La localité de Greya dans le Mayo Sava a été attaquée par la secte Boko-Haram le Dimanche 17 Août 2014. Le Journal « Mutations » publie dans son édition du jeudi 21 Août 2014 un bref article de son collaborateur Jacques Kaldaoussa qui en rend compte avec clarté et précision. A la lumière de cet article et d’autres informations, nous voulons relever ici quelques points d’une réelle gravité qui caractérisent notre lutte contre Boko-Haram aujourd’hui.
BUFF ET IMPUISSANCE MILITAIRE.
Au lendemain de l’envoi massif de renforts militaires dans le Nord du
pays, nous faisions remarquer qu’il ne suffisait pas d’envoyer des
renforts, encore fallait-il que fut élaborée une stratégie cohérente de
lutte contre la secte terroriste. Nous mettions donc en garde contre
tout excès d’optimisme. Pendant quelques semaines on a pu abuser
l’opinion avec des communiqués triomphalistes annonçant des victoires
successives sur l’ennemi, avec chaque fois des dizaines de morts parmi
les membres de la secte. Voilà qu’aujourd’hui les attaques se
succèdent, mettant à nu l’extrême vulnérabilité de notre dispositif
militaire. L’attaque de la localité de Greya en est une illustration
tragique et révoltante.
Ainsi donc, plus de trois mois après l’arrivée de plus de deux
mille hommes de renforts - un temps largement suffisant pour leur
déploiement intelligent sur le terrain – les axes de pénétration de
notre territoire, avec des véhicules en colonnes, restent totalement
sans défense et les localités frontalières sans dispositifs
sécuritaires d’alerte, ni dispositifs militaires réactifs.
« les assaillants ont passé deux heures d’opération dans la localité
(de Greya) sans qu’ils soient inquiétés avant de traverser
tranquillement la frontière en direction du Nigéria. Dans la foulée,
ils ont fait 17 personnes otage. (J. Kaldaoussa, »Mutations » du 21
Août 2014).
Comment s’expliquer cette passivité de nos forces armées, trois mois après l’arrivée de renforts militaires massifs ?
Selon les autorités militaires, les récentes et récurrentes
attaques de Boko-Haram peuvent s’expliquer par leur appauvrissement
(sic). Ne disposant pas de moyens financiers suffisants pour leur
entretien, leur by Browsing Protection" id="_GPLITA_0" href="http://www.camer.be/35769/11:1/cameroun-breves-lecons-de-lattaque-greya-par-boko-haram-cameroon.html#">logistique
et les salaires des adeptes, ils ciblent ainsi les petits villages,
égorgent leurs victimes et s’emparent des biens et des personnes » ( ! )
Stupéfiant, non ?
Ce bluff est d’autant plus insupportable qu’il s’appuie sur le mensonge : Boko-Haram a clairement annoncé son objectif :
Il a « sérieusement menacé l’essentiel des populations des localités
frontalières de quitter afin de leur permettre de s’installer »
(J.Kaldaoussa, article cité).
Pour Bopko-Haram, il s’agit donc d’un plan d’occupation, d’invasion de cette partie de notre territoire national.
Lorsqu’en une attaque comme celle de Greya du 17 Août 2014 les
éléments de la secte islamique terroriste « égorgent trois villageois,
enlèvent trois cent chèvres, pillent les boutiques du marché, et
chargent trois cent sacs de riz à bord de leurs véhicules » puis
finalement « mettent le feu à l’école publique de Greya et aux manuels
scolaires y stockés et prennent 17 otages » Il est clair que c’est pour
terroriser les populations et les obliger à déguerpir…
Et chacun peut comprendre que si cette situation perdure les populations n’auront pas d’autre choix que de commencer à partir ou à coopérer avec les terroristes en les laissant contrôler la région. C’est aussi simple que cela.Il est donc temps d’alerter le pays, de dénoncer la stratégie du bluff tous azimuts que le parti au pouvoir tente d’opposer au danger réel que constitue Bioko-Haram.
L’urgence des urgences, comme nous l’avons déjà plusieurs fois
souligné, c’est que nos troupes soient armées et équipées au même
niveau, voire à un niveau supérieur à celui de Boko-Haram. Dans son «
Regard » du « Cameroon Tribune » du 18 Août 2014, N. FORBINAKE nous
assure qu’après les renforts, » the presence of troups is also
accompanied by the appropriate state-of-art military paraphernalia to
meet the demands of a modern army and residents of Yaoundé, Ngaoundéré
and Garoua can attest this because of the endless convoys of brand- new
equipements heading for the war zone virtually on a daily basis”.
