BRICE NITCHEU, « PAUL BIYA A TUÉ GUERANDI, ET DÉSORMAIS, TOUS LES COUPS SONT PERMIS »

Cameroun,Cameroon : Brice Nitcheu, « Paul Biya a tué Guerandi, et désormais, tous les coups sont permis »Depuis l’annonce de la mort de Guérandi Mbara par le journal « Jeune Afrique », les autorités camerounaises ne sont pas officiellement prononcées. Dans l’attente des nouvelles de Yaoundé, la rédaction de Camer.be est allée à la rencontre de Brice Nitcheu. Le leader du CODE connaissait personnellement l’ancien capitaine de l’armée camerounaise. Il s’exprime en exclusivité dans l’interview qui suit.  
 
Brice Nitcheu, selon une information du journal "Jeune Afrique" en kiosque depuis le 15 septembre 2014, le pouvoir de Yaoundé aurait commandité l’enlèvement, puis l’assassinat de Guérandi Mbara. Agé de 60 ans, ancien putschiste du 6 avril 1984, Guérandi était jusque-là réfugié au Burkina Faso. Connaissiez-vous Guérandi Mbara à titre personnel, et êtes-vous au courant de l'information publiée par Jeune Afrique?
Je connais personnellement le Capitaine Guerandi, qui était un grand ami, un frère, un mentor, et un très grand patriote. Nous avons travaille ensemble, dormi ensemble, souffert ensemble. Nous nous sommes vus pour la dernière fois en juin 2012 à Paris, et il m'avait fait part d'un certain nombre de projets pertinents sur lesquels il travaillait pour notre pays. Nous devrions nous revoir au mois de décembre 2012 à Nice pour faire le point.
 
Lorsque je suis revenu de Paris, nous avons eu quelques communications. Mais en décembre (2012, ndlr), il ne répondait plus à mes appels, ni à mes messages emails. Il avait ainsi l'habitude de disparaitre pour quelques mois, avant de ressurgir, mais au moins je savais toujours où il était.
 
Guerandi était un patriote inflexible, incorruptible, intransigeant sur les questions de liberté. Je dis bien était, parce que, je crois que Paul Biya l'a tué, jusqu'à ce qu’il nous apporte les preuves qu’il est vivant. Et si c'est le cas comme nous le pensons, je le jure sur l'honneur, Biya le regrettera pour le peu de temps qui lui reste au pouvoir.
 
Avec ce crime ignoble que tout Camerounais doit condamner sans réserve, il apparait clairement que Biya a choisi de faire de notre pays un état de non-droit, un état sauvage, un état terroriste, où des criminels peuvent enlever et assassiner les patriotes qui ont une autre vision du Cameroun. Dans ce contexte, Il faut donc considérer que désormais, tous les coups sont permis.
 
L'information est donc désormais arrivée sur la place publique. Il semble que Fernandes Abrantes, cité par Jeune Afrique en est l'auteur de la large diffusion. Le militaire portugais se féliciterait d’avoir « réussi en 10 mois, ce que les services camerounais n’ont pas réussi à faire en trente ans ». Mais, il aurait tout balancé pour se venger de la filouterie de l'Etat camerounais qui ne l’aurait pas payé pour ses services rendus. Quel commentaire vous inspire cette attitude?
Fernandes Abrantes est un vrai salaud, le genre de militaire un peu con qui a raté sa carrière, et qui s'est recyclé dans le métier de barbouze pour traquer les Patriotes Camerounais de la diaspora qui sont sur la liste noire de Paul Biya, et se faire ainsi du pognon facile. Je connais ce faux-jeton d'une certaine manière depuis 2007, car ce personnage avait déjà tente d'approcher le CODE, et d'ailleurs, à cette époque, j'en avais fait part à Guerandi. Vous voyez des criminels comme lui, qui pour gagner des sous,  se livre à la traque des citoyens d’un autre pays, d’un autre continent, et les livre sur le poteau de potence. Nous avons engagé une démarche auprès des autorités portugaises, afin que ce monstre soit arrêté, et jugé pour son crime, et le CODE prépare en ce moment une série manifestations devant les ambassades du Portugal à Londres, Paris, Bruxelles, Berlin, Washington, etc
 
Selon le même journal, depuis 2012 les services secrets camerounais ont été informés de ce que Guérandi Mbara, ancien capitaine de la garde républicaine a rencontré un vendeur d’armes installé à Paris. Il s'agirait de Georges Starckmann. Ce dernier devait livrer des armes de guerre à Guérandi. L'ex-putschiste devait s'en servir pour mener une rébellion au Cameroun. L'on parle d'une acquisition de près de 500 000 euros (environ 328 millions FCfa). Les armes devaient être produites en Russie. Que pensez-vous de ces déclarations ?
Il y a un certain nombre de choses que je sais, sur lesquelles nous avons travaillé ensemble, et que je ne peux révéler ici, car la lutte doit continuer. Nous nous entendions sur certaines choses, mais nous avions aussi nos divergences, et l’essentiel, c’était de trouver un moyen pour que Biya quitte le pouvoir, pour laisser les Camerounais reconstruire ce pays qu’il a violé, ruiné, et détruit sans pitié avec sa pègre. Il faut toutefois dire que Guerandi était convaincu, comme moi-même d’ailleurs, et comme des millions de Camerounais, que Monsieur Biya ne peut pas quitter le pouvoir à travers une élection qu’il a organisée. Et nous attendons depuis que ceux qui croient autrement nous apportent les preuves du contraire.
 
Que savez-vous précisément des grands projets de Guérandi?
Je ne peux pas révéler ici ses projets, car il a laissé un héritage idéologique, politique, et humain. Il a laissé des Patriotes qui croient en lui, qui le vénèrent, qui sont convaincus par son discours révolutionnaire de libération. Ces patriotes-là sont nombreux, et vont poursuivre la lutte.
 
Pour revenir aux circonstances de la présumée disparition de Guérandi, José Alberto Fernandes Abrantes, un colonel portugais des forces spéciales est cité comme celui-là même qui aurait été le bourreau de votre compagnon de lutte. L'homme en tenue de nationalité portugaise aurait aidé la Direction générale de la recherche extérieure (Dgre), une police spéciale du Cameroun, à s'offrir la tête de Guérandi. Croyez-vous que le piège du voyage vers la Russie à pu fonctionner?
Pour l’instant, je ne peux pas faire certaines affirmations. Nous travaillons pour faire tous les recoupements possibles de cette affaire, qui pour nous est comme l’affaire Ben Bella, le nationaliste et dirigeant Algérien que les Français avaient enlevé pour dérailler le processus de l’indépendance en Algérie. S’il y a une seule personne sur la terre qui croit que le Portugal et Paul Biya vont s’en sortir aussi facilement, cette personne se trompe. Notre pays a trop souffert des complots des mercenaires occidentaux, et nous ne pouvons plus l’accepter. Felix Moumié est mort à Genève, empoisonné par un mercenaire à la solde de la France, et il y a des morts, comme celle de Moumié, qui font basculer le destin d’un pays.
 
Depuis plusieurs décennies, Guérandi a échappé aux services spéciaux camerounais. Si sa mort est avérée, ne paie-t-il pas là son intransigeance et sa méfiance vis à vis d'Etoudi?
Je suis très bien placé pour dire à quel point Guerandi était traqué. D’ailleurs pour qu’on se rencontre, on était toujours obligé de prendre un certain nombre de mesures sécuritaires. Paul Biya dit pourtant avoir accordé l’amnistie aux putschistes de 1984. Guerandi avait des idéaux auxquels il était viscéralement attaché. Il était contre tout compromis avec un régime sanguinaire et corrompu. Il n’était pas le genre de Issa Tchiroma, qui aboie quand il a faim, et lorsqu’on lui balance un morceau, il devient docile, et devient même le chien de son bourreau.
 
Certains médias affirment aujourd'hui que Yaoundé aurait proposé à Guérandi de rentrer à Yaoundé contre un portefeuille ministériel. Vous a-t-il fait part de cette information à un moment ou à un autre?
Je ne crois pas que Paul Biya pouvait commettre une telle erreur. Guerandi était le fantôme qui hantait Etoudi. Il était la bête noire, et sa traque a d’ailleurs permis à certains officiers de s’enrichir. Les proches de Biya voulaient que Guerandi restent dehors, qu’il soit actif, car il était le fonds de commerce pour beaucoup dans les services de renseignements.
 
Guérandi aurait quitté Ouagadougou pour le Portugal le en janvier 2013. Il aurait été ensuite tué plusieurs mois plus tard (janvier 2014?) au Cameroun entre les villes de Pouma et d'Edéa où il aurait été exécuté et inhumé dans le secret. Cette hypothèse décrite par Jeune Afrique vous semble-t-elle plausible? Comment a-t-on pu cacher aussi longtemps la mort de cet homme aussi connu qu'est Guérandi?
Pour dire vrai, nous commencions à soupçonner que quelque chose n’allait pas, car depuis décembre 2012, nous avions perdu ses traces. J’en ai discuté avec certains proches, et au sein du CODE. Guerandi avait l’habitude de disparaitre pour des mois. Mais il faisait tout pour que nous sachions où il est, et lorsqu’il était dans l’impossibilité technique de nous contacter, il le faisait à la première opportunité. Paul Biya croyait avoir commis le crime parfait. Maintenant, il n’a plus un autre choix que de dire la vérité au Camerounais.
 
De son vivant, Guérandi (connu sous le nom de Ahmadou Diallo au Burkina Faso) est une opportunité pour certains responsables camerounais puisque les fonds spéciaux ne viennent jamais à manquer pour traquer celui qui fait peur à Etoudi. Vous venez de l’affirmer vous-même. En tant que leader d'opinion farouchement opposé au régime de Yaoundé, avez-vous désormais peur pour votre vie? Craignez-vous d'être la prochaine cible?
Comme je vous l’ai dit plus haut, ils ont tenté plusieurs scenarios, tendu plusieurs traquenards, mais jusqu’ici, ils ont échoué. Maintenant, ils essayent d’infiltrer le CODE pour l’imploser de l’intérieur, et ils ont réussi à trouver quelques membres pour faire le sale boulot. Mais nous sommes vigilants, plus que jamais.

© Camer.be : Interview réalisée par Hermann Oswald G'nowa


17/09/2014
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