Camair-Co: Les petits rattrapages du gouvernement
Youndé, 16 Mars 2012
© David Serge Behel (L'Equation) | Correspondance
On a finalement décidé de virer tous les stewards et autres hôtesses expatriés recrutés par Camair-Co, en violation des règlements de la République. Mais le péril demeure. Alors qu'on fait les fiers à l'immeuble «la Rotonde», le nouveau ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey, a décidé de mettre un terme à la gabegie.
Le septennat annoncé des grandes réalisations risque bien de n'être qu'un splendide programme de ratages économiques. Notamment avec ses entreprises stratégiques. Annoncé depuis quelques semaines déjà, le conseil d'administration de la Camair-Co s'est finalement réuni lundi 27 février.
Au menu des grandes décisions prises, la nomination de Mougnol Magloire Pépin au poste de directeur administratif et financier. Ce dernier a travaillé comme directeur financier sous Samuel Minko à la Cameroon Airlines. A en croire des indiscrétions dans la maison, Mougnol aurait été le meilleur aux tests psychotechniques subis par les candidats au poste. Les candidats recalés avancent qu'ils ont échoué parce que les tests étaient en français alors que Camair-Co est réputée être une «compagnie anglophone». Alex Van Elk ne parle pas un traitre mot du français, pas plus que la plupart de ses collaborateurs expatriés. La directrice ougandaise des ressources humaines avait institué que les demandes d'emploi n'étaient reçus à la Camair-Co que si elles étaient rédigées en anglais. Et la raison sociale de la compagnie, «Cameroon Airlines Corporation», aux résonances plutôt anglophones, pourrait prêter à confusion. On en serait à conclure que la Cameroon Radio and Télévision (CRTV) et Cameroon Tribune sont aussi des structures strictement anglophones dans un pays réputé bilingue.
Les raisons de cette grogne sont ailleurs. Avant la nomination de Magloire Mougnol, deux candidats anglophones avaient été pressentis et pensaient que l'affaire était dans la poche. Il y eut d'abord un certain Benjamin Ogen Ndi, expert comptable diplômé et consultant au cabinet Bekomo et Partners. Il avait été commis par Van Elk pour une mission de sauvegarde de données au moment où Roy Hatrypersad, l'Américain titulaire du poste de Daf dans l'équipe de démarrage, était reparti aux Etats-Unis, chassé du Cameroun comme un malpropre. Benjamin Ogen n'aura même pas la chance d'assurer l'intérim du poste alors qu'il avait apparemment les soutiens de Van Elk. On lui a préféré un autre anglophone, un grand bleu du nom de Rofur Tchifu Mbunkur. Le rejet de la candidature d'un anglophone, alors que le Premier ministre et Président du Conseil d'administration s'appelle Philémon Yang, un anglophone, a forcément un goût saumâtre pour quelques-uns.
Aux Ressources humaines, avec le départ de l'Ougandaise Stelle Kiwanuka, on a nommé une Camerounaise, tandis que Monsieur Siewé, un ancien de la Cameroon Airlines, rebondit comme directeur de la Maintenance.
En revanche, des durs de l'équipe à Van Elk sont restés. Certains d'entre eux étaient censés être partis, ils ont été rappelés. Eduardo Fairen par exemple, a été reconduit comme directeur des Opérations.
Un goût d'inachevé
Ces réajustements mineurs n'auront pour quelques-uns que l'effet d'un lifting cosmétique alors que la compagnie aérienne a besoin d'une chirurgie lourde si on veut se donner une chance de la sauver. La compagnie affiche un déficit d'exploitation estimé aujourd'hui à près de 20 milliards. Le Conseil d'administration a décidé de ne pas aborder la question. Il a plutôt été décidé d'ordonner un audit de la compagnie pour évaluer l'étendue des dégâts financiers. L'audit a été confié au Comité technique de réhabilitation des entreprises publiques et parapubliques, avec l'appui d'un audit interne. Il faut de toute façon s'assurer que la compagnie n'est pas une entreprise philanthropique, à but non lucratif.
Mais tout reste compliqué au fond. La comptabilité de l'entreprise a été externalisée à Dubaï, une décision prise par l'équipe de Van Elk. Les grandes entreprises européennes ou américaines choisissent d'externaliser leur comptabilité en Inde ou dans les pays arabes par souci d'économie sur les charges salariales. La comptabilité d'une multinationale tenue à Bombay ou à Dubaï coûte dix fois moins cher que la même comptabilité tenue en France, en raison de la disparité des niveaux de salaire entre l'Europe de l'Ouest et l'Asie. On ne nous fera pas croire que les salaires payés au Cameroun sont plus élevés que ceux versés en Arabie. C'est un luxe dont le Cameroun aurait pu se dispenser.
Avec un tel déficit d'exploitation, il est incontestable que la compagnie a multiplié de mauvais choix stratégiques, notamment sur le plan commercial. La Camair-Co a par exemple eu l'idée d'ouvrir une desserte Douala-Lyon, on ne sait pas pourquoi. Même Air France qui connaît mieux son territoire débarque tout le monde à Paris au départ de l'Afrique, les passagers se débrouillent par la suite sur les correspondances intérieures. C'est l'indice qu'il n'existe pas à Camair-Co une cellule chargée d'étudier l'économie des lignes avant la décision d'ouvrir des dessertes. C'est sur ce point sensible que doit pourtant être mis l'accent, parce que la Camair-Co a surtout mal à sa stratégie commerciale et marketing. On continuera à laisser faire les Néerlandais. Mais à ce rythme, le contribuable camerounais va se retrouver avec une ardoise trois fois plus douloureuse. Et en bon banquier, le nouveau ministre des Finances, Alamine Mey, qui sait compter les agios jusqu'au centime, a décidé de siffler la fin de la récréation hollandaise.
