelle les sommes dues pour ces courses fictives auprès de Lufthansa Technik et Systems, plus de 17 000 euros (près de 12 millions de francs CFA) soient payés intégralement sous cinq jours dès la remise de la facture.

A en croire des professionnels dans la maison, les contrats d’assistance technique passés avec Lufthansa (Technik et Services) sont tous farfelus et bidon. Lufthansa n’a jamais assuré l’assistance technique de Camair-co. La preuve, le même Matthijs a entrepris pendant son séjour en tant qu’employé à Camair-co de signer un autre accord d’assistance et de maintenance des avions de la compagnie à Roissy Charles de Gaulle avec une autre société, Aviacare. Non content d’avoir été recruté comme consultant pour négocier des contrats débiles avec Lufthansa, une balade de plaisance pour laquelle il se faisait grassement payer, mille euros par tête de consultant et par jour, des billets d’avion aller et retour, des  frais d’hôtel et mille autres avantages à la clé, Matthijs Boertien va trouver le moyen de se faire recruter comme directeur des opérations à Camairco.

Officiellement, il n’est salarié de Camair-Co que depuis fin septembre 2011 au moment où il est confirmé au poste par le Conseil d’administration, en réalité il officie comme tel depuis avant le démarrage effectif de la compagnie. Alex Van Elk avait bien besoin de lui pour la préparation de la feuille d’opérations. La compagnie en avait besoin pour l’obtention de son certificat de transporteur aérien, et Van Elk n’y savait rien. A Yaoundé, on est content. On se vante d’avoir déniché l’oiseau rare. Matthijs est rentré à Camair-co par le hublot avec la bénédiction d’Alex Van Elk dont il était censé couvrir les incompétences. A force de manoeuvres magmatiques dans les salons à Yaoundé, il va finir par s’installer aux commandes. Et par faire virer son mentor qui a pris la clé des champs sans demander son reste.

Vol à destination d’un crash

Moins de deux ans après le démarrage de la compagnie, le déficit d’exploitation donne le vertige. Il s’est dramatiquement accentué depuis que Yang Philémon a pris en main le pilotage du dossier de la compagnie aérienne. Le Premier ministre, qui tenait à emboiter le pas à son prédécesseur dans un autre bizness d’avion, vient de gagner son affaire Albatros. Il lui est reproché d’avoir systématiquement couvert les malversations au sein de la compagnie, alors que cellesci étaient étalées au grand jour, à longueur de rapports d’audit et de complaintes des employés. Ce Matthijs Boertien pourrait être plus malfaisant qu’on ne le croit. Les rapports disent de lui qu’il est un Peter Botha pure race, en pis. Il ne s’accommode du Nègre que quand il peut le saigner jusqu’aux os.

Il est l’artisan, la tête pensante et l’homme orchestre de toutes les impérities qui ont handicapé l’envol de Camair-co. Pour le grand public, il n’était que directeur des Opérations. A l’interne, on sait qu’il est le patron des finances, chef du personnel, chargé des opérations aériennes et de la maintenance des avions, agent placeur de ressources humaines avec sa société BTN Holding BV. En cette triple ou quadruple qualité, il était chargé de refouler du Nègre. Les pilotes camerounais étaient contraints de rester au sol ou au quartier, tandis qu’on leur préférait des pilotes blancs sans qualification. Les hôtesses camerounaises n’étaient pas assez belles pour se monter en cabine sur les vols Camair-Co, des Jamaïcaines et des Ethiopiennes faisaient mieux l’affaire. Pour lui, après cinquante ans d’indépendance, le Cameroun n’a pas pu produire un seul profil idéal pour assurer les fonctions de directeur financier. Si Camair-Co a toujours eu mal à la maintenance de ses avions depuis le début, c’est bien la faute de Matthijs Boertien qui a recruté l’armée d’agents chargés de la maintenance et qui n’étaient en réalité que de jeunes bleus, des stagiaires qui n’ont que l’argument d’être expatriés comme lui. C’est encore sa société qui est chargée du recrutement des pilotes, étrangers de préférence, en dépit de compétences discutables et d’une expérience probante, même lorsqu’ils en sont interdits de voler chez eux. La flotte Camair-Co est essentiellement constituée de Boeing.

Mais le chef pilote de nationalité espagnole qu’on a recruté n’a été qualifié sur Boeing qu’une fois sur place au Cameroun. C’est l’argent du contribuable camerounais qui a financé. Selon la petite histoire qui se chuchote dans les couloirs de Camair-co, les personnels navigants recrutés par ses soins ont presque tous de faux diplômes. Matthijs Boertien sait par ailleurs imbattable lorsqu’il s’agit de s’arrondir les fins de mois. Il donne lui-même sa démission mais se ravise très vite qu’il a commis une bourde. Il évalue ce qu’il en serait à perdre s’il partait sur la pointe des pieds. Il est donc revenu pour assurer son bizness très lucratif que représente pour lui le dutyfree shop à bord des avions Camairco, les rétro-commissions versées par tous les prestataires de services, y compris les hôtels qu’on enrichit à chaque fois qu’n vol est annulé ou retardé. La maintenance des avions aussi rapporte gros. Matthijs Boertien a signé des contrats occultes avec certains de ses amis, personne ne peut rien contrôler.

Il arrive ainsi que Camair-co soit facturée l’entretien de quatre avions alors que la compagnie ne compte que trois aéronefs en flotte. C’était tout à l’avenant sous Alex Van Elk, la compagnie baignant dans des difficultés financières payait le plein de kérosène pour des entreprises inconnues. C’est Paul Biya qui doit se mordre les doigts avec son programme des grandes réalisations. Ahidjo lui avait laissé une compagnie aérienne qui marchait à peu près bien et faisait la fierté des Camerounais, avec au moins cinq avions en propriété. Paul Biya a laissé vendre les avions et a fermé la compagnie. Aujourd’hui, il n’arrive pas à faire marcher celle qu’il a lui-même créée. Au bout de trente ans de pouvoir, le Cameroun n’a toujours pas formé un seul cadre compétent capable de générer une compagnie aérienne. Grandes réalisations, nous dit-on. Grands flops assurés avec des Hollandais qui nous mettent le cap droit dans le mur aux commandes de Camair-co.

© Les Nouvelles du Pays : Bounya Lottin


19/01/2013
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