Mahamat Ahamat, président national de «Synergie des organisations des jeunes patriotes Camerounais du Septentrion pour la défense de la souveraineté du Cameroun»
Quelle est la situation qui prévaut aujourd’hui à Kousseri ?
Nous vivons avec la peur au ventre, nous entendons régulièrement des
détonations d’armes, en plus il y a des assassinats et des agressions à
l’arme blanche. Tout cela au nom supposé de l’islam. Mais la fibre
patriotique nous donne beaucoup de courage. Nous interpellons les jeunes
à refser l’enrôlement dans cette secte qui pille et tue de paisibles et
laborieuses populations. C’est un leitmotiv au sein de notre
association «Synergie des organisations des jeunes patriotes camerounais
du Septentrion pour la défense de la souveraineté du Cameroun» que de
dénoncer cette bande de malfaiteurs qui veulent déstabiliser notre cher
et beau pays.
Actuellement, un vent de paix et de stabilité est en train de frémir dans notre localité au vu du redéploiement de nos forces de l’ordre qui multiplient des stratégies afin de venir à bout de cet ennemi de la cohésion sociale qu’est Boko Haram. Avec nos forces de défense et de sécurité qui sont déployées le long de la route, de Waza en passant par Zigagué, Dabanga et les villages alentours, notamment Fotokol et Kousseri centre, on ressent déjà le fruit de ce nouveau dispositif dans le Logone et Chari.
Certains disent que les populations sont réticentes à dénoncer Boko Haram…
Oui c’est vrai. Car Boko Haram recrute beaucoup au sein de la population
jeunes désoeuvrés. De même, cette secte utilise ces jeunes pour
convoyer des armes et des munitions, pour obtenir des renseignemnts et
transporter des vivres ou toute autres choses. On a cru au début qu’ils
n’étaient là juste que pour un repli stratégique afin de mener leur
guerre du côté du Nigeria voisin. Mais de plus en plus, la menace
s’installe chez nous. Ils s’en prennent à nos biens, notre paix et
surtout à notre intégrité territoriale. Nous sommes donc plus que par le
passé appelés à se serrer les coudes afin de barrer la voie à ce
phénomène en venant en aide à nos forces de l’ordre sur le terrain. Boko
Haram est aujourd’hui le plus grand agent de la mort dans le Grand
Nord.
Comment expliquer que des jeunes acceptent de travailler pour un agent de la mort ?
Dans le secteur du Lac Tchad, nous avons connaissance d’un point focal
de la secte Boko Haram. Ils sont en train de soudoyer des jeunes à 400
000 voire 500 000 francs en plus d’une moto pour être leurs agents ou
coursiers en terre camerounaise. Ces motos, ils s’en servent pour faire
le transport (moto taxi) de même que lorsqu’ils ont des opérations
spécifiques, ils sont sollicités par leurs employeurs. A supposer qu’ils
aient des armes et des munitions à transporter, ils leurs disent :
voici des munitions que tu dois transporter à tel endroit, à la fin de
l’opération, la moto t’appartient. C’est comme cela qu’ils ont conquis
la jeunesse à leur début. Nous également en tant qu’association de
jeunes nous sensibilisons les jeunes dans ces zones de recrutement vers
Darak, Hilé Halifa, Makari, Fotokol. Nous sommes en train de
sensibiliser ces jeunes afin qu’ils prennent la mesure de la dangerosité
de leur engagement à servir un agent de la mort. Ceci dans le souci que
la paix et la fierté patriotique règne dans nos familles partout au
Cameroun.
Que faites-vous concrètement pour convaincre cette jeunesse à changer de camp ?
Vous savez, la jeunesse ici est abandonnée à elle-même. Elle est peu
scolarisée et n’a pas d’emploi. Des fois, ils font l’objet de quelques
attentions d’hommes politiques lors des campagnes éléctorales. Après,
plus rien. Sur le terrain, il n’y a aucun encadrement pour ces
débrouillards qui essaient toute sorte de chose pour survivre. Voilà
pourquoi bon nombre d’entre eux cèdent facilement aux sirènes de ces
vendeurs d’illusions, ces criminels que sont les Boko Haram. Les jeunes
ici n’espèrent pas forcément être fonctionnaires, ils veulent exercer
des petits métiers bien encadrés. Il y a parmi eux des agriculteurs, des
éleveurs, des commerçants. Ils espèrent profiter des microprojets comme
cela se fait partout au Cameroun afin de se rendre utile à leurs
familles et à la Nation. Aujourd’hui, les plus entreprenants se voient
refouler lorsqu’ils se pointent pour un financement de projet, car
dit-on, ils n’ont aucune garantie pour qu’on leur accorde un prêt. Il
nous faut plus que des discours à l’heure actuelle, c’est une question
de survie.