© David Serge Behel (L'Equation) | Correspondance
On a finalement décidé de virer tous les stewards et autres hôtesses expatriés recrutés par Camair-Co, en violation des règlements de la République. Mais le péril demeure. Alors qu'on fait les fiers à l'immeuble «la Rotonde», le nouveau ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey, a décidé de mettre un terme à la gabegie.
Le septennat annoncé des grandes réalisations risque bien de n'être qu'un splendide programme de ratages économiques. Notamment avec ses entreprises stratégiques. Annoncé depuis quelques semaines déjà, le conseil d'administration de la Camair-Co s'est finalement réuni lundi 27 février.
Au menu des grandes décisions prises, la nomination de Mougnol Magloire Pépin au poste de directeur administratif et financier. Ce dernier a travaillé comme directeur financier sous Samuel Minko à la Cameroon Airlines. A en croire des indiscrétions dans la maison, Mougnol aurait été le meilleur aux tests psychotechniques subis par les candidats au poste. Les candidats recalés avancent qu'ils ont échoué parce que les tests étaient en français alors que Camair-Co est réputée être une «compagnie anglophone». Alex Van Elk ne parle pas un traitre mot du français, pas plus que la plupart de ses collaborateurs expatriés. La directrice ougandaise des ressources humaines avait institué que les demandes d'emploi n'étaient reçus à la Camair-Co que si elles étaient rédigées en anglais. Et la raison sociale de la compagnie, «Cameroon Airlines Corporation», aux résonances plutôt anglophones, pourrait prêter à confusion. On en serait à conclure que la Cameroon Radio and Télévision (CRTV) et Cameroon Tribune sont aussi des structures strictement anglophones dans un pays réputé bilingue.
Les raisons de cette grogne sont ailleurs. Avant la nomination de Magloire Mougnol, deux candidats anglophones avaient été pressentis et pensaient que l'affaire était dans la poche. Il y eut d'abord un certain Benjamin Ogen Ndi, expert comptable diplômé et consultant au cabinet Bekomo et Partners. Il avait été commis par Van Elk pour une mission de sauvegarde de données au moment où Roy Hatrypersad, l'Américain titulaire du poste de Daf dans l'équipe de démarrage, était reparti aux Etats-Unis, chassé du Cameroun comme un malpropre. Benjamin Ogen n'aura même pas la chance d'assurer l'intérim du poste alors qu'il avait apparemment les soutiens de Van Elk. On lui a préféré un autre anglophone, un grand bleu du nom de Rofur Tchifu Mbunkur. Le rejet de la candidature d'un anglophone, alors que le Premier ministre et Président du Conseil d'administration s'appelle Philémon Yang, un anglophone, a forcément un goût saumâtre pour quelques-uns.
Aux Ressources humaines, avec le départ de l'Ougandaise Stelle Kiwanuka, on a nommé une Camerounaise, tandis que Monsieur Siewé, un ancien de la Cameroon Airlines, rebondit comme directeur de la Maintenance.
En revanche, des durs de l'équipe à Van Elk sont restés. Certains d'entre eux étaient censés être partis, ils ont été rappelés. Eduardo Fairen par exemple, a été reconduit comme directeur des Opérations.
Un goût d'inachevé
Ces réajustements mineurs n'auront pour quelques-uns que l'effet d'un lifting cosmétique alors que la compagnie aérienne a besoin d'une chirurgie lourde si on veut se donner une chance de la sauver. La compagnie affiche un déficit d'exploitation estimé aujourd'hui à près de 20 milliards. Le Conseil d'administration a décidé de ne pas aborder la question. Il a plutôt été décidé d'ordonner un audit de la compagnie pour évaluer l'étendue des dégâts financiers. L'audit a été confié au Comité technique de réhabilitation des entreprises publiques et parapubliques, avec l'appui d'un audit interne. Il faut de toute façon s'assurer que la compagnie n'est pas une entreprise philanthropique, à but non lucratif.
Mais tout reste compliqué au fond. La comptabilité de l'entreprise a été externalisée à Dubaï, une décision prise par l'équipe de Van Elk. Les grandes entreprises européennes ou américaines choisissent d'externaliser leur comptabilité en Inde ou dans les pays arabes par souci d'économie sur les charges salariales. La comptabilité d'une multinationale tenue à Bombay ou à Dubaï coûte dix fois moins cher que la même comptabilité tenue en France, en raison de la disparité des niveaux de salaire entre l'Europe de l'Ouest et l'Asie. On ne nous fera pas croire que les salaires payés au Cameroun sont plus élevés que ceux versés en Arabie. C'est un luxe dont le Cameroun aurait pu se dispenser.
Avec un tel déficit d'exploitation, il est incontestable que la compagnie a multiplié de mauvais choix stratégiques, notamment sur le plan commercial. La Camair-Co a par exemple eu l'idée d'ouvrir une desserte Douala-Lyon, on ne sait pas pourquoi. Même Air France qui connaît mieux son territoire débarque tout le monde à Paris au départ de l'Afrique, les passagers se débrouillent par la suite sur les correspondances intérieures. C'est l'indice qu'il n'existe pas à Camair-Co une cellule chargée d'étudier l'économie des lignes avant la décision d'ouvrir des dessertes. C'est sur ce point sensible que doit pourtant être mis l'accent, parce que la Camair-Co a surtout mal à sa stratégie commerciale et marketing. On continuera à laisser faire les Néerlandais. Mais à ce rythme, le contribuable camerounais va se retrouver avec une ardoise trois fois plus douloureuse. Et en bon banquier, le nouveau ministre des Finances, Alamine Mey, qui sait compter les agios jusqu'au centime, a décidé de siffler la fin de la récréation hollandaise.