Le décret du président de la République portant répartition des sièges à l’Assemblée nationale par circonscription électorale est considéré comme un acte de fraude préélectorale.
Le président de la République a signé, le 3 juillet dernier, un décret portant répartition des sièges par circonscription électorale à l’Assemblée nationale. Cet acte majeur du président de la République nous plonge en plein cœur de la bataille des législatives et municipales du 30 septembre prochain, et consacre un calcul politicien de Paul Biya, président national du Rdpc.
La répartition des sièges de députés par
circonscription n’obéit à aucun critère objectif ; ni la démographie, ni
l’importance des localités dans la carte administrative du Cameroun.
Sinon, comment comprendre que le département du Mfoundi, avec une
population de 1 881 876 habitants, se retrouve
avec sept députés, alors que le Dja et Lobo,lui,s’entire avec 5 députés
pour 196 951 habitants ? Bien plus, le département du Wouri, avec ses 1
931 977 habitants, n’a que 9 sièges de députés, alors que la Menoua,
pour ses 285 764 habitants, décroche jusqu’à 5 sièges à l’Assemblée
nationale…
Riz, maquereau
Depuis la publication de ce décret du président de la République, des leaders de l’opposition, et même certains militants du Rdpc, crient, qui à l’injustice, qui à l’arbitraire ou au hold up préélectoral du président national du parti au pouvoir. A bien y regarder, la répartition des sièges par circonscription électorale à l’Assemblée nationale est loin d’être un fait anodin. Il s’agit d’un acte réfléchi des stratèges du Rdpc, qui, dans la perspective des élections du 30 juin prochain, ont voulu prendre de l’avance sur les autres prétendants aux sièges de députés. Les grands centres urbains (Mfoundi -Yaoundé, Wouri-Douala, Benoué-Garoua, Mezam-Bamenda, Meme-Kumba, Mifi-Bafoussam, Diamaré-Maroua, Fako-Buea, etc.), malgré une forte densité de la popula-tion, sont les plus lésés, au profit des zones rurales. D’aucuns estiment que le président Biya a donné plus de sièges de députés aux zones qui lui sont généralement plus favorables et moins à celles qui lui sont hostiles.
Crocs en jambe
Une autre lecture est possible. Douala, Yaoundé, Bamenda, Garoua, Maroua, etc. sont de grands centres urbains où il y a un tel brassage de populations venues de toutes les régions du Cameroun qu’un vote sur une base simplement ethnique n’est pas très possible. Bien plus, ce sont des régions peuplées en majorité de jeunes ouvertssurlemonde,qui ne sont pas enclins à suivre moutonnement les mots d’ordre de la hiérarchie du Rdpc ou des élites. Les populations urbaines ne votent pas facilement à la quantité de maquereaux offerte ou au nombre de kilogrammes de riz distribués pendant la campagne.
En face, l’opposition, comme toujours, est assommée. Prise de court. Incapable qu’elle est d’anticiper sur les crocs en jambe de l’adversaire Rdpc. Or, dans sa sixième lettre parue en début du mois de juin dernier, l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Marafa Hamidou Yaya, anciennement considéré comme le disque dur du système de fraude électorale au Cameroun, dénonçait l’iniquité de la répartition des sièges par le chef de l’Etat. Il proposait « une réforme cruciale : faire que tous les députés représentent un nombre de citoyens à peu près égal, conformément aux normes universelles applicables dont la justification se passe d’explication ».
Tout est-il pour autant perdu pour l’opposition ? Non. Mais, s’il fallait emprunter au langage du football, on dirait que le Rdpc, avant le début du match, a au moins 30% de possession du ballon. L’opposition se doit donc de mouiller le maillot. Mais alors, de bien le mouiller.