Camair-co : Alertes de faillite

Camair-co : Alertes de faillite

Cameroun - Camair-co : Alertes de faillite La nouvelle compagnie camerounaise de transport aérien est mal en point. L'Etat doit à nouveau mettre la main à la poche du contribuable pour payer le prix de la gabegie. Pour un sauvetage d'urgence.

Alex Van Elk, le directeur général délégué de Camairco, se porte bien. Très bien même. Ses amis aussi. En quelques mois au Cameroun, ils ont pu se faire beaucoup d'argent. Il a donc le sourire radieux. Mais la compagnie se porte mal. Dans ses derniers entretiens avec le Gouvernement, il a laissé entendre que la compagnie a besoin d'être renflouée au plus vite. Sinon, on ne pourrait plus continuer l'exploitation et on devrait logiquement mettre la clé sous le paillasson. La compagnie affiche aujourd'hui un déficit d'exploitation de 15 milliards. Au total, l'ardoise pèse désormais 45 milliards.

On aura les 22 milliards irréguliers de l'emprunt obligataire, la rallonge de huit milliards consentie par Essimi Menye alors ministre des Finances, et les 15 milliards du déficit d'exploitation constaté.

UNE PERTE SECHE DE 45 MILLIARDS EN MOINS D’UN AN D’ACTIVITÉ

A tout bien prendre, à cette perte de 45 milliards, il faudrait ajouter les 34 milliards décaissés pour l'acquisition en propriété du Boeing 767- 300, le fameux DJA. Au total donc, l'Etat du Cameroun aura investi 80 milliards pour créer une compagnie aérienne programmé pour être un gouffre à milliards. La conjoncture des compagnies aériennes à travers le monde n'est pas des plus porteuses depuis deux ou trois ans. Les faillites se multiplient y compris avec les plus grosses, à l'instar de l'américaine Delta Airlines. C'est un record qui mérite de figurer dans les annales des faillites fracassantes au Cameroun.

La défunte Cameroon Airlines créée en 1971 a mis trente ans à atteindre un tel déficit, 50 ou 55 milliards qu'on retrouvait dans le report à nouveau négatif des bilans de la compagnie. Camair-co a réussi la prouesse en moins d'un an. A l'origine d'une telle prouesse, les impérities étalées du gouvernement et les méthodes de gestion d'un Alex Van Elk qui a été viré du Nigeria pour incompétences notoires. Camair-co est une faillite programmée depuis le décret présidentiel qui la crée. Dans le sérail à Etoudi, on en est encore à se demander qui a pu faire signer un tel texte au Président Paul Biya.

A l'article 7 de ce décret 2006/293 du 11 septembre 2006, on peut lire : " Aucun actif de la société Cameroon Airlines n'est transféré à la société Camirco dans le cadre de la constitution de son capital ou de son bilan d'ouverture ". Même les syndicalistes ne semblent pas avoir pris connaissance de cet article du décret présidentiel. Le grand public non plus. On accable Van Elk d'être allé louer au prix fort deux étages de bureaux à l'immeuble la Rontonde du PMUC pour enrichir ses amis français, alors qu'il aurait pu installer la Camir-co dans les bureaux de la Cameroon Airlines qui sont assez vastes pour loger tout le monde. On a la réponse à la question. C'est le gouvernement qui a lui-même décidé que le  siège de la Cameroon Airlines ne servira pas à la nouvelle compagnie.

Cette décision du gouvernement est d'autant plus saugrenue que, plus loin, on tombe sur un curieux article 8 selon lequel " le personnel nécessaire  au démarrage des activités de la société Camir-co est recruté, en priorité parmi le personnel de la société Cameroon Airlines. " Une magnifique bondieuserie au pays de Paul Biya. On n'a pas besoin d'avoir été à Harvard pour comprendre que l'actif le plus précieux d'une entreprise, et particulièrement une compagnie de transport aérien, c'est la ressource humaine. On a donc dit que Camair-co ne reprendra aucun actif de la Cameroon Airlines, Alex Van Elk a appliqué la directive à la lettre. Il ne reprendra aucun pilote de la Cameroon Airlines, les hôtesses, il ira les chercher ailleurs qu'au Cameroun.