Tout le monde n’a certes pas le don de l’éditorialiste de
Cameroon Tribune de voir à l’intérieur des containers qui passent, mais
quand nos soldats seront bien armés, cela se verra sur eux et se
constatera à leur efficacité dans les combats. Vivement donc que les
choses changent.
La stratégie du bluff tous azimuts à laquelle le parti au pouvoir a
recours a propos de Boko-Haram se déploie aujourd’hui sur un vaste
champ d’application qui va du mensonge sur l’ennemi et ses objectifs (
comme lors de l’attaque de Greya) jusqu’au camouflage ou à l’excuse des
défaites par l’évocation du concept de la guerre asymétrique, en passant
par la mystification qui consiste à qualifier de mobilisation guerrière
contre Boko-Haram une banale campagne électorale présidentielle.
Nous avons en effet déjà attiré l’attention sur le fait que la
campagne de motions de soutien au Président dans sa déclaration de
guerre contre Boko-Haram n’avait aucun sens comme campagne de
mobilisation guerrière contre la secte terroriste. Nous avons notamment
suggéré que cette propagande présidentielle s’accompagne d’une
souscription obligatoire graduée de cent mille francs cfa par élite de
base, un million par élite moyenne et un milliard par élite supérieure.
Dans un pays comme le nôtre où le culte de la personnalité se
pratique à propos de tout, il peut paraître blasphématoire d’affirmer
qu’il ne suffit pas que le Président donne des instructions pour que la
victoire soit assurée. Les insuffisances présumées des prédécesseurs des
chefs militaires récemment nommés dans l’Extrême-Nord peuvent avoir été
plus imputables aux structures et aux stratégies qu’à l’incompétence
personnelle. Aussi nous semble-t-il nécessaire de suggérer en toute
humilité que le promotion des nouveaux responsables de la quatrième
région militaire inter-armée et de la quatrième région de gendarmerie
soit suivie dans les meilleurs délais de la mise en place d’un Etat
Major intégré pour plus de cohérence, et d’un redéploiement plus
efficient de nos forces sur le terrain.
Enfin, toujours pour sortir du bluff et de l’impuissance militaire, il
faut rappeler que le Chef de l’Etat, est Chef des Armées par
prérogative politique constitutionnelle. Il relève du bluff de lui
attribuer, de par ce rôle, des compétences militaires spéciales : ceux
qui, au plan technique l’épaulent en la matière, notamment le Conseil
National de Sécurité, ne sauraient être des fantômes, des fantoches ou
des griots politiques, surtout au moment où se posent avec acuité les
problèmes de l’organisation et de l’action de nos forces face au
danger.
BOKO-HARAM OU REBELLION ARMEE ?
Remarques essentielles :
1.- L’attaque de » Greya, dans ses objectifs déclarés et ses
méthodes barbares, est une manifestation incontestable de l’existence
de Boko-Haram et de la persistance de cette menace directe d’occupation
d’une partie de notre territoire national.
2.- Le fait que d’autres formes d’attaques se soient manifestées,
notamment des enlèvements, et n’aient pas été revendiquées par
Boko-Haram ne diminue en rien le rôle majeur de la secte terroriste à
laquelle se rattachent volontiers ces activismes annexes.
3.- Avant de savoir quelle est la principale menace, Boko-Haram ou
la « Rébellion armée », ou de nous demander si Boko-Haram est
camerounais ou vient de l’extérieur, cherchons à savoir quelles sont les
tâches prioritaires de notre pays, dans le contexte du Grand Nord ? Ces
tâches prioritaires sont de deux ordres :
Primo : Armer nos soldats au moins au même niveau sinon à un niveau
supérieur à celui des terroristes de Boko-Haram ou des soldats français
de l’opération Barahkhane.
Secundo : sanctuariser notre territoire national par un redéploiement de nos forces bien équipées.
4.-De quels atouts disposons-nous pour atteindre les objectifs ci-dessus ?
Nous avons les engagements de la « communauté internationale » ( le mot
est certes décrié mais la politique internationale et la politique tout
court ne sont pas que subjectivisme), notamment l’engagement des
présidents français et américain d’aider concrètement à la lutte contre
le terrorisme et en particulier contre Boko-Haram. Il faut exploiter à
fond ces engagements et armer rapidement nos soldats.
Il va de soi que l’armement et l’équipement de nos forces sont
indépendants de l’identité de la menace : qu’il s’agisse de Boko Haram
de forme a ou b, ou de la « rébellion armée.
L’autre atout pour atteindre ces objectifs, c’est la prise de conscience et la mobilisation de notre peuple, non pas derrière un homme comme le suggère l’escroquerie politique des motions de soutien, mais pour défendre le pays.
