Petit-à-petit, l’épais brouillard qui enveloppe le jeu des acteurs dans l’insécurité que traverse en ce moment la partie septentrionale du Cameroun se dissipe. Dernier élément dans le puzzle, les circonstances de la réorganisation des troupes dans la lutte contre la nébuleuse.
«Je n’exclus pas la participation de la France dans ce jeu» indiquait en substance le Pr Max Roland Nkoudou dans l’édition d’Intégration du lundi 04 août 2014. Le géo - stratège se prononçait sur la thèse passablement repandue dans l’opinion présentant ce qui se passe actuellement dans la partie septentrionale du Cameroun comme un complot de la France. Les faits semblent ne pas démentir l’enseignant d’université. Le pays de François Hollande se révèle aujourd’hui être, à tout le moins, une partie de la solution de la lutte contre les assauts répétés d’assaillants que subit l’Extrême-Nord du Cameroun.
Des assauts régulièrement désignés par l’expression politiquement correcte, «attaques de Boko Haram ». En effet, c’est depuis la France que le chef de l’Etat camerounais, venu officiellement «assister à la cérémonie internationale de commémoration du 70e anniversaire du Débarquement en Provence», a signé le 14 août dernier les décrets réorganisant le dispositif militaire dans le cadre de la lutte contre l’insécurité dans cette partie du pays.
Une réorganisation intervenue après un entretien à l’hôtel Le Meurice entre Paul Biya et Jean- Yves Le Drian, ministre français de la Défense. C’est la seule audience que le président camerounais «a tenu à médiatiser» selon Charles Ndongo, le directeur de l’information de la télévision publique camerounaise. De cet entretien de 45 minutes, le site officiel de la présidence de la République dit «que rien n’a filtré».
Toutefois, y lit-on également,«l’on peut observer que cette rencontre entre le président Paul Biya et le ministre français de la Défense intervient au moment où la situation sécuritaire est préoccupante dans l’Extrême-Nord du Cameroun du fait des agissements du groupe djihadiste Boko Haram venu du Nigeria ».
Un Biya bavard
Le 2 août en partance pour Washington DC, où il devait prendre part au sommet Etats-Unis/Afrique, Paul Biya avait déjà un peu trop dit sur la nature de la menace que fait face le Cameroun. Appelant les Camerounais à «faire preuve de courage, de solidarité et de patriotisme», il avait en effet indiqué que «ce n’est pas le Boko Haram qui va dépasser le Cameroun», le pays ayant «éradiqué les maquis (des mouvements révolutionnaires)» et étant «venu à bout des villes mortes». Pour ceux qui n’ont pas vécu ces deux évènements, il convient de souligner qu’ils ont pour points communs d’avoir été des mouvements de contestation de l’ordre établi visant la prise non constitutionnelle du pouvoir.
Lors de cette même sortie, le président camerounais lâchait: «On a eu à lutter contre ce même Nigeria pour Bakassi (…). Mon voyage me permettra également de continuer la lutte au niveau international. Parce que c’est un mouvement terroriste international, il faut donc aussi le prendre à l’international (…)». Au vu des réactions de dénonciation qui ont suivi dans la presse et la classe politique camerounaise, l’on peut en effet se risquer à penser comme, Cameroon tribune, le quotidien gouvernemental, «que tout ce beau monde, sciemment ou non, semble avoir délaissé la proie pour l’ombre». Autrement dit, que Paul Biya a montré la lune et l’on s’est attardé sur son doigt.