Sur ce point, on ne peut pas lui faire de procès. C'est une décision du gouvernement prise par un décret présidentiel. C'est la situation cocasse d'un Etat qui a investi des milliards pour la construction d'un parc immobilier et qu'il refuse d'utiliser, qui a formé des centaines de techniciens et de pilotes pointus sur ses deniers et qui refuse de s'en servir. C'est forcément la bonne version ambitions. Et Van Elk va saler l'addition. Il a trouvé un gouvernement con, il va se permettre de jouer au plus con. Lors d'une réunion de travail avec des syndicalistes en novembre dernier après l'élection présidentielle, il démarre les travaux sur une question : " Pensez-vous que le Premier ministre Philemon Yang sera reconduit ? " On lui répond qu'il le sera très certainement.

A cette réponse, le visage de Van Elk s'illumine d'un curieux sourire. Au fond, Van Elk a toutes les bonnes raisons de sourire tant qu'il aura Philemon Yang comme PCA. Avec un tel PCA qui a ses préoccupations plus urgentes ailleurs, un conseil d'administration réduit à trois administrateurs le SG du ministère des Finances, le représentant du ministère du Tourisme et celui du ministère des Transports) la partie de gabegie se joue sur de velours.

Le 29 septembre 2011, il signe un mémo à l'intention de tous les employés de la compagnie pour leur annoncer le départ de certains cadres expatriés. Sous les coups de boutoirs des syndicats, on avait décidé de mettre un terme au contrat de tous les super directeurs étrangers recrutés par Alex van Elk avec la bénédiction du gouvernement. Edwin Frenks, directeur de la maintenance et de l'ingénierie devait être parti le 1er novembre. Mais avec la reconduction de Philemen Yang à la primature, Il n'est jamais parti, alors qu'il avait eu l'élégance d'organiser un cocktail d'adieu.

Ils sont au total une dizaine de cadres qui ont été recrutés par Van Elk avec l'accord tacite du gouvernement. Comme pour dire qu'une compagnie nationale des transports aériens au Cameroun ne pouvait recruter des cadres compétents sur place. Une belle insulte aux Camerounais et à leurs cinquante ans d'indépendance. Alors qu'on en sera à compter des milliards de déficit d'exploitation, Alex van Elk fait prospérer ses affaires personnelles. Et s'engraisse sur le dos des Camerounais. Le super directeur des opérations, un certain Matthijs Boerten, qui s'y connaît dans l'aviation et qui est la cheville ouvrière du système, est propriétaire d'une société Air Transport Services. C'est cette société qui recrute pour le compte de Camair-co pilotes, hôtesses, stewards et techniciens de maintenance.

Les techniciens formés par le Cameroun sont confinés dans des bureaux derrière des ordinateurs, à jouer au solitaire.

PLUS DE 650 MILLE FRANCS PAR JOUR ET PAR CADRE EXPATRIÉ

Que nous coûte cette mascarade ? Chaque cadre expatrié, sous contrat ou en mission de consultant gagne mille euros par jour. Soit plus de 650 mille francs par jour. Ils ne travaillent que vingt jours dans le mois, cela vaut un peu plus que 13 millions par mois. On multiplie par vingt et on a la mesure de la saignée. En dehors de ces salaires faramineux pour des résultats catastrophiques, les cadres de la troupe à Van Elk se permettent souvent d'autres gâteries. Outre les frais d'hôtel (Van Elk habite à l'hôtel Akwa Palace depuis son arrivée au Cameroun), les véhicules de service avec chauffeur, les frais de représentation, ils s'octroient aussi des primes exceptionnelles. Des recoupements auprès de la Société générale à  Paris sur le compte de la Camair-co font état de virements d'un montant total de 228 mille euros au profit de neuf cadres expatriés. Allez savoir pourquoi. Ces salaires seulement, payés par une compagnie qui peine à rentrer de l4 agents, ajoutés au prix des loyers des avions en leasing, suffisent à plomber l'équilibre financier d'une jeune compagnie aérienne.

Et Alex Van Elk s'en fout comme d'une guigne. On se demande toujours comment une compagnie aérienne comme la Camair-co n'ouvre pas de desserte sur Lagos, le plus grand marché de la sous-région. Selon des informations fiables, Alex van Elk y  serait poursuivi pour des histoires de moeurs et ne voudrait surtout pas qu'on l'y revoie. Alors, il se contente de mégoter sur des lignes qui ne rapportent rien à la compagnie. Il a par exemple eu l'idée, il y a trois semaines, d'ouvrir une fréquence sur Lyon. Au décollage de l'avion, il n'y avait que cinq passagers à bord. Philemeon Yang était certainement là pour applaudir le vol inaugural.

© L'Equation : David Serges Behel


23/02/2012
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