Evaluation de la menace d’une « rébellion armée » au Nord Cameroun :
1. Il n’y a pas ou pas encore de cristallisation d’une
rébellion armée au Nord Cameroun : ambitieux ou mécontents, les barons
du parti au pouvoir y jouent chacun sa partition. On peut donc parler de
plusieurs foyers insurrectionnels potentiels non déclarés et sans chefs
affirmés.
2. Et le fait que l’activisme des éventuels animateurs d’une
rébellion se déploie par complicité avec Boko Haram les réduit au rôle
de menace secondaire.
3. On signale au Tchad un groupe d’hommes armés basé à
proximité des frontières du Cameroun et de la RCA qui pourrait donc
avoir pour zone d’opération un de ces trois pays. Que ce groupe de
Larmanay puisse être la « rébellion armée » qui menacerait notre pays
relève encore du fantasme.
4. Une « rébellion armée » ce n’est pas que des hommes et des
fusils, c’est aussi et surtout un groupe poursuivant des objectifs plus
ou moins nobles, encadré entrainé (au sens de tiré de l’avant) par des
cadres et des chefs ou un chef qui en constituent la référence. Si l’on
ne tient compte que du financement, il est peu probable qu’un groupe de
mercenaires constituent une « rébellion armée ».
Et rappelons que les barons du RDPC dans le Nord sont si
lamentablement responsables du bilan du régime Biya qu’il nous paraît
difficile que nos compatriotes du nord s’engagent par simple
régionalisme aveugle dans une « rébellion armée » pour servir ces hommes
de main de longue date de Paul Biya qui ont démontré à tous pendant des
décennies leur hostilité aux aspirations de notre peuple et au progrès.
Notre point de vue sur ce débat.
1.- Ce débat tend à déplacer l’attention des patriotes et du
peuple camerounais de la menace majeure (Boko-Haram), prioritaire,
vers une menace tout au plus potentielle (une éventuelle rébellion
armée).
2.- Il veut créer une véritable psychose artificielle,
devélopper la peur, en présentant la rébellion armée comme la vraie
menace, en transposant le schéma de la crise ivoirienne, telle qu’elle
est vue par les partisans de Gbagbo, au problème de l’insécurité
transfrontalière au Cameroun.
3.- Il alimente une francophobie primaire qui détourne les
Camerounais de l’objectif principal de la lutte contre le terrorisme de
la Secte Boko Haram, vers un objectif erroné de haine contre les
Français accusés de manière on ne peut plus irresponsable de fomenter
dans le Nord Cameroun une rébellion visant à diviser le pays en deux ! «
Comme en Côte d’Ivoire » !
4.-« Les Français sont complices de ce qui se passe dans le
Nord : ils ont des drones et ils n’avertissent pas les Camerounais des
mouvements de Boko Haram ». Chers compatriotes les choses ne sont pas
aussi simples : quelle convention avez-vous signée avec la France pour
qu’elle surveille notre territoire ? N’est-ce pas vous qui refusez même
aux Nigérians d’exercer le droit de poursuite de Boko-Haram en
territoire camerounais ? Nous ne nous posons pas ici en défenseurs des
Français, mais de la cohérence et du sérieux des patriotes. Ne
pensez-vous pas qu’il faut d’abord résoudre avec les Français et les
Américains la question prioritaire du sous-armement de nos soldats par
rapport aux terroristes de Boko-Haram,…Quitte à trouver d’autres
solutions s’ils traînent les pieds ?
AGIR POUR LE REDRESSEMENT
La situation dans le Nord de notre pays est lourde de dangers, mais elle ne doit pas inciter à la panique. La peur d’une « rébellion armée » relève du fantasme : le vrai danger, le danger prioritaire reste Boko-Haram. Cette situation inspirerait d’ailleurs moins d’inquiétude si elle était suivie au jour le jour par les plus hautes autorités. Or, quand elles ne sont pas absentes du pays, leur inaction favorise le pourrissement des situations délicates.
Nous devons dans les meilleurs délais sanctuariser notre territoire national où les groupes terroristes doivent cesser d’entrer, de se livrer à toutes sortes de crimes, et repartir en toute impunité. Pour parvenir à cette efficacité opérationnelle, le Conseil National de Sécurité doit cesser d’être une fiction maquant de crédibilité, et doit inspirer la confiance par son sérieux et son dynamisme. Il doit être en contact avec les réalités du terrain, avec l’Etat major intégré, et s’assurer du bon déploiement de nos forces et de leurs dispositions combatives. Comment comprendre que restent aux affaires de hauts responsables accusés de déloyauté ou de crimes, sans du reste que ces accusations ne fassent l’objet d’enquêtes. En fait, la passivité au sommet des institutions est encore plus dangereuse que Boko-Haram ou la rébellion